Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, V.djvu/222

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avis. Cependant, ce sera toujours une sorte de vertu que l’enthousiasme. M. Louis Asseline, en 1865, dans une conférence sur Diderot et le xixe siècle, répondant à ce reproche, s’écriait bien à propos : « Ah ! cet enthousiasme de Diderot pour le vrai, pour le beau et pour le bien, que je voudrais le voir à notre génération ! Au commencement du xvie siècle, un savant anglais, Henri More, publia un livre intitulé : Enthusiasmus triumphatus, seu de causis et de curatione enthusiasmi : De la cure de l’enthousiasme. J’ai bien peur que son livre ne nous fût inutile : nous sommes guéris, mais prenons garde, car c’est une guérison dont on meurt. » Cela est juste et bien dit.

Le premier de ces morceaux est précédé, dans le Journal étranger et dans le recueil des principaux articles de ce journal, publié en 1770 sous le titre de Variétés littéraires (4 vol. in-12), de l’avis suivant, qui est de l’abbé Arnaud, un autre enthousiaste :


« Il nous est tombé entre les mains un exemplaire anglais de Clarisse, accompagné de réflexions manuscrites, dont l’auteur, quel qu’il soit, ne peut être qu’un homme de beaucoup d’esprit ; mais dont un homme qui n’aurait que beaucoup d’esprit ne serait jamais l’auteur. Ces réflexions portent surtout le caractère d’une imagination forte et d’un cœur très-sensible ; elles n’ont pu naître que dans ces moments d’enthousiasme, où une âme tendre et profondément affectée cède au besoin pressant d’épancher au dehors les sentiments dont elle est, pour ainsi dire, oppressée. Une telle situation, sans doute, n’admet point les procédés froids et austères de la méthode : aussi l’auteur laisse-t-il errer sa plume au gré de son imagination. J’ai tracé des lignes, dit-il lui-même, sans liaison, sans dessein, et sans ordre, à mesure qu’elles m’étaient inspirées dans le tumulte de mon cœur. Mais à travers le désordre et la négligence aimable d’un pinceau qui s’abandonne, on reconnaît aisément la main sûre et savante d’un grand peintre. La flamme du génie brillait sur son front, lorsqu’il a peint l’envie cruelle poursuivant l’homme de mérite jusqu’au bord de sa tombe ; là, disparaître et céder sa place à la justice des siècles.

« Mais nous ne devons ni prévenir, ni suspendre plus longtemps l’impatience de nos lecteurs. C’est le panégyriste de Richardson qui va parler. »



Par un roman, on a entendu jusqu’à ce jour un tissu d’événements chimériques et frivoles, dont la lecture était dange-