Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, V.djvu/372

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Novembre 1816.
Madame,

La mort de mon second frère, arrivée il y a environ six mois, a mis en ma possession des ouvrages manuscrits qui vous intéressent d’une manière particulière, puisque tous sont relatifs à votre illustre père ; plusieurs sont écrits de sa main, entre autres le Plan d’une Université dressé pour l’impératrice de Russie ; la Suite d’un Dialogue, etc. D’autres sont des copies d’ouvrages de sa composition, imprimés ou inédits, tels que la Religieuse, la Promenade du Sceptique et les Remarques sur l’Homme d’Helvétius, etc. Un autre, enfin, est une copie des Mémoires pour servir à la Vie de M. Diderot, composés par mon frère l’académicien.

Des personnes qui connaissent ma position m’ont assurée que je placerais ces manuscrits avec avantage chez des libraires étrangers ; mais sachant tout le respect que vous portez à la mémoire d’un père qui vous chérissait, j’ai cru que vous saisiriez une occasion de posséder des ouvrages dont l’impression pourrait troubler votre tranquillité. C’est à vous, madame, à déterminer ce qui mérite encore de voir le jour parmi les manuscrits de M. Diderot ; c’est à vous aussi qu’il appartient d’apprécier les détails qui peuvent être publiés sur ses opinions et sur ses relations. Pour moi, je serais désolée que la liaison intime de mon frère avec M. Diderot donnât lieu à la publication d’un ouvrage qui n’aurait pas votre approbation.

J’aurai l’honneur de vous donner plus de détails sur tous ces objets, si vous voulez bien m’indiquer le jour où je pourrais me rendre chez vous, accompagnée de M. Barbier, administrateur des Bibliothèques particulières du Roi, que mon frère l’académicien avait admis dans sa familiarité, et qui est un sincère admirateur de M. Diderot.

Cette lettre, dont la minute écrite par A.-A. Barbier nous a été communiquée par M. Louis Barbier, n’eut pas le résultat que Mme de Villeneuve en attendait, Mme de Vandeul ayant elle-même une collection des œuvres publiées ou inédites de son père. Ces papiers restèrent donc à Mme de Villeneuve jusqu’à la vente de sa bibliothèque, qui eut lieu en 1819. Ce fut à cette vente que les Mémoires de Naigeon furent acquis par M. Brière ; mais on remarquera que parmi les manuscrits offerts par Mme de Villeneuve, il n’est pas fait mention du Neveu de Rameau, ce qui peut faire supposer qu’après 1795 Naigeon s’en était défait. De plus, ses Mémoires étant restés manuscrits, le public ne pouvait se douter, à cette époque, de l’existence du précieux ouvrage qui s’y trouvait mentionné. C’est en Allemagne que nous devons nous transporter pour en entendre parler de nouveau, et c’est Gœthe qui va nous en parler[1]. « À la fin de 1804, dit-il, Schiller m’apprit qu’il avait entre les mains un manuscrit encore inédit et resté inconnu d’un dialogue de Diderot, intitulé : le Neveu de Rameau. Il me dit que M. Goeschen avait l’inten-

    quarante-deux ans, dans l’administration des vivres-pain de l’armée, savoir, depuis le 1er mai 1761 jusqu’en octobre 1803. Il en avait exercé tous les emplois, auxquels on parvient graduellement avec de la conduite, du zèle, de la probité, de l’intelligence, jusqu’à celui d’administrateur général ; mais il a exercé aux armées celui qui le représente, c’est-à-dire celui d’agent en chef. (Note de A.-A. Barbier, communiquée par M. Louis Barbier.)

  1. Goethe’s sämmtliche Werke (Paris, Vve Baudry, 1840), t. V, p. 135-138.