Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, V.djvu/424

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lui.

Eh ! laissez-la déraisonner tant qu’elle voudra, pourvu qu’elle soit jolie, amusante et coquette.

moi.

Puisque la nature a été assez ingrate envers elle pour lui donner une organisation délicate avec une âme sensible, et l’exposer aux mêmes peines de la vie, que si elle avait une organisation forte et un cœur de bronze, je lui apprendrai, si je puis, à les supporter avec courage.

lui.

Eh ! laissez-la pleurer, souffrir, minauder, avoir des nerfs agacés comme les autres, pourvu qu’elle soit jolie, amusante et coquette. Quoi ! point de danse ?

moi.

Pas plus qu’il n’en faut pour faire une révérence, avoir un maintien décent, se bien présenter et savoir marcher.

lui.

Point de chant ?

moi.

Pas plus qu’il n’en faut pour bien prononcer.

lui.

Point de musique ?

moi.

S’il y avait un bon maître d’harmonie, je la lui confierais volontiers deux heures par jour pendant un ou deux ans, pas davantage.

lui.

Et à la place des choses essentielles que vous supprimez ?…

moi.

Je mets de la grammaire, de la fable, de l’histoire, de la géographie, un peu de dessin et beaucoup de morale.

lui.

Combien il me serait facile de vous prouver l’inutilité de toutes ces connaissances-là dans un monde tel que le nôtre ; que dis-je, l’inutilité ! peut-être le danger ! Mais je m’en tiendrai pour ce moment à une question : ne lui faudra-t-il pas un ou deux maîtres ?

moi.

Sans doute.