Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, V.djvu/505

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fait demander. Cléonidas est forcé d’obéir, et Carite est livrée à Cydippe, qui la relègue dans le fond d’une solitude ignorée.

Elle vivait depuis deux mois dans cette solitude, employée aux travaux les plus durs, lorsqu’une nuit on enfonce les portes de la maison qu’elle habitait. C’était Agénor accompagné d’une troupe d’amis et d’esclaves. Il avait découvert la prison de Carite, et il venait l’en délivrer et la reprendre.

Ceux à qui l’on avait confié la garde de Carite se défendent contre Agénor. Il se fait un grand tumulte. Carite s’éveille et se sauve.

La voilà seule, errante dans les forêts, tremblante, éperdue et ne sachant où porter ses pas. Elle arrive aux bords de la mer. Elle tombe de besoin et de lassitude. Elle était sur le point d’expirer, lorsqu’un homme vient à son secours. Cet homme, c’est Polydore. C’est entre les bras de Polydore qu’elle se trouve au sortir d’un long évanouissement. C’est son amant qui la réchauffe et qui la ranime. Elle entr’ouvre les yeux et elle revoit le jour qu’elle était prête à perdre et l’amant qu’elle avait perdu… « Ah ! Polydore, c’est vous ! — Ah ! Carite, c’est vous ! »

Polydore avait abordé en Crète. Thésée avait tué le Minotaure. Il était sorti du labyrinthe. Il avait enlevé Ariane, fille de Minos ; il venait à Naxe dans le dessein perfide d’y laisser sa bienfaitrice. Polydore s’était attaché à son sort, et le premier objet qui l’avait frappé en descendant sur le rivage, c’était la malheureuse Carite.

Polydore et Carite étaient couchés sur le bord de la mer, incertains de ce qu’ils deviendraient, lorsqu’ils aperçurent deux bâtiments qui approchaient des côtes. Leur espérance renaît. La route de ces voyageurs s’adressera peut-être aux lieux de leur naissance ; peut-être on aura pitié d’eux. On les recevra, et ils reverront leurs parents qu’ils ont laissés bien désolés.

Ils vont. Polydore s’adresse à celui qui commande. « Nous sommes Athéniens, lui dit-il, notre vaisseau a péri sur cette côte. Nous périrons aussi si vous n’avez pitié de nous. Daignez nous prendre l’un et l’autre et nous rendre à notre patrie. »

Le commandant leur répond, avec un souris méchant, qu’il ne demande pas mieux. C’était un corsaire phénicien, qui suivait les côtes dans le dessein d’enlever des esclaves. Polydore