Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, V.djvu/508

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proche et lit sur l’une : Au malheureux Corébe, et sur l’autre : Au malheureux Polydore.

Il demeure sans voix ; ses genoux se dérobent sous lui ; son âme est en proie à la pitié, à la douleur, à la jalousie, à la fureur ; il veut renverser le tombeau de Corébe, les forces lui manquent et il tombe évanoui contre le monument qui porte son nom. Cependant l’étrangère arrive. On se doute bien que c’est Carite. Elle voit un homme le visage contre la terre. Elle lui relève la tête. Elle reconnaît Polydore et s’écrie : « Ah ! cher époux, c’est toi que je retrouve. » Polydore, sans lui répondre, la saisit, tire son poignard, et allait la frapper, si Menthès ne l’eût arrêté… Carite effrayée s’évanouit à son tour ; Polydore s’attendrit et se précipite sur elle. Le reste de cette scène est assez beau.

Carite apprend de Polydore ses aventures et lui raconte les siennes. Elle avait été conduite en Crète et vendue comme esclave à un vieillard appelé Phorbas. Ce vieillard avait un fils appelé Corébe. Corébe l’aima, mais il respecta ses malheurs. Tandis qu’elle est chez Phorbas, on la reconnaît pour Athénienne. On l’enlève à son maître. On la condamne à être immolée sur le tombeau d’Androgée. Corébe la délivre et se sauve avec elle. Polydore convaincu de l’innocence de Carite et de l’injustice de ses fureurs, donne des larmes à Corébe, accable Carite de ses caresses et le troisième livre finit.

Il y a de belles choses dans ce troisième livre. L’aventure des deux tombeaux est pathétique. Mais toujours cette maudite symétrie qui me déplaît ; dans le jardin de Nausicratès une statue de l’hymen qui fait des prodiges en faveur de Polydore, et dans le jardin de Phorbas une statue de l’amour qui fait des prodiges en faveur de Carite. Je vois là dedans un poëte qui arrange et non le sort capricieux qui nous joue.


QUATRIÈME LIVRE.


Cependant Menthes affaibli par l’âge et trop ému de la scène qui venait de se passer sous ses yeux, était prêt à mourir. Polydore et Carite en sont alarmés. La famille du vieillard, inquiète de son absence, arrive. On le transporte dans sa cabane.