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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VI.djvu/123

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je ne doute pas qu’il ne tire d’affaire notre amie dont les autres désespéraient. » Et tout en parlant ainsi, il prenait sa canne et son chapeau et s’en allait, oubliant quelquefois de l’embrasser. Mme de La Pommeraye… (Madame ? — Qu’est-ce ? — Le tonnelier. — Qu’il descende à la cave, et qu’il visite les deux pièces de vin.) Mme de La Pommeraye pressentit qu’elle n’était plus aimée ; il fallut s’en assurer, et voici comment elle s’y prit… (Madame ? — J’y vais, j’y vais.)

L’hôtesse, fatiguée de ces interruptions, descendit, et prit apparemment les moyens de les faire cesser.

L’hôtesse.

Un jour, après dîner, elle dit au marquis : « Mon ami, vous rêvez.

— Vous rêvez aussi, marquise.

— Il est vrai, et même assez tristement.

— Qu’avez-vous ?

— Rien.

— Cela n’est pas vrai. Allons, marquise, dit-il en bâillant, racontez-moi cela ; cela vous désennuiera et moi.

— Est-ce que vous vous ennuyez ?

— Non ; c’est qu’il y a des jours…

— Où l’on s’ennuie.

— Vous vous trompez, mon amie ; je vous jure que vous vous trompez : c’est qu’en effet il y a des jours… On ne sait à quoi cela tient.

— Mon ami, il y a longtemps que je suis tentée de vous faire une confidence ; mais je crains de vous affliger.

— Vous pourriez m’affliger, vous ?

    une grande réputation. L’énumération de ses titres nous prendrait trop d’espace. Il n’évita pas l’accusation de charlatanisme malgré son habileté. Voici une anecdote qui le prouve :

    « Ses ordonnances étaient toutes savonnées. Comme il les prodiguait pour toutes sortes d’infirmités, il passait pour un charlatan. Le comte de Ch***, s’étant rendu à Genève exprès pour y consulter ce médecin renommé, communiqua l’ordonnance qu’il venait de recevoir à plusieurs malades, qui, l’ayant confrontée avec la leur, y trouvèrent tous du savon ; ce qui fit dire que, si sa blanchisseuse le savait, elle intenterait un procès au docteur. »

    Ce qui peut excuser Tronchin, c’est son expérience ; il avait remarqué que beaucoup de malades ne croient au savoir du médecin qu’en raison des remèdes : s’il n’ordonne rien, c’est un ignare à leurs yeux. C’est encore aujourd’hui comme de son temps, et nos plus célèbres médecins sont obligés de prescrire des tisanes. Tronchin disait à ses amis qu’il fallait oser ne rien faire. (Br.)