Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VIII.djvu/164

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Mademoiselle Beaulieu.

Mais puisque madame n’a point de pièce et qu’elle ne sait pas même si elle en aura une, il me semble…

Madame de Chepy.

Il vous semble ! il vous semble ! Il me semble à moi qu’il faudrait se taire ; je n’aime pas qu’on me raisonne. Je sais toujours ce que je fais.

Mademoiselle Beaulieu, à part.

Et ce que vous dites.



Scène VIII.


MADAME DE CHEPY, MADEMOISELLE BEAULIEU ; FLAMAND, ivre, avec un mouchoir autour de la tête.
Flamand.

Madame, je viens… c’est, je crois, de chez M. Hardouin… Oui, Hardouin… là, au coin de la rue… au coin de la rue qu’elle m’a dite… Il demeure diablement haut, et son escalier était diablement difficile à grimper ; un petit escalier étroit… (En se dandinant comme un homme ivre.) à chaque marche on touche ou la muraille ou la rampe… J’ai cru que je n’arriverais jamais… J’arrive pourtant… « Parlez donc, mademoiselle, cette porte n’est-ce pas celle de monsieur… de monsieur ? — Qui, monsieur ? me répond une petite voisine… jolie, pardieu très-jolie… — Un monsieur qui fait des vers, oui, des vers. — Frappez, mais frappez fort, il est rentré tard, et je crois qu’il dort… »

Madame de Chepy.

Maudite brute, archibrute, finiras-tu ton bavardage ? Viendra-t-il, ne viendra-t-il pas ?

Flamand.

Mais, madame, il n’est pas encore éveillé, il faut d’abord que je l’éveille… Je me dispose à donner un grand coup de pied dans sa porte… et voilà la tête qui part la première ; la porte jetée en dedans ; moi, Flamand, étendu à la renverse, le faiseur de vers s’élançant de son lit en chemise, écumant de rage, sacrant, jurant, et jurant avec une grâce ! au demeurant