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SUR


L’ESTAMPE DE COCHIN


MISE EN TÊTE DE


L’ESSAI SUR LES FEMMES, DE M. THOMAS


1772.




Après avoir parlé à M. Thomas avec franchise sur son ouvrage[1], il faut que je dise à M. Cochin son petit fait sur son estampe.

On a voulu, je crois, me montrer la Femme entre Minerve qui lui présente le fuseau et la quenouille, le Génie de la Musique qui se dispose à lui placer la lyre sous les doigts, Prométhée qui va l’animer du feu de son flambeau, et l’Amour avec sa Mère qui la doteront du talent de plaire. Au-dessus de cette scène on voit planer Pandore avec la boîte d’où elle versera sur la Femme les dons funestes à toutes ses qualités naturelles.

Monsieur Cochin, vous dessinez assez bien ; mais vous composez mal. Jamais un homme de lettres, né avec un peu de goût, ne vous aurait passé toutes ces sottises-là ; croyez-moi, nous sommes quelquefois bons à consulter. Le plus mince d’entre nous aurait mieux écrit ce sujet que vous ne l’avez représenté, et sa lecture n’aurait gravé dans votre imagination aucune de ces pauvres figures que je vois sur votre estampe. Un peintre peut, sans doute, négliger les avis d’un homme de lettres, parce qu’il est possible qu’il réunisse en sa personne le génie de son art et celui du nôtre ; mais s’il "y a bon nombre de littérateurs qui ne sont aucunement peintres, il y a bon nombre de peintres qui n’ont pas un grain de véritable poésie. Quand je vois un dessin tel que celui-ci, je ne saurais m’empêcher de dire, en soupirant : « Combien de temps, d’études et de talent

  1. Voyez l’écrit intitulé : Sur les Femmes, tome II, page 251.