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NOTICE PRÉLIMINAIRE.


Disons maintenant quelle part de travail représentaient ces honoraires. Écoutons d’Alembert dans le Discours préliminaire :


« J’ai fait ou revu tous les articles de Mathématique et de Physique, qui ne dépendent point des parties dont il a été parlé ci-dessus ; j’ai aussi suppléé quelques articles, mais en très-petit nombre, dans les autres parties. Je me suis attaché dans les articles de Mathématique transcendante à donner l’esprit général des méthodes, à indiquer les meilleurs Ouvrages où l’on peut trouver sur chaque objet les détails les plus importants, et qui n’étaient point de nature à entrer dans cette Encyclopédie à éclaircir ce qui m’a paru n’avoir pas été éclairci suffisamment, ou ne l’avait point été du tout ; enfin à donner, autant qu’il m’a été possible, dans chaque matière, des principes métaphysiques exacts, c’est-à-dire simples. On peut en voir un essai dans ce volume aux articles Action, Application, Arithmétique universelle, etc.

« Mais ce travail, tout considérable qu’il est, l’est beaucoup moins que celui de M. Diderot, mon collègue. Il est auteur de la partie de cette Encyclopédie la plus étendue, la plus importante, la plus désirée du public, et j’ose le dire, la plus difficile à remplir ; c’est la description des Arts. M. Diderot l’a faite sur des mémoires qui lui ont été fournis par des ouvriers ou par des amateurs, dont on lira bientôt les noms, ou sur les connaissances qu’il a été puiser lui-même chez les ouvriers, ou enfin sur des métiers qu’il s’est donné la peine de voir, et dont quelquefois il a fait construire des modèles pour les étudier plus à son aise. À ce détail, qui est immense, et dont il s’est acquitté avec beaucoup de soin, il en a joint un autre qui ne l’est pas moins, en suppléant dans les différentes parties de l’Encyclopédie un nombre prodigieux d’articles qui manquaient. Il s’est livré à ce travail avec un désintéressement qui honore les Lettres, et avec un zèle digne de la reconnaissance de tous ceux qui les aiment ou qui les cultivent, et en particulier des personnes qui ont concouru au travail de l’Encyclopédie. On verra par ce volume combien le nombre d’articles que lui doit cet ouvrage est considérable. Parmi ces articles, il y en a de très-étendus, comme Acier, Aiguille, Ardoise, Anatomie, Animal, Agriculture, etc. Le grand succès de l’article Art, qu’il a publié séparément il y a quelques mois, l’a encouragé à donner aux autres tous ses soins ; et je crois pouvoir assurer qu’ils sont dignes d’être comparés à celui-là, quoique dans des genres différents. Il est inutile de répondre ici à la critique injuste de quelques gens du monde qui, peu accoutumés sans doute à tout ce qui demande la plus légère attention, ont trouvé cet article Art trop raisonné et trop métaphysique, comme s’il était possible que cela fût autrement. Tout article qui a pour objet un terme abstrait et général ne peut être bien traité sans remonter à des principes philosophiques toujours un peu difficile pour ceux qui ne sont pas dans l’usage de réfléchir. Au reste, nous devons avouer ici que nous avons vu avec plaisir un très-grand nombre de gens du monde entendre parfaitement cet article. À l’égard de ceux qui l’ont critiqué, nous souhaitons que sur les articles qui auront un objet semblable ils aient le même reproche à nous faire. »


Pour les dix derniers volumes, l’aide de d’Alembert manquant, malgré le redoublement d’activité du marquis de Jaucourt, Diderot eut plus à faire encore. Et quand Luneau lui reprochait d’avoir donné dix-sept volumes de texte au lieu de huit qui avaient été annoncés, comme minimum il est vrai, il aurait pu lui répondre : Je n’ai pas eu le temps d’être court.

Mais il était las. Il s’arrêta et ne participa point au Supplément en quatre volumes qui fut publié de 1775 à 1777. Il vieillissait d’ailleurs ; il