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OBSERVATIONS SUR L’ÉGLISE SAINT-ROCH.

cement, c’est que la base de la figure est si étroite, et qu’il y a si peu d’espace depuis le pilier jusqu’à ses parties les plus saillantes, qu’on ne sait comment elle demeure là suspendue. Elle en a l’air contraint, et cette contrainte chagrine celui qui regarde.

Contre le pilier correspondant à celui-ci et à droite du maître-autel, est un saint Roch, debout, son bâton de pèlerin à la main et son chien entre les jambes. C’est un morceau commun. Il paraît s’émerveiller, et l’on ne sait de quoi. Le sculpteur n’a eu égard ni à la fatigue d’un voyageur, ni au caractère et à la pauvreté d’un pèlerin qui va mendiant, ni à rien de ce que son sujet avait de singulier et de poétique. Il me fallait là un pauvre diable sous un vêtement déguenillé, et qui aurait montré le nu ; une besace jetée sur une des épaules ; un bâton noueux, un chapeau clabaud, un chien de berger à longs poils, et rien de tout cela n’y est : mais à la place, une prétendue noblesse froide et muette.

En tournant à droite ou à gauche, on arrive à la chapelle de la Vierge. Là, sous une arcade, au-dessus d’un autel qui ferme le bas de l’arcade, on a représenté en marbre blanc l’Annonciation. On voit à droite l’Ange porté sur des nuages ; ces nuages qui l’environnent se répandent par ondes sur l’autel et atteignent les genoux de la Vierge qui est à gauche.

L’ange et la Vierge m’ont paru d’un assez beau caractère, cependant la draperie un peu dans le goût du Bernin. La Vierge est à genoux, sa tête modestement inclinée et ses bras ouverts vers l’ange disent : fiat mihi. C’est vraiment la tête d’une Vierge de Raphaël, comme il en a fait quelques-unes d’une condition subalterne. Ces Vierges-là, moins belles, moins élégantes, moins nobles que les autres, ont quelque chose de plus attrayant, de plus simple, de plus singulier, de plus innocent, de plus rare. Ce qu’on y remarque d’un peu paysan, ne me déplaît pas ; et puis j’imagine que c’est un ton de physionomie nationale. L’Ange est de la famille et ceux qui seront mécontents de la Vierge, auront tort d’être contents de l’ange.

Je ne sais où ils ont pris que ces figures étaient maniérées. Elles ne le sont point.

Mais un défaut réel et frappant, c’est que quoique la Vierge et l’Ange soient de proportion colossale, l’espace vide qui les