Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/489

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saurais tenir. Comment, mordieu ! vous connaissez des gens comme cela ? »

Oui, mon ami, oui, voilà le vrai goût, voilà la vérité domestique, voilà la chambre, voilà les actions et les propos des honnêtes gens, voilà la comédie.

Ou cela est faux, ou cela est vrai. Si cela est faux, cela est détestable. Si cela est vrai, combien il y a sur nos théâtres de choses détestables, et qui passent pour sublimes !

J’étais à côté de Cochin, et je lui disais : « Il faut que je sois un honnête homme, car je sens vivement tout le mérite de cet ouvrage. Je m’en récrie de la manière la plus forte et la plus vraie ; et il n’y a personne au monde à qui elle dût faire plus de mal qu’à moi, car cet homme me coupe l’herbe sous les pieds. »

J’attends à présent tous nos petits censeurs de la rue Royale. Je ne me donnerai pas la peine de les contredire ; mais leur jugement va devenir pour moi la règle et la mesure du goût qu’ils ont.

Eh bien, monsieur le plaisant, m’en croirez-vous une autre fois, quand je vous louerai une chose ? Je vous disais que je ne connaissais rien qui ressemblât à cela ; que c’était une des choses qui m’avaient le plus surpris ; qu’il n’y avait pas d’exemple d’autant de force et de vérité, de simplicité et de finesse. Dites le contraire, si vous osez.

Je sens bien, je juge bien, et le temps finit toujours par prendre mon goût et mon avis. Ne riez pas : c’est moi qui anticipe sur l’avenir, et qui sais sa pensée.

Il faut que je vous voie aujourd’hui. Hatmann m’a envoyé un clavecin ; nous en causerons ce soir. Bonjour. Je vous embrasse de tout mon cœur. Il me semble que vous me soyez plus cher encore ; cette conformité de voir et de sentir me serre contre vous d’une manière délicieuse. Comme je vous baiserais, si vous étiez à côté de moi !