Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/75

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prie, mon amie, de parler à M. Vialet de ses ardoisières comme d’une chose importante pour moi. S’il ajoutait à ce service de la célérité, il en doublerait le mérite. Il me faut planches et discours. Vous pouvez beaucoup sur lui ; servez-moi, mettez-vous en quatre à cette affaire. Dites à M. Vialet qu’il a une bonne et sûre connaissance dans l’abbé Le Bossu que j’ai vu chez d’Alembert.

C’est une petite veuve du faubourg qui est venue demander à dîner à ma femme. En dînant, je disais à cette petite veuve : « Que faites-vous de votre veuvage ? — Hélas ! presque rien. — Est-ce que vous ne vous remarierez pas ? — Je n’en sais rien. — Quoi ! point d’amoureux ! — Oh ! pardonnez-moi, j’en ai vraiment deux : l’un est un philosophe de chien qui donne dans le respect très-humble à périr ; je m’en déferai, à ce que je crois ; je veux quelque chose qui me fasse plaisir. — L’autre ? — L’autre, il n’y a qu’à le laisser aller, il va tout seul. — Et qu’en ferez-vous de celui-ci ? — Je le garderai un certain temps, et puis après j’en ferai ce qu’on fait de certaines bêtes venimeuses qu’on écrase sur la piqûre qu’elles ont faite, pour en guérir. » Cela est plaisant, qu’en dites-vous ? Eh bien ! quelle impression croyez-vous que ce mot ait faite sur ma dévote de femme ? Elle en a ri à gorge déployée, par la raison que l’image du libertinage ne déplaît pas même aux femmes vertueuses. Adieu, mes amies, mes tendres, mes uniques amies. Tout ce que je vois, tout ce que j’entends, tout ce que j’apprends ajoute à l’estime, à la tendresse que je vous porte. Vous me dégoûtez de tout. Adieu, adieu. Damilaville crie comme un fou que je retarde le commissionnaire qui porte la lettre à la poste.


LXIII


À Paris, le 12 octobre 1761.


Je commence par l’article des nouvelles. En voici une vraie, s’il en fut jamais ; ce sont toutes les lettres d’Espagne, toutes celles de Lisbonne, toutes les bouches de la ville qui l’annon-