Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/191

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16° Après avoir été un grand exemple aux hommes pendant ma vie, pourquoi dédaignerais-je de leur recommander la vertu, quand je les aurai quittés ? Qu’on se hâte donc de m’élever un monument qui parle après moi.

17° Les trois jeunes gens qui disaient au vieillard qui plantait :


Quel fruit de ce labeur pouvez-vous recueillir ?
Autant qu’un patriarche, il vous faudrait vieillir.
À quoi bon charger votre vie
Des soins d’un avenir qui n’est pas fait pour vous ?


Le vieillard, continuant toujours de planter, leur répondit :


Mes arrière-neveux me devront cet ombrage :
Eh bien ! défendez-vous au sage
De se donner des soins pour le plaisir d’autrui ?
Cela même est un fruit que je goûte aujourd’hui[1].


Qui est-ce qui ne méprise les trois jeunes gens ? Qui est-ce qui n’aime le vieillard ?

18° Où en seraient les sociétés, les familles, sans le généreux sentiment qui sème ce que d’autres recueilleront ?

19° Écoutez Achille :


Je puis choisir, dit-on, ou beaucoup d’ans sans gloire,
Ou peu de jours suivis d’une longue mémoire.


Qui est-ce qui n’envie le sort du vieux Pelée, lorsque son fils ajoute :


Irai-je, trop avare du sang d’une déesse,
Attendre chez mon père une obscure vieillesse ;
Et, toujours de la gloire évitant le sentier,
Ne laisser aucun nom, et mourir tout entier[2] ?


Oh ! le bel enfant !

  1. La Fontaine, liv. XI, fable viii.
  2. Racine, Iphigénie, acte I, scène ii.