Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XX.djvu/83

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sumer de moi, c’est une tâche que je croirais d’autant moins au-dessus de mes forces, que l’expérience journalière m’apprend que le sarcasme et l’injure réussissent moins aujourd’hui que jamais. Je vous ai lu avec toute l’attention dont je suis capable. Je ne vous dissimulerai pas que je vous ai trouvé de temps en temps difficile à entendre, mais il est vraisemblable que c’est plutôt ma faute que la vôtre. Celui qui lit un ouvrage sans y trouver un terme impropre, un tour de phrase obscur ou inusité, ou l’entend supérieurement, ou ne l’entend point du tout ; supérieurement, puisqu’il peut subitement et sans effort rectifier l’inexactitude de l’expression ; point du tout, puisque, ne sentant point ce défaut, la vue de l’auteur lui échappe. Il y a bien aussi quelques points sur lesquels je ne suis pas de votre avis ; mais, pour un endroit souligné, il est resté des vingt pages de suite intactes, et où on lirait à la marge de mon exemplaire : Je voudrais bien savoir ce qu’ils diront à cela.


LXVIII

À BEAUMARCHAIS.
À Sèvres, ce 5 août 1777.

Vous voilà donc, monsieur, à la tête d’une insurgence[1] des poètes dramatiques contre les comédiens. Vous savez quel est votre objet et quelle sera votre marche ; vous avez un comité, des syndics, des assemblées et des délibérations. Je n’ai participé à aucune de ces choses, et il me serait impossible de participer à celles qui suivront. Je passe ma vie à la campagne, presque aussi étranger aux affaires de la ville qu’oublié de ses habitants. Permettez que je m’en tienne à faire des vœux pour votre succès. Tandis que vous combattrez, je tien-

  1. Allusion à ce qu’on appelait alors l’insurgence des Américains, dont Beaumarchais se mêlait avec la même vivacité et au même moment que de l’insurgence des auteurs. (Note de M. de Loménie, qui a publié cette lettre dans son grand travail sur Beaumarchais, et l’a, en outre, confiée à G. Bourdin qui en a donné un fac-similé dans l’Autographe.)