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La quantité considérée dans le son, dans sa véhémence, son mouvement, ses degrés, ses réflexions, sa vîtesse, &c. donne l’Acoustique.

La quantité considérée dans l’air, sa pesanteur, son mouvement, sa condensation, raréfaction, &c. donne la Pneumatique.

La quantité considérée dans la possibilité des événemens, donne l’Art de conjecturer, d’où naît l’Analyse des Jeux de hasard.

L’objet des Sciences Mathématiques étant purement intellectuel, il ne faut pas s’étonner de l’exactitude de ses divisions.

La Physique particuliere doit suivre la même distribution que l’Histoire Naturelle. De l’Histoire, prise par les sens, des Astres, de leurs mouvemens, apparences sensibles, &c. la réflexion a passé la recherche de leur origine, des causes de leurs phénomenes, &c. & a produit la Science qu’on appelle Astronomie physique, à laquelle il faut rapporter la Science de leurs influences, qu’on nomme Astrologie ; d’où l’Astrologie physique, & la chimere de l’Astrologie judiciaire. De l’Histoire prise par les sens, des vents, des pluies, grêles, tonnerres, &c. la réflexion a passé à la recherche de leurs origines, causes, effets, &c. & a produit la Science qu’on appelle Météorologie.

De l’Histoire, prise par les sens, de la Mer, de la Terre, des fleuves, des rivieres, des montagnes, des flux & reflux, &c. la réflexion a passé à la recherche de leurs causes, origines, &c. & a donné lieu à la Cosmologie ou Science de l’Univers, qui se distribue en Uranologie ou Science du Ciel, en Aerologie ou Science de l’Air, en Géologie ou Science des Continens, & en Hydrologie ou Science des Eaux. De l’Histoire des Mines, prise par les sens, la réflexion a passé à la recherche de leur formation, travail, &c. & a donné lieu à la Science qu’on nomme Minéralogie. De l’Histoire des Plantes, prise par les sens, la réflexion a passé à la recherche de leur œconomie, propagation, culture, végétation, &c. & a engendré la Botanique dont l’Agriculture & le Jardinage sont deux branches.

De l’Histoire des Animaux, prise par les sens, la réflexion a passé à la recherche de leur conservation, propagation, usage, organisation, &c. & a produit

la Science qu’on nomme Zoologie ; d’où sont émanés la Médecine, la Vétérinaire, & le Manége ; la Chasse, la Pêche, & la Fauconnerie ; l’Anatomie simple & comparée. La Médecine (suivant la division de Boerhaave) ou s’occupe de l’œconomie du corps humain & raisonne son anatomie, d’où naît la Physiologie : ou s’occupe de la maniere de le garantir des maladies, & s’appelle Hygienne : ou considere le corps malade, & traite des causes, des différences, & des symptomes des maladies, & s’appelle Pathologie : ou a pour objet les signes de la vie, de la santé, & des maladies, leur diagnostic & pronostic, & prend le nom de Séméiotique : ou enseigne l’Art de guérir, & se sous-divise en Diete, Pharmacie & Chirurgie, les trois branches de la Thérapeutique.

L’Hygienne peut se considérer relativement à la santé du corps, à sa beauté, & à ses forces ; & se sous-diviser en Hygienne proprement dite, en Cosmétique, & en Athlétique. La Cosmétique donnera l’Orthopédie, ou l’Art de procurer aux membres une belle conformation ; & l’Athlétique donnera la Gymnastique ou l’Art de les exercer.

De la connoissance expérimentale, ou de l’Histoire prise par les sens, des qualités extérieures, sensibles, apparentes, &c. des corps naturels, la réflexion nous a conduit à la recherche artificielle de leurs propriétés intérieures & occultes ; & cet Art s’est appellé Chimie. La Chimie est imitatrice & rivale de la Nature : son objet est presque aussi étendu que celui de la Nature même : ou elle décompose les Êtres ; ou elle les revivifie ; ou elle les transforme, &c. La Chimie a donné naissance à l’Alchimie, & à la Magie naturelle. La Métallurgie ou l’Art de traiter les Métaux en grand, est une branche importante de la Chimie. On peut encore rapporter à cet Art la Teinture.

La Nature a ses écarts, & la Raison ses abus. Nous avons rapporté les monstres aux écarts de la Nature ; & c’est à l’abus de la Raison qu’il faut rapporter toutes les Sciences & tous les Arts, qui ne montrent que l’avidité, la méchanceté, la superstition de l’Homme, & qui le deshonorent.

Voilà tout le Philosophique de la connoissance humaine, & ce qu’il en faut rapporter à la Raison.


IMAGINATION, d’où POESIE.


L’HISTOIRE a pour objet les individus réellement existans, ou qui ont existé ; & la Poësie, les individus imaginés à l’imitation des Etres historiques. Il ne seroit donc pas étonnant que la Poësie suivît une des distributions de l’Histoire. Mais les différens genres de Poësie, & la différence de ses sujets, nous en offrent deux distributions très-naturelles. Ou le sujet d’un Poëme est sacré, ou il est prophane : ou le Poëte raconte des choses passées, ou il les rend présentes, en les mettant en action ; ou il donne du corps à des Êtres abstraits & intellectuels. La premiere de ces Poësies sera Narrative : la seconde, Dramatique : la troisieme, Parabolique. Le Poëme Épique, le Madrigal, l’Épigramme, &c. sont ordinairement de Poësie narrative. La Tragédie, la Comédie, l’Opera, l’Églogue, &c. de Poësie dramatique ; & les Allégories, &c. de Poësie parabolique.


POESIE. I. Narrative. II. Dramatique. III. Parabolique.


Nous n’entendons ici par Poësie que ce qui est Fiction. Comme il peut y avoir Versification sans Poësie, & Poësie sans Versification, nous avons crû devoir regarder la Versification comme une qualité du stile, & la renvoyer à l’Art Oratoire. En revanche, nous rapporterons l’Architecture, la Musique, la Peinture, la Sculpture, la Gravure, &c. à la Poësie ; car il n’est pas moins vrai de dire du Peintre qu’il est un Poëte, que du Poëte qu’il est un Peintre ; & du Sculpteur ou Graveur qu’il est un Peintre en relief ou en creux, que du Musicien qu’il est un Peintre par les

sons. Le Poëte, le Musicien, le Peintre, le Sculpteur, le Graveur, &c. imitent ou contrefont la Nature : mais l’un emploie le discours ; l’autre, les couleurs ; le troisieme, le marbre, l’airain, &c. & le dernier, l’instrument ou la voix. La Musique est Théorique ou Pratique ; Instrumentale ou Vocale. À l’égard de l’Architecte, il n’imite la Nature qu’imparfaitement par la symétrie de ses Ouvrages. Voyez le Discours préliminaire.

La Poësie a ses monstres comme la Nature ; il faut mettre de ce nombre toutes les productions de l’ima-