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teurs, parmi lesquels se trouve le célebre Stahl, croient que les métaux & les mines qui sont dans les filons, ont été créés des les commencemens du monde ; d’autres au contraire croient avec plus de raison que la nature forme encore journellement des métaux, ce qu’elle fait en unissant ensemble les parties élémentaires, ou les principes qui doivent entrer dans leurs différentes combinaisons, c’est-à-dire les trois terres que Beccher a nommées terre vitrescible, terre onctueuse & terre mercurielle, dont, suivant lui, tous les métaux sont composés. Voyez l’article Métaux. Quoi qu’il en soit, on ne peut douter qu’il ne se forme journellement des mines nouvelles, soit que les métaux existent depuis l’origine du monde, soit qu’eux-mêmes soient d’une formation récente & journaliere.

Les deux grands agens, dont la nature se sert pour la formation des mines, sont la chaleur & l’eau. En effet, sans adopter les idées chimériques d’un feu placé au centre de notre globe, il est constant, d’après les observations des Minéralogistes, qu’il regne toujours un air chaud dans les lieux profonds de la terre, tels que sont les souterreins des mines ; cette chaleur est quelquefois si forte que pour peu qu’on s’arrête dans quelques-uns de ces souterreins, on est entierement trempé de sueur ; par-là les eaux salines, qui se trouvent dans la terre sont mises en état d’agir sur les molécules métalliques & minérales ; elles sont peu-à peu divisées, atténuées, mises en dissolution & en digestion lorsque ces particules sont assez divisées, la chaleur de la terre en réduisant les eaux en vapeurs, fait qu’elles s’élevent & entraînent avec elles les parties métalliques, tellement atténuées qu’elles peuvent demeurer quelque tems suspendues dans l’air avec les vapeurs qui les entraînent ; alors elles voltigent dans les cavités de la terre, dans ses fentes & dans les espaces vuides des filons ; les différentes molécules se mêlent, se confondent, se combinent ; & lorsque par leur aggrégation & leur combinaison elles sont devenues des masses trop pesantes pour demeurer plus long-tems suspendues en l’air, elles tombent par leur propre poids, se déposent sur les terres ou les roches qu’elles rencontrent ; elles s’attachent à leurs surfaces, ou bien elles les pénetrent ; les molécules s’entassent peu-à peu les unes sur les autres : lorsqu’il s’en est amassé une quantité suffisante, leur aggrégation devient sensible ; alors si les molécules qui se sont déposées, ont été purement métalliques sans s’être combinées avec des molécules étrangeres, elles formeront des métaux purs, ou ce qu’on appelle des métaux vierges ou natifs ; mais si ces molécules métalliques, lorsqu’elles voltigeoient en l’air, ont rencontré des molécules d’autres métaux, ou de soufre ou d’arsenic, qui ont été élevées par la chaleur souterreine en même tems qu’elles, alors ces molécules métalliques se combineront avec ces substances ou avec des molécules d’autres métaux, pour-lors il se formera des mines de différentes especes, suivant la nature & les proportions des molécules étrangeres qui se seront combinées. Telle est l’idée que l’on peut se faire de la formation des mines. A l’égard des pierres ou roches sur lesquelles ces combinaisons s’attachent ou déposent, elles se sont appellées minieres. Voyez Miniere, Minéralisation & Exhalaisons minérales.

Ainsi, quelle que soit l’origine primitive des métaux, soit qu’ils existent depuis la création du monde, soit que par la réunion de leurs parties élémentaires ils se forment encore tous les jours, l’expérience nous prouve qu’il se fait de nouvelles mines. En effet, nous voyons que la nature, dans l’intérieur de la terre ainsi qu’à sa surface, est perpétuellement en action ; quoique nous ne soyons pas en

état de la suivre pas-à-pas, plusieurs circonstances nous convainquent qu’elle recompose d’un côté ce qu’elle a décomposé d’un autre. Nous voyons que tous les métaux imparfaits souffrent de l’altération & se décomposent, soit à l’air, soit dans les eaux ; l’un & l’autre de ces agens se trouvent dans le sein de la terre ; ils sont encore aidés par la chaleur ; les eaux chargées de parties salines agissent plus puissamment sur les substances métalliques & les dissolvent ; ce qui a été altéré, dissout & décomposé dans un endroit, va se reproduire & se recomposer dans un autre, ou bien va former ailleurs de nouvelles combinaisons toutes différentes des premieres : cela se fait parce que les molécules qui formoient la premiere combinaison ou mine, sont élevées & transportées par les exhalaisons minérales, ou même cette translation se fait plus grossierement par les eaux, qui après s’être chargées de particules métalliques les charrient en d’autres lieux où elles les déposent. Nous avons des preuves indubitables de ces reproductions de mines. On trouve dans la terre des corps entierement étrangers au regne minéral, tels que du bois, des coquilles, des ossemens, &c. qui y ont été enfouis par des révolutions générales, ou par des accidens particuliers, & qui s’y sont changés en de vraies mines. C’est ainsi qu’à Orbissau en Bohème, on trouve du bois changé en mine de fer ; en Bourgogne on trouve des coquilles qui sont devenues des mines que l’on traite avec succès dans les forges & dont on tire de très-bon fer ; & les ouvrages de minéralogie sont remplis d’exemples de la reproduction de mines de fer, & d’autres métaux. C’est ainsi que nous voyons que dans des souterreins de mines abandonnées, & où depuis plusieurs siecles les travaux ont cessé, quand on vient à y travailler de nouveau, on retrouve assez souvent de nouvelles mines qui se sont reproduites sur les parois des rochers des galeries. En Allemagne on a trouvé une incrustation de mine, qui s’étoit formée sur un morceau de bois provenu d’une échelle ; elle contenoit huit marcs d’argent au quintal. M. Cronstedt, de l’académie royale de Suede, a trouvé dans les mines de Kungsberg en Norvege, une eau qui découloit par une fente d’une roche, & qui avoit formé un enduit ou une pellicule d’argent sur cette roche. Voyez les Œuvres physiques & minéralogiques de M. Lehmann, tom. I. pag. 380. msf. ainsi que le tom. II. du même ouvrage. Tous ces faits prouvent d’une maniere incontestable que les mines sont sujettes à des altérations & à des translations continuelles ; c’est aussi pour cette raison que l’on rencontre assez fréquemment des endroits dans les filons qui sont entierement vuides, & ou l’on ne trouve plus que les débris des mines qui y étoient autrefois contenues ; ce qui donne lieu à l’expression des Mineurs, qui disent alors qu’ils sont arrivés trop tard. Voyez Filons.

Nous avons lieu de croire que la nature opere très-lentement la formation des mines ; mais elle n’agit point en cela d’une maniere constante & uniforme. Les productions qu’elle fait de cette maniere doivent être variées à l’infini, en raison de la nature des molécules qu’elle combine, de leur quantité, de leurs différentes proportions, & du tems & des voies qu’elle emploie, des différens degrés d’atténuation & de division des substances, &c. de-là cette grande multitude de corps que nous présente le regne minéral, & cette différence prodigieuse dans le coup d’œil que nous offrent les mines. En effet les mines varient pour le tissu, pour la couleur, pour la forme, & pour les accidens ; il y en a quelques-unes qui sont d’une figure indéterminée, tandis que d’autres ont une figure réguliere, semblable à celle des crystaux ; quelques-unes sont opaques,