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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 10.djvu/526

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re ; cela incommoderoit les ouvriers qui y travaillent. Ces puits sont revétus comme les premiers, & ils n’en different qu’en ce qu’ils ne vont point jusqu’au jour. On y place aussi des tourniquets, & quelques-uns servent à l’épuisement des eaux. On peut se faire une idée de leur arrangement, en jettant les yeux sur la Planche de la coupe d’une mine.

Lorsque les mines sont très-profondes, & que les galeries ont été poussées à une grande longueur, il deviendroit très-pénible & très-couteux de s’occuper à tirer les pierres inutiles qui ont été détachées de la montagne. Pour éviter ce transport, on les jette dans les creux & les cavités qui ont été épuisées de minerai ; quelquefois même on forme des planchers à la partie supérieure des galeries pour les recevoir, & l’on a trouvé que souvent au bout d’un certain tems, ces pierres brisées avoient repris du corps & étoient devenues chargées de minerai.

Quand les choses sont ainsi disposées, il faut songer à prévenir ou à remédier aux inconvéniens ausquels les mines sont exposées. La principale incommodité vient des eaux qui se trouvent dans le sein de la terre, & que les ouvriers font sortir des réservoirs ou cavités où elles étoient renfermées, en perçant avec leurs outils les roches qui les contenoient ; alors elles sortent avec violence & quelquefois en si grande quantité, que l’on est souvent forcé d’abandonner l’exploitation des mines au moment où leur produit devenoit le plus considérable ; c’est aussi un des plus grands obstacles que l’on ait à vaincre, & ce qui constitue souvent dans les plus fortes dépenses. On a différens moyens pour se débarrasser des eaux ; on pratique ordinairement sur le sol des galeries, des especes de rigoles ou de petits canaux qui vont en pente, & qui conduisent les eaux dans des réservoirs pratiqués dans des endroits qui sont au-dessus du niveau de ceux où l’on travaille ; là ces eaux s’amassent, & elles en sont tirées par des pompes mises en mouvement par des machines à moulettes, tournées par des chevaux à la surface de la terre ; on multiplie les corps de pompes en raison de la profondeur des endroits dont on veut épuiser les eaux. Ces pompes ou machines sont de différentes especes ; on trouvera leur description à l’article Pompes des mines.

Rien n’est plus avantageux pour procurer l’épuisement des eaux des mines, que de faire ce qu’on appelle une galerie de percement. C’est un chemin que l’on fait aller en pente, il prend sa naissance au centre de la montagne, & se termine dans quelque endroit bas au pié de la montagne, par-là les eaux se dégorgent, soit dans la plaine, soit dans quelque riviere voisine. Cette voie est la plus sûre pour se débarrasser des eaux, mais on ne peut point toujours la mettre en pratique, soit par les travaux immenses qu’elle exige, soit par la position des lieux, soit par la trop grande profondeur des souterreins, qui quelquefois vont beaucoup au-dessous du niveau des plaines & des rivieres voisines, d’où l’on voit qu’il faut beaucoup de prudence & d’expérience pour pouvoir lever cet obstacle. Dans les mines d’Allemagne, les entrepreneurs d’un percement ont le neuvieme du minerai, qui se détache dans la mine qu’ils ont débarrassée des eaux.

Un autre inconvénient funeste des mines vient du mauvais air qui regne dans les souterreins ; cet ais déjà chaud par lui-même, le devient encore plus par les lampes des ouvriers ; il est dans un état de stagnation, & lorsque le soleil vient à donner sur les ouvertures des puits, il regne quelquefois une chaleur insupportable dans ces souterreins. On doit joindre à cela des exhalaisons sulfureuses & arséniçales, ou moufettes qui partent du minerai que l’on

détache, & qui souvent font périr subitement les ouvriers. Voyez Exhalaisons minérales. Il est donc très important de remédier à ces inconvéniens, & d’établir dans les fonds des mines des courants d’air, qui emportent les vapeurs dangereuses & qui mettent de l’air frais en leur place. Nous avons déja remarqué, que l’on faisoit pour cela des puits de distance en distance, mais il est important que ces puits ne soient point de la même longueur que les autres, parce que s’ils étoient exactement de la même longueur, l’air qui est un fluide ne se renouvelleroit point ; au lieu qu’en faisant attention à cette observation, les différens puits feront la fonction d’un syphon, dans lequel l’eau dont on le remplit sort par la branche la plus courte, tandis que cette eau reste si les deux branches du syphon sont égales ; il en est de même de l’air qui est un fluide. C’est pour cette raison que les mineurs avisés allongent par une trompe de bois un des puits, lorsque la position peu inclinée de leurs galeries ne permet pas de rendre la longueur des puits assez inégale.

Autrefois on se servoit aussi de grands soufflets qui poussoient de l’air dans les souterreins, au moyen de tuyaux dans lesquels ils souffloient ; mais de toutes les inventions pour renouveller l’air des mines, il n’en est point de plus sûre que de placer près de l’ouverture d’un puits un fourneau, au travers duquel on fera passer un tuyau de fer, que l’on prolongera dans les souterreins par des planches, dont les jointures seront exactement bouchées. Par ce moyen, le feu attirera perpétuellement l’air qui sera dans l’intérieur de la terre, & il sera renouvellé par celui qui ira y retomber, par les autres puits & ouvertures.

Telle est en géneral la maniere dont se fait l’exploitation des mines ; elle peut varier en quelques circonstances peu importantes dans les différens pays ; mais ce qui vient d’être dit suffit pour en donner une idée distincte. On voit que ce travail est très-pénible, très-dispendieux, sujet à de grands inconvéniens & très-incertain. Il est donc important de ne s’embarquer dans ces dépenses & ces travaux qu’avec connoissance de cause, & après avoir pesé mûrement toutes les circonstances. Le monde est plein de faiseurs de projets qui cherchent à engager les personnes peu instruites dans des entreprises, dont ils savent seuls tirer du profit. Il vaut mieux ne point commencer à travailler, que de se mettre dans le cas d’abandonner son travail ; il faut débuter avec économie, & ne le faire qu’après s’être assuré par des essais exacts, de ce qu’on a lieu d’attendre de ses travaux, voyez Essai. Cependant il ne faudra point oublier que les travaux en grands de la Métallurgie ne répondent presque jamais exactement aux produits que l’on avoit obtenus par les essais en petit ; ces derniers se font avec une précision que l’on ne peut point avoir dans le travail en grand. Il n’y a qu’un petit nombre de personnes qui soient vraiment instruites dans la science des mines, il faut beaucoup de lumieres, de connoissances & d’expériences pour y faire les ameliorations dont elle est susceptible. Le plus grand nombre ne suit qu’une routine prescrite par les prédécesseurs. Voyez Minéralogie.

Comme le travail des mines doit nécessairement être suivi des travaux de la Métallurgie, on ne doit point entreprendre l’exploitation d’une mine sans avoit examiné si le pays où l’on est fournira la quantité de bois nécessaire, tant pour les charpentes des souterreins qui demandent souvent à être renouvellées, qûe pour les travaux des fonderies qui en consument une quantité très considérable : on sent que l’entreprise deviendroit trop coûteuse s’il falloit faire venir le bois de loin. Il n’est pas moins important