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elle ? Moi. Il y a bien du grand dans ce moi ».

Quand Pompée, après ses triomphes, requit son congé dans les formes ; le censeur lui demanda, dit Plutarque, s’il avoit fait toutes les campagnes portées par les ordonnances ; Pompée répondit qu’il les avoit toutes faites ; sous quels généraux, repliqua le censeur, les avez-vous toutes faites ? Sous moi, répondit Pompée ; à cette belle réponse, sous moi, le peuple qui en savoit la vérité, fut si transporté de plaisir, qu’il ne pouvoit cesser ses acclamations & ses battemens de mains.

Nous ne cessons pas nous mêmes encore aujourd’hui, d’applaudir au moi de Médée dans Corneille ; la confidente de cette princesse lui dit, act. 1. scène 4.


Votre pays vous hait, votre époux est sans foi,
Contre tant d’ennemis, que vous reste-t-il ?


A quoi Médée répond,

Contre tant d’ennemis, que vous reste-t-il ?Moi ;
Moi, dis-je, & c’est assez.


Toute la France a senti & admiré la hauteur & la grandeur de ce trait ; mais ce n’est ni dans Démosthène, ni dans Plutarque, que Corneille a puisé ce moi de Médée, c’est en lui-même. Les génies du premier ordre, ont dans leur propre fonds les mêmes sources du bon, du beau, du grand, du sublime. (D. J.)

MOIGNON, s. m. (en Anatomie) est la partie supérieure de l’épaule, qui s’étend jusqu’à la nuque du col.

Ce mot est grec, & signifioit originairement un petit manteau ou voile dont on se couvroit les épaules.

Quelques auteurs appellent épomis la partie supérieure de l’humerus, mais les anciens médecins Grecs ne s’en servoient que pour marquer la partie musculeuse & charnue placée à l’endroit que nous venons de dire.

Moignon, (Jardin.) est une branche d’arbre un peu trop grosse qu’on a racourcie tout près de la tige, afin d’obliger l’arbre de pousser de nouvelles branches, & arrêter par-là la seve d’un arbre trop vigoureux.

MOIL, voyez Surmulet.

MOILON, voyez Moellon.

MOINE, voyez Ange.

Moine, s. m. (Hist. eccles.) nom qui signifie proprement solitaire, & qui dans un sens étroit s’entend de ceux, qui selon leur premiere institution, doivent vivre éloignés des villes & de tout commerce du monde.

Parmi les Catholiques, on le donne communément à tous ceux qui se sont engagés par vœu à vivre suivant une certaine regle, & à pratiquer la perfection de l’évangile.

Il y a toujours eu des Chrétiens, qui à l’imitation de S. Jean-Baptiste, des prophetes & des réchabites, se sont mis en solitude pour vaquer uniquement à l’oraison, aux jeûnes & aux autres exercices de vertu. On les appella ascetes, c’est-à-dire, exercitans ; ou moines, c’est-à-dire solitaires, du grec μονος, seul. Voyez Ascetes.

Il y en avoit dès les premiers tems dans le voisinage d’Alexandrie qui vivoient ainsi renfermés dans des maisons particulieres, méditant l’Ecriture-sainte, & travaillant de leurs mains. D’autres se retiroient sur des montagnes ou dans des déserts inaccessibles, ce qui arrivoit principalement pendant les persécutions. Ainsi S. Paul, que quelques-uns regardent comme le premier des solitaires Chrétiens, s’étant retiré fort jeune dans les déserts de la Thébaïde, pour fuir la persécution de Dece, l’an 250.

de J. C. y demeura constamment jusqu’à l’âge de cent treize ans.

Le P. Pagi, Luc Holstenius, le P. Papebrok, Bingham dans ses antiquités ecclésiastiques, liv. VII. c. j. § 4. reconnoissent que l’origine de la vie monastique ne remonte pas plus haut que le milieu du troisieme siecle. S. Antoine, Egyptien comme S. Paul, fut, selon M. l’abbé Fleury, le premier qui assembla dans le désert un grand nombre de moines. Cependant Bingham, remarque d’après S. Jerôme, que S. Antoine lui-même assuroit que S. Pacome avoit le premier rassemblé des moines en commun, & leur avoit donné une regle uniforme, ce qu’il n’exécuta que dans le quatrieme siecle. Mais il est facile de concilier ces contrariétés, en observant que S. Antoine fut le premier qui rassembla plusieurs solitaires en commun, qui habitoient dans le même désert, quoique dans des cellules séparées & dans des habitations éloignées les unes des autres ; & qui se soumirent à la conduite de S. Antoine, au lieu que S. Pacome fonda dans le même pays les fameux monasteres de Tabenne.

Ses disciples qu’on nomma cénobites, parce qu’ils étoient réunis en communautés, vivoient trente ou quarante ensemble en chaque maison, & trente ou quarante de ces maisons composoient un monastere, dont chacun par conséquent comprenoit depuis 1200 moines jusqu’à 1600. Ils s’assembloient tous les Dimanches dans l’oratoire commun de tout le monastere. Chaque monastere avoit un abbé pour le gouverner, chaque maison un supérieur, un prevôt, prœpositum, chaque dixaine de moines un doyen decennarium, & même des religieux préposés pour veiller sur la conduite de cent autres moines, centenarios. Tous les monasteres reconnoissoient un seul chef & s’assembloient avec lui pour célébrer la Pâque, quelquefois jusqu’au nombre de cinquante mille cénobites, & cela des seuls monasteres de Tabenne, outre lesquels il y en avoit encore en d’autres parties de l’Egypte, ceux de Secté, d’Oxyrinque, de Nitrie, de Mareote. Ces moines Egyptiens ont été regardés comme les plus parfaits & les originaux de tous les autres.

S. Hilarion, disciple de S. Antoine, établit en Palestine des monasteres à peu-près semblables, & cet institut se répandit dans toute la Syrie. Eustathe évêque de Sébaste, en établit dans l’Arménie & la Paphlagonie, & S. Basile qui s’étoit instruit en Egypte en fonda sur la fin du quatrieme siecle dans le Pont & dans la Cappadoce, & leur donna une regle qui contient tous les principes de la morale chrétienne. Dès-lors la vie monastique s’étendit dans toutes les parties de l’Orient, en Ethiopie, en Perse, & jusques dans les Indes. Elle étoit déja passée en occident dès l’an 340, que S. Athanase étant venu à Rome & y ayant apporté la vie de S. Antoine qu’il avoit composée, porta les fideles d’Italie à imiter le même genre de vie, il se forma des monasteres, des moines & des vierges sous la conduite des évêques. S. Ambroise & S. Eusebe de Verceil avoient fait bâtir des monasteres près de leurs villes épiscopales. Il y en eut un fameux dans l’île de Lérins en Provence, & les petites îles des côtes d’Italie & de Dalmatie, furent bien-tôt peuplées de saints solitaires. On regarde S. Martin, comme le premier instituteur de la vie monastique dans les Gaules, elle passa un peu plus tard dans les îles Britanniques. Mais dans tout l’occident la discipline n’étoit pas si exacte qu’en orient ; on y travailloit moins, & le jeûne y étoit moins rigoureux.

Il y avoit des hermites ou anachoretes, c’est-à-dire des moines plus parfaits, qui après avoir vécu long-tems en communauté pour dompter leurs passions & s’exercer à toutes sortes de vertus, se reti-