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pas davantage avec la forme de ces pieces, dont Justinien parle dans sa novelle 105, sous le nom de caucii, auquel les auteurs de la basse latinité paroissent attacher la même idée qu’au mot scyphati. Cette monnoie grecque n’étoit pas toujours mince ; & lors même qu’elle l’étoit le plus, elle ne le fut jamais autant que les bractéates.

Le sentiment le plus commun attribue l’origine de ces dernieres aux Allemands, & la fixe au tems des empereurs Othons, ce qui donneroit le x. siecle pour époque aux bractéates. Plusieurs inductions tirées de faits incontestables, semblent d’abord favoriser ce système, adopté par Olearius, par Ludwig, par Doederlin, & plusieurs autres savans. Ce fut sous l’empire des Othons que les mines d’argent se découvrirent en Allemagne. Du tems de Tacite la Germanie intérieure ne connoissoit point l’argent ; si l’usage en a pénétré depuis dans cette contrée, c’est par les François conquérans des Gaules qu’il y fut introduit. Mais les monnoies d’argent que ceux-ci répandirent de leurs nouvelles habitations dans leurs anciennes demeures, n’étoient point des bractéates ; elles étoient de l’espece qui sous les rois Carlovingiens s’appelloit monnoie palatine, moneta palatina, parce que ces princes la faisoient fabriquer dans leur palais même. Leurs monétaires les suivoient par-tout ; ils alloient avec la cour d’une résidence à l’autre, tantôt en-deçà, tantôt en-delà du Rhin, & par-tout ils frappoient au coin du monarque des pieces dont le poids & la solidité suffisent pour nous empêcher de les confondre avec les bractéates, plus minces sans comparaison. Ce n’est donc qu’après l’extinction de la race Carlovingienne que l’Allemagne a fait usage de cette monnoie légere ; c’est donc aux regnes des Othons qu’il faut en placer l’origine : ainsi raisonnent Oléarius & ses partisans.

Cette conséquence seroit bonne si les bractéates avoient en effet pris naissance en Allemagne ; mais si elles sont venues d’ailleurs, elles peuvent avoir été plus anciennes que le x. siecle, & c’est ce que pense M. Schoepflin, qui ne donne cependant son opinion que pour une conjecture, mais qui fonde cette conjecture sur des monumens.

Les cabinets de Suede & de Danemark lui ont présenté des bractéates d’un tems plus reculé que celles d’Allemagne ; il en conclud que l’usage en a commencé dans le Danemark & dans la Suede. Selon lui, c’est la Suede qui la premiere a fabriqué ces sortes de monnoies. Elias Brenner, fameux antiquaire suédois, a produit une bractéate du roi Biorno I. contemporain de Charlemagne, avec le nom de ce prince pour légende. Brenner rapporte que de son tems on découvrit à Stockholm des deniers de Charlemagne, avec lesquels ces monnoies de Biorno paroissent avoir quelque trait de ressemblance. M. Schoepflin en conclud que ces deniers ont servi de modele aux bractéates suédoises pour l’empreinte, non pour l’épaisseur, car la rareté de l’argent dans tout le Nord y fit réduire les sols à une feuille très-mince.

De la Suede, l’usage des bractéates se transmit en Danemark, & par la suite aux provinces de l’empire Germanique.

Nous avons déja remarqué que les bractéates sont plus communes en Allemagne qu’ailleurs : la raison en est simple ; c’est une suite de la constitution même de l’état Germanique, composé d’un nombre infini de souverains, & de plusieurs cités libres qui sous différens titres ont joui du droit de battre monnoie, prodigué par les successeurs de Charlemagne, avec tant d’autres droits régaliens.

C’est au x. siecle que l’usage des bractéates est devenu commun dans la Germanie, du-moins l’époque de celles qu’on a découvertes ne remonte point au-delà ; ni le cabinet du duc de Saxe-Gotha, ni celui

de l’abbaye de Gottian en basse Autriche, les deux plus riches dans ce genre que connoisse M. Schoepflin, n’offrent point de bractéates plus anciennes.

Les mines d’argent découvertes alors en basse Saxe, n’empêcherent point cette monnoie foible de s’introduire dans le pays & de s’y perpétuer. D’autres provinces d’Allemagne ont aussi leurs mines d’argent, trouvées peu après celles de la basse Saxe : l’Alsace a les siennes ; cependant ces provinces & l’Alsace ont fabriqué long-tems des bractéates. Strasbourg a continué jusqu’au xvj. siecle, & la ville de Bâle persévere encore aujourd’hui dans cet usage, qui atteste peut-être moins l’indigence des siecles barbares, que la méfiance des anciens Allemands, en garde alors, comme au tems de Tacite, contre les monnoies fourrées.

Tilemann Frise & Doëderlin prétendent que les premieres bractéates sont les plus fines, & qu’insensiblement le titre s’en est altéré de plus en plus. Cela se peut ; cependant les bractéates trouvées par M. Schoepflin sont presque toutes de différent titre, quoique toutes paroissent du même âge. Ce sont les Italiens qui porterent en Allemagne l’art des alliages ; par la suite le cuivre a tellement prévalu dans quelques pieces de cette monnoie, que les Antiquaires ont cru trouver des bractéates de bronze. M. Schoepflin en a vû quelques unes en or, mais elles ne sont pas fort anciennes ; il en connoît aussi quelques-unes de bi-latérales, mais elles sont si rares, que cette exception n’empêche pas qu’on ne doive, généralement parlant, définir les bractéates des monnoies à feuilles d’argent frappées en creux sur un seul côté.

La forme en est communément ronde, mais souvent cette feuille de métal est coupée avec tant de négligence, qu’on la prendroit pour un quarré très-irrégulier. La grandeur a beaucoup varié ; on en distingue jusqu’à douze modules différens, dont le plus grand excede la circonférence des contorniates des empereurs, & le plus petit est égal au petit bronze du bas-empire. Ni ces divers modules, ni ces divers allois ne sont spécialement affectés à certains états de l’empire plûtôt qu’à d’autres. Les empereurs, les princes ecclésiastiques & séculiers, les villes impériales, en ont frappé de grandes & de petites indifféremment. Les premieres n’ayant point une épaisseur proportionmée à leur diametre, étoient encore moins propres que les secondes au commerce ; aussi pourroit-ton croire que c’étoit des médailles plûtôt que des monnoies. A dire vrai, ni les unes ni les autres ne pouvoient long-tems se conserver, ni par conséquent être d’un grand usage. Mais nous savons qu’alors les sommes un peu considérables se payoient en argent non monnoyé, par marcs & par livres.

De ce que tous les souverains d’Allemagne, empereurs, rois, ducs, évêques, abbés, margraves, landgraves, comtes, villes libres ont à l’envi fait frapper des bractéates, il en résulte, sans que nous ayons besoin d’insister sur cette conséquence, que les types en sont extrémement variés. On y trouve des figures d’hommes, d’animaux, des symboles, des armoiries, des édifices, des marques de dignité de toute espece ; mais les plus communes, selon M. Schoepflin, sont les bractéates ecclésiastiques. Voyez l’histoire de l’académie des Inscriptions, tome XXXIII. in-4o. (D. J.)

Monnoies de compte des modernes, (Commerce.) Parcourons rapidement les monnoies de compte de l’Europe & de l’Asie : l’Amérique n’en a point de particulieres, car les nations européennes qui y ont des établissemens, y ont porté les leurs, & ne se servent que de la maniere de compter usitée dans les états des princes d’où sont sorties leurs colonies.

A l’égard de l’Afrique, les villes de Barbarie &