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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 10.djvu/728

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, en la perdant étoient aussi déchus des droits de cité.

La novelle XXII. chap. viij. abrogea la servitude de peine ; mais en laissant la liberté à ceux qui subissoient les condamnations dont on vient de parler, elle ne leur rendit pas la vie civile.

L’autre changement d’état qui étoit moindre, appellé minor, seu media capitis diminutio, étoit lorsque quelqu’un perdoit seulement les droits de cité, sans perdre en même tems sa liberté ; c’est ce qui arrivoit à ceux qui étoient interdits de l’eau & du feu, interdicti aquâ & igne. On regardoit comme retranchés de la société ceux qu’il étoit défendu d’assister de l’usage de deux choses si nécessaires à la vie naturelle. Ils se trouvoient par-là obligés de sortir des terres de la domination des Romains. Auguste abolit cette peine à laquelle on substitua celle appellée deportatio in insulam. C’étoit la peine du bannissement perpétuel hors du continent de l’Italie, ce qui emportoit mort civile, à la différence du simple exil, appellé relegatio, lequel soit qu’il fût à tems, ou seulement perpétuel, ne privoit point des droits de cité.

Il y avoit donc deux sortes de mort civile chez les Romains ; l’une qui emportoit tout à la fois la perte de la liberté & des droits de cité ; l’autre qui emportoit la perte des droits de cité seulement. Du reste, la mort civile opéroit toûjours les mêmes effets quant à la privation des droits de cité. Celui qui étoit mort civilement, soit qu’il restât libre ou non, n’avoit plus ses enfans sous sa puissance : il ne pouvoit plus affranchir ses esclaves : il ne pouvoit ne succéder, ni recevoir un legs, ni laisser sa succession, soit ab intestat, ou par testament : tous ses biens étoient confisqués : en un mot, il perdoit tous les privileges du Droit civil, & conservoit seulement ceux qui sont du Droit des gens.

En France, il n’y a aucun esclave de peine, ni autres ; les serfs & mortaillables, quoique sujets à certains devoirs personnels & réels envers leur seigneur, conservent cependant en général la liberté & les droits de cité. Il y a néanmoins dans les colonies françoises des esclaves, lesquels ne jouissent point de la liberté, ni des droits de cité ; mais lorsqu’ils viennent en France, ils deviennent libres, à moins que leurs maîtres ne fassent leur déclaration à l’amirauté, que leur intention est de les remmener aux îles. Voyez Esclaves.

La mort civile peut procéder de plusieurs causes différentes ; ou de la profession religieuse ; ou de la condamnation à quelque peine qui fait perdre les droits de cité ; ou de la sortie d’un sujet hors du royaume, pour fait de religion, ou pour quelque autre cause que ce soit, lorsqu’elle est faite sans permission du roi, & pour s’établir dans un pays étranger.

Chez les Romains, la profession religieuse n’emportoit point mort civile, au-lieu que parmi nous, elle est encourue du moment de l’émission des vœux. Un religieux ne recouvre pas la vie civile, ni par l’adoption d’un bénéfice, ni par la sécularisation de son monastere, ni par sa promotion à l’épiscopat.

Les peines qui operent en France la mort civile sont : 1° toutes celles qui doivent emporter la mort naturelle : 2° les galeres perpétuelles : 3° le bannissement perpétuel hors du royaume : la condamnation à une prison perpétuelle.

Dans tous ces cas la mort civile n’est encourue que par un jugement contradictoire, ou par contumace.

Quand la condamnation est par contumace, & que l’accusé est décédé après les cinq ans sans s’être représenté, ou avoir été constitué prisonnier, il est reputé mort civilement du jour de l’exécution du jugement de contumace.

Il y a pourtant une exception pour certains crimes énormes, tels que celui de lése-majesté divine ou humaine, le duel, le parricide, &c. dans ces cas la mort civile est encourue du jour du délit ; mais elle ne l’est pas ipso facto, & ce n’est toûjours qu’après un jugement comme il vient d’être dit : tout ce que l’on a ajouté de plus à l’égard de ces crimes, c’est que la mort civile qui résulte des peines prononcées par le jugement, a un effet rétroactif au jour du délit.

Hors ces cas, celui qui est in reatu n’est pas reputé mort civilement ; cependant si les dispositions qu’il a faites sont en fraude, on les déclare nulles.

Celui qui est mort civilement demeure capable de tous les contrats du Droit des gens ; mais il est incapable de tous les contrats qui tirent leur origine du Droit civil : il est incapable de succéder soit ab intestat, ou par testament, ni de recevoir aucun legs : il ne peut pareillement tester, ni faire aucune donation entre-vifs, ni recevoir lui-même par donation, si ce n’est des alimens.

Le mariage contracté par une personne morte civilement est valable, quant au sacrement ; mais il ne produit point d’effets civils.

Enfin celui qui est mort civilement ne peut ni ester en jugement, ni porter témoignage ; il perd les droits de puissance paternelle ; il est déchu du titre & des privileges de noblesse, & la condamnation qui emporte mort civile, fait vaquer tous les bénéfices & offices dont le condamné étoit pourvu.

La mort civile, de quelque cause qu’elle procede, donne ouverture à la succession de celui qui est ainsi reputé mort.

Lorsqu’elle procede de quelque condamnation, elle emporte la confiscation dans les pays où la confiscation a lieu, & au profit de ceux auxquels la confiscation appartient. Voyez Confiscation.

Les biens acquis par le condamné depuis sa mort civile, appartiennent après sa mort naturelle, par droit de deshérence, au seigneur du lieu où ils se trouvent situés.

L’ordonnance de 1747 décide que la mort civile donne ouverture aux substitutions.

La mort civile éteint l’usufruit en général, mais non pas les pensions viageres, parce qu’elles tiennent lieu d’alimens : par la même raison le douaire peut subsister, lorsqu’il est assez modique pour tenir lieu d’alimens.

Toute société finit par la mort civile ; ainsi en cas de mort civile du mari ou de la femme, la communauté de biens est dissoute, chacun des conjoints reprend ce qu’il a apporté.

Si c’est le mari qui est mort civilement, il perd la puissance qu’il avoit sur sa femme, celle-ci peut demander son augment de dot & ses bagues & joyaux coutumiers, en donnant caution ; mais elle ne peut pas demander ni deuil, ni douaire, ni préciput.

Il y avoit chez les Romains différens degrés de restitution, contre les condamnations pénales : quelquefois le prince ne remettoit que la peine, quelquefois il remettoit aussi les biens ; enfin il remettoit quelquefois aussi les droits de cité, & même les honneurs & dignités.

Il en est de même parmi nous ; les lettres d’abolition, de commutation de peine, de pardon, de rappel de ban ou des galeres, les lettres de réhabilitation, celles de rémission, rendent la vie civile, lorsqu’elles sont valablement enthérinées.

Les lettres de revision operent le même effet, lorsque le premier jugement est déclaré nul, & que l’accusé est renvoyé de l’accusation.

Les lettres pour ester à droit, après les cinq ans de la contumace, ne donnent que la faculté d’ester en jugement.