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Vous commencerez par réduire la laque en poudre à sec avec la mollette ; quand vous l’aurez bien pulvérisée, vous pratiquerez au milieu un creux, dans lequel vous verserez peu-à-peu de la liqueur préparée, en continuant de broyer. Vous ne rendrez pas cette couleur trop fluide, si vous ne voulez pas en rendre la trituration incommode. Vous arroserez & broyerez jusqu’à ce qu’en la maniant entre vos doigts vous n’y sentiez aucune aspérité, alors vous prendrez gros comme une bonne noisette de gomme adragant trempée, vous choisirez la plus blanche & la plus ferme qu’il y aura dans le pot-à-beurre, où elle aura séjournée trois jours ; vous en mettrez cette quantité, ou même un peu plus, sur un quarteron de laque, avec trois cueillerées de fiel de bœuf, que vous aurez laissé reposer pendant huit jours, & dont vous n’employerez que la partie la plus fluide, séparant l’épais. Quand le fiel de bœuf n’a pas reposé, il est trop gras ; vous broyerez le rouge, la gomme & le fiel de bœuf, jusqu’à ce que le tout soit sans grumeaux, éclaircissant toujours avec la liqueur préparée. Cela fait, vous releverez le mélange avec la ramassoire de cuivre, & vous le mettrez dans un pot, où vous ajouterez sur un quarteron de couleur environ une chopine de liqueur préparée.

Pour avoir un jaune, ayez de l’ochre, faites-la tremper pendant quelques jours dans de l’eau de riviere ; ayez une spatule de bois, délayez l’ochre trempée avec la spatule ; transvasez de cette ochre délayée dans un autre vaisseau ; sur une chopine de cette eau d’ochre qui est très-fluide, mettez trois cueillerées de fiel de bœuf, & mêlez le tout avec un pinceau.

Pour avoir du blanc, il ne faut que de l’eau & du fiel de bœuf ; mettez sur une pinte d’eau quatre cueillerées de fiel de bœuf, battez bien le tout ensemble ; ce sera proprement le fond du papier qui sera le blanc.

Pour avoir un verd, ayez de l’indigo broyé avec de l’ochre détrempée, faites-en comme une bouillie claire. Pour faire cette bouillie, mettez sur une pinte d’eau deux cuillerées d’indigo détrempé avec l’ochre & trois cueillerées de fiel de bœuf, mêlant bien le tout.

Pour avoir un noir, prenez de l’indigo & du noir de fumée, mettez pour un sol de noir de fumée sur la grosseur d’une noix d’indigo, ou pour plus d’exactitude, prenez un poisson de noir de fumée, & gros comme une noisette de gomme, & ajoutez une cueillerée de fiel de bœuf.

Pour avoir un violet, ayez le rouge préparé pour le papier commun, ainsi que nous l’avons dit plus haut, ajoutez quatre à cinq larmes de noir de fumée broyé avec l’indigo.

Le marbreur de papier n’emploie guere que ces couleurs ; mais on peut s’en procurer autant d’autres qu’on voudra d’après celles que nous venons d’indiquer. On voit (fig. 2.) a l’ouvrier qui broye les couleurs, b son établi, c sa pierre, d sa mollette, e sa ramassoire, f ses pots.

Fabrication du papier marbré. Pour marbrer le papier commun, lorsque les eaux seront nettoyées, on jettera sur ces eaux avec le pinceau & d’une secousse legere premierement du bleu, tel que nous l’avons préparé ; à cela près que, quand on sera sur le point de l’employer, on aura du blanc d’Espagne qu’on aura mis tremper dans de l’eau pendant quelques jours, qu’on prendra de ce blanc la valeur de deux cueillerées, trois cueillerées de fiel de bœuf, & une pinte d’eau, qu’on mêlera le tout, qu’on ajoutera au mélange la lavure d’indigo dont nous avons parlé, & qu’on ajoutera une cueillerée de l’indigo préparé, comme nous l’avons dit. C’est de ce mé-

lange qu’on chargera le pinceau ; sa charge doit suffire

pour faire sur la surface du baquet un tapis, c’est-à-dire pour couvrir également & légerement toute la surface de l’eau ; on n’appercevra dans ce tapis que des ramages ou veines, on jettera sur ce tapis secondement du rouge. On verra ce rouge repousser le bleu, prendre sa place & former des taches éparses. On jettera troisiemement du jaune qui se disposera aussi à sa maniere, quatriemement du blanc. S’il arrive que ce blanc jetté occupe trop d’espace, il faudra ramasser le tout dessus le baquet, ou hazarder une mauvaise feuille, & corriger ce blanc en l’éclaircissant avec de l’eau. S’il n’en occupe pas assez, on mettra de l’amer ou du fiel de bœuf. Au reste, cette attention n’est pas particuliere au blanc ; il faut l’étendre à toutes les autres couleurs qu’on corrigera s’il est nécessaire, soit par l’eau, soit par le fiel de bœuf, ou autrement, comme nous l’indiquerons. Ses taches du blanc doivent être dispersées sur toute la surface du baquet ou du tapis comme des lentilles.

Le bleu se corrige avec l’eau, le rouge avec la liqueur dont nous avons donné la préparation. S’il a trop de gomme ou de consistence, il se corrige avec la laque broyée sans gomme. Si la gomme n’y foisonne pas suffisamment, & qu’il n’ait pas de corps, il faut ajouter de la gomme broyée avec de la laque de pont ; le jaune se corrige avec du jaune & de l’eau.

Il faut sur-tout veiller dans l’emploi de ces couleurs qu’elles ne marchent pas trop, c’est-à-dire qu’elles ne se pressent pas trop : elles occupent plus ou moins de place, selon qu’elles ont plus ou moins de consistence, & selon les drogues dont elles sont composées. Voyez fig. 3. a un ouvrier qui jette les couleurs, b son pinceau chargé, c le baquet, d le trépié qui soutient le baquet.

Quand les couleurs sont jettées, on prend le peigne à quatre branches, on le tient par ses deux extrémités, on l’applique au haut du baquet, de maniere que l’extrémité de ses pointes touche la surface de l’eau, on le mene de maniere que chaque pointe trace un frison ; cela fait, on enleve le peigne, & on l’applique semblablement au-dessous des frisons faits. On en forme de nouveau par un mouvement de peigne égal à celui qui a formé les premiers ; on l’enleve pour la seconde fois, & on l’applique une troisieme ; & en quatre fois ou reprises, le peigne a descendu depuis le haut du tapis du baquet jusqu’au bas. Voyez fig. 4. un ouvrier a occupé de cette manœuvre, b le peigne, c le baquet, d le trépié.

Cela fait, on prend une feuille de papier, on la tient au milieu de son extrémité supérieure entre le pouce & l’index de la main gauche, & au milieu de son extrémité inférieure entre le pouce & l’index de la main droite, & on l’applique légerement & successivement sur la surface du baquet en commençant par un bout qu’on appelle le bas. La surface de la feuille prend & emporte toute la couleur qui couvre les eaux ; les couleurs s’y attachent, disposées selon les figures irrégulieres que le mouvement du peigne leur avoit données, & la surface des eaux reste nette. S’il en arrive autrement, c’est un indice qu’il y a quelque couleur qui peche, & à la quelle il faut remédier, comme nous l’avons dit ci dessus. Voyez fig. 3. un ouvrier a qui marbre, b sa feuille dont l’application est commencée à la surface du baquet.

La feuille chargée de couleurs s’étend sur un des chassis que nous avons décrit. Ce chassis se met sur un grand baquet de Montfaucon ; il y est soutenu par deux barres de bois posées en-travers sur ce baquet, & qui le tienne incliné. Quand on a fait cinquante feuilles & qu’il y a cinquante chassis l’un