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de nommer le prêtre qui présidoit au musée, comme avoient fait les Ptolemées.

L’empereur Claude fonda encore un nouveau musée à Alexandrie, & lui donna son nom. Il ordonna qu’on y lût alternativement les Antiquités d’Etrurie, & celles des Carthaginois, qu’il avoit écrites en grec. Il y avoit donc des leçons réglées & des conférences faites par des professeurs, très fréquentées, & auxquelles les princes même ne dédaignoient point d’assister. Spartien nous apprend qu’Hadrien étant venu à Alexandrie, y proposa des questions aux philosophes, & répondit à celles qu’ils lui firent, & qu’il accorda des places dans le musée à plusieurs savans.

La ville d’Alexandrie s’étant révoltée sous l’empire d’Aurelien, le quartier du bruchion où étoit aussi la citadelle, fut assiégé, & le musée détruit. Depuis ce tems-là le temple de Serapis & son musée furent la demeure des livres & des savans. Mais sous Théodore, Théophile patriarche d’Alexandrie, homme ardent, fit démolir & le temple & le musée ; ensorte que la réputation de cette derniere école fut tout ce qui en subsista jusqu’à l’année 630 de Jesus-Christ, que les Sarrasins brûlerent les restes de la bibliotheque d’Alexandrie. Mém. de l’Acad. tome IX.

Le mot de musée a reçu depuis un sens plus étendu, & on l’applique aujourd’hui à tout endroit où sont renfermées des choses qui ont un rapport immédiat aux arts & aux muses. Voyez Cabinet.

Le musée d’Oxford, appellé musée ashmoléen, est un grand bâtiment que l’Université a fait construire pour le progrès & la perfection des différentes sciences. Il fut commencé en 1679 & achevé en 1683. Dans le même tems, Élie Ashmole, écuyer, fit présent à l’université d’Oxford d’une collection considérable de curiosités qui y furent acceptées, & ensuite arrangées & mises en ordre par le docteur Plott, qui fut établi premier garde du musée.

Depuis ce tems, cette collection a été considérablement augmentée, entr’autres d’un grand nombre d’hiéroglyphes, & de diverses curiosités égyptiennes que donna le docteur Huntingdon, d’une momie entiere donnée par M. Goodgear, d’un cabinet d’histoire naturelle dont M. Lister fit présent, & de diverses antiquités romaines, comme autels, médailles, lampes, &c.

A l’entrée du musée, on lit cette inscription : Musœum ashmoleanum, Schola naturalis historiæ, Officina chimica.

Musée, (Géog. anc.) colline de l’Attique dans la ville d’Athenes. On la trouve aujourd’hui au sud-ouest de la citadelle. Cette colline avoit tiré son nom de l’ancien poëte Musée fils d’Eumolpus. Une inscription trouvée par Spon dans ce même lieu, dit que le tombeau de ce poëte étoit au port Phalere ; & Pausanias écrit qu’il étoit à la colline musée. L’Illissus passe au pié de cette colline ; mais il est presque toujours sec dans cet endroit, à moins que les pluies ou les neiges du mont Hymette ne lui fournissent de l’eau, car les Turcs en ont détourné le lit. Ce n’est pas de cette colline d’Athènes, mais du fameux bâtiment d’Alexandrie, que l’on a pris l’usage de nommer musœum le cabinet des gens de lettres, ainsi que tous les lieux où l’on s’applique à la culture des sciences & des beaux Arts. (D. J.)

MUSÉES, s. f. plur. (Ant. greq.) Μούσεια, fête qu’on celébroit en l’honneur des Muses, dans plusieurs lieux de la Grece, & particuliérement chez les Thespiens qui la solemnisoient tous les cinq ans par des jeux publics. Les Macédoniens fetoient aussi cette solemnité en l’honneur de Jupiter & des

Muses, & la célébroient par toutes sortes de jeux publics & scéniques qui duroient neuf jours, conformément au nombre des Muses. Voyez Potter, Archæol. græc. lib. II. c. xx. tit. j. pag. 415. (D. J.)

MUSELIERE, terme de Bourrelier, est une courroie qui fait le tour de la tête du cheval, c’est-à-dire, qui passe immédiatement au-dessus des branches du mords, & sous laquelle sont placés les deux montans. L’usage de la museliere est d’empêcher que le cheval, en se secouant, ne fasse sortir le mords de sa bouche. Voyez les figures & les Pl. du Bourrelier.

MUSEROLE, s. f. (Maréchallerie.) partie de la têtiere du cheval, qui se place au dessus du nez. Lorsqu’un cheval est sujet à battre à la main, il faut mettre une martingale à sa muserole. Voyez Battre à la main & Martingale

MUSES, f. s. (Mythol.) ces déesses sont si célébres, que je suppose tout le monde instruit de leurs épithetes, de leurs noms & de leurs surnoms. On les fait présider, chacune en particulier, à différens arts, comme à la Musique, à la Poésie, à la Danse, à l’Astronomie, &c. Elles sont, dit on, appellées Muses, d’un mot grec qui signifie expliquer les mysteres, Μύειν, parce qu’elles ont enseigné aux hommes des choses très-curieuses & très importantes, qui sont hors de la portée du vulgaire. Enfin, on a été jusqu’à imaginer que chacun de leurs noms propres renfermoit une allégorie particuliere ; mais Varron en a eu des idées plus saines.

Ce n’est pas Jupiter, nous dit-il, qui est le pere des neuf muses ; ce sont trois sculpteurs de Sycione. Cette ville voulant mettre trois statues des muses au temple d’Apollon, nomma trois sculpteurs pour faire chacun trois statues des muses. On se proposoit de les prendre de celui des sculptents qui auroit mieux réussi ; mais Sycione acheta les neuf statues, & les dédia à Apollon, parce qu’elles étoient toutes neuf de la plus grande beauté. Il a plu ensuite à Hésiode d’imposer des noms à chacune de ces statues.

Cependant Diodore donne aux muses une autre origine. Osiris, dit-il, amateur passionné du chant & de la danse, avoit toujours à sa cour une troupe de musiciens, parmi lesquels se distinguoient neuf filles instruites de tous les arts qui ont quelque rapport à la Musique ; les Grecs les appellerent les neuf muses.

M. le Clerc croit que la fable des muses vient des concerts que Jupiter avoit établis dans l’île de Créte. & qui étoient composés de neuf chanteuses ; que ce dieu n’a passé pour le pere des muses, que parce qu’il est le premier d’entre les Grecs qui ait eu un concert réglé, & qu’on leur a donné Mnémosyne pour mere, parce que c’est la mémoire qui fournit la matiere des vers & des poëmes.

Quoi qu’il en soit, cette fiction des muses prit grande faveur. On dit qu’elles s’occupoient à chanter dans l’olympe les merveilles des dieux ; & qu’elles connoissoient le passé, le présent, & l’avenir. Elles furent non-seulement mises au nombre des déesses, mais on leur prodigua tous les honneurs de la divinité. On leur offroit des sacrifices en plusieurs villes de la Grece & de la Macédoine. Elles avoient à Athenes un magnifique autel, sur lequel on sacrifioit souvent. Le mont Hélicon dans la Béctie leur étoit consacré ; & les Thespiens y célébroient chaque année une fête en leur honneur, dans laquelle il y avoit des prix pour les musiciens. Ce fut Piérus si célebre par ses talens, & par ceux des Piérides ses filles, qui fonda le temple des neuf muses à Thespies. Rome avoit aussi deux temples consacrés aux muses, dans la premiere région de la ville, & un troisieme où elles étoient fêtées sous