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& que les cardinaux en font la fonction ; qu’ainsi le pape ne peut être confirmé par d’autres : les cardinaux le confirment en l’élisant. La cérémonie de l’élection, & celle de la confirmation, qui sont distinctes & séparées dans les autres évêques, ne sont qu’une seule & même chose à l’égard du pape.

Le second texte qui établit que le pape n’a pas besoin d’autre pouvoir que son élection même, & qu’elle emporte aussi la confirmation, est aux décrétales, cap. licet de elect. & electi potestàte.

On trouve cependant qu’après Constantin, les empereurs s’attribuerent insensiblement le droit de confirmer l’élection des papes, & que cela eut lieu pendant plusieurs siecles ; tellement que les papes n’étoient point consacrés avant cette confirmation : pour l’obtenir, ils envoyoient des légats à Constantinople aussi-tôt après leur élection.

L’empereur Justinien fit faire un décret par Virgilius, par lequel il étoit défendu de consacrer le pape élu, que premierement il n’eût obtenu des lettres patentes de confirmation de Justinien, ou de ses successeurs empereurs. Cette coutume fut constamment observée pendant plus de 120 ans, & jusqu’à Benoît II. Durant ce tems il y eut toujours une distance entre l’élection & la consécration des papes, parce qu’il falloit attendre les lettres de confirmation qui étoient octroyées ou par les empereurs, ou par leurs exarques & lieutenans généraux en Italie, avant lesquelles il n’étoit pas permis au pape élu de se faire consacrer, ni de prendre possession de cette dignité ; tellement même que pour cette permission, il falloit que le pape élu donnât à l’empereur 20 liv. d’or.

L’Empire ayant passé aux allemans, quelques empereurs de cette nation jouirent encore de ce droit. Charlemagne ordonna que le pape élu seroit sacré si l’empereur l’approuvoit.

Sous ses descendans plusieurs papes n’attendirent pas cette confirmation, notamment Paschal avec Louis le Débonnaire, auquel Paschal s’en excusa ensuite.

Quelques-uns prétendent que Louis le Débonnaire renonça à ce droit, suivant le canon, ego Ludovicus ; mais ce canon est apocryphe. En effet, Lothaire & Louis II. fils de Louis le Débonnaire, jouirent encore de ce droit, non pourtant sans quelque contradiction ; car le pape Euge, en 824, refusa de prendre de l’empereur la confirmation de son élection : Lothaire s’en plaignit hautement. Grégoire IV. qui tint le saint-siege peu de tems après, demanda à l’empereur la confirmation de son exaltation.

Mais les empereurs suivans ayant voulu abuser de ce droit, & se rendre maîtres des élections, ils en furent bientôt privés. Adrien III. en 884, ordonna que les papes seroient désormais sacrés sans l’approbation des empereurs. Nicolas II. aida beaucoup à affranchir les papes de la nécessité de cette confirmation. Enfin dans le xij. siecle le clergé de Rome fut déclaré avoir seul le droit d’élire les papes, sans le consentement ni la confirmation de l’empereur.

Couronnement. Le couronnement des papes est une cérémonie qui n’est pas fort ancienne, & qui est plutôt relative à la qualité de prince temporel, qu’à celle de vicaire de J. C. & de successeur de saint Pierre.

Quelques auteurs ont prétendu qu’outre l’élection, il y avoit une cérémonie dont le couronnement est l’image, & que sans cette formalité ceux qui étoient élus ne se disoient point papes, & n’étoient point reconnus pour tels dans l’Eglise.

Quoi qu’il en soit, il est certain qu’Urbain II. se fit couronner à Tours. Ils ne portoient d’abord qu’une seule couronne ; Benoît XII. fut le premier qui porta la triple couronne.

Les Jurisconsultes d’Italie ont introduit l’usage de

dater les actes après le couronnement, à l’exemple des empereurs ; cependant on ne laisse pas d’expédier & de dater des provisions avant le couronnement, avec cette différence seulement qu’au lieu de dater ab anno pontificatûs, on met, à die suscepti nobis apostolatûs officii.

Crosse. Anciennement le pape portoit une crosse, comme les autres évêques ; mais sous l’empereur Othon, Benoît renonçant au pontificat auquel il avoit été appellé sans le consentement de l’empereur, remit sa crosse entre les mains de Leon VIII. pape légitime, qui la rompit en présence de l’empereur, des prélats & du peuple.

On remarque aussi qu’Innocent III. trouvoit au-dessous de sa dignité de porter une crosse qui le confondoit avec les évêques. Cependant on ne peut douter, suivant ce qui vient d’être dit dans l’article précédent, que les papes ne l’eussent toujours portée.

Le pape pour marque de sa jurisdiction supérieure, fait porter devant lui la croix à triple croisillon.

Jurisdiction. Le pape en qualité de chef de l’Eglise a certaines prérogatives, comme de présider aux conciles écuméniques : tous les évêques doivent être en communion avec lui.

Il est nécessaire qu’il intervienne aux décisions qui regardent la foi, attendu l’intendance générale qu’il a sur toute l’Eglise ; c’est à lui de veiller à sa conservation & à son accroissement.

C’est à lui qu’est dévolu le droit de pourvoir à ce que l’évêque, le métropolitain & le primat, refusent ou négligent de faire.

Les papes ont prétendu sur le fondement des fausses décrétales, qu’eux seuls avoient droit de juger même en premiere instance, les causes majeures, entre lesquelles ils ont mis les affaires criminelles des évêques. Mais les parlemens & les évêques de France ont toujours tenu pour regle, que les causes des evêques doivent être jugées en premiere instance par le concile de la province, qu’après ce premier jugement il est permis d’appeller au pape, conformément au concile de Sardique ; & que le pape doit commettre le jugement à un nouveau concile, jusqu’à ce qu’il y ait trois sentences conformes : la regle présente de l’Eglise étant que les jugemens ecclésiastiques qui n’ont pas été rendus par l’Eglise universelle, ne sont regardés comme souverains que quand il y a trois sentences conformes.

Dans les derniers siecles les papes ont aussi voulu mettre au nombre des causes majeures, celles qui regardent la foi, & prétendoient en avoir seuls la connoissance ; mais les évêques de France se sont maintenus dans le droit de juger ces sortes de causes, soit par eux-mêmes, soit dans le concile de la province, à la charge de l’appel au saint siege.

Lorsque le pape fait des decrets sur des affaires qui concernent la foi, nées dans un autre pays, ou même sur des affaires de France, qui ont été portées directement à Rome, contre la discipline de l’église de France, au cas que les évêques de France trouvent ces decrets conformes à la doctrine de l’église gallicane, ils les acceptent par forme de jugement : c’est ainsi qu’en userent les peres du concile de Calcédoine pour la lettre de S. Leon.

Le pape ne peut exercer une jurisdiction immédiate dans les dioceses des autres évêques, il ne peut établir des délégués qui fassent, sans le consentement des évêques, leurs fonctions.

Il est vrai que le concile de Trente approuve que le pape évoque à soi les causes qu’il lui plaira de juger, ou qu’il commette des juges qui en connoissent en premiere instance ; mais cette discipline qui dépouille les évêques de l’exercice de leur jurisdiction, & les métropolitains de leur prérogative de juge d’appel, n’est point reçue en France : les papes n’y sont point juges