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fin, les sommets des montagnes sont ce qu’il y a de plus défavorable, par rapport à ce qu’une telle situation est plus exposée qu’aucune autre, aux intempéries de toutes sortes.

Les pêches de la meilleure qualité réussissent si rarement en plein vent, qu’on a généralement pris le parti de les mettre en espallier contre des murs garnis de treillage. Si ces murs n’ont que neuf à dix piés de hauteur, ils ne sont propres à recevoir que des pêchers de basse tige, qu’il faudra espacer de quinze à vingt piés, selon la qualité du terrein. Mais si les murs étoient élevés de douze piés & plus, on pourra mettre des demi-tiges de cinq piés entre les premiers pêchers, sans augmenter leur intervalle.

L’automne est la vraie saison de planter les pêchers ; on ne sauroit s’y prendre trop tôt, dans quelque terrein que ce soit. Ainsi dès que la séve sera arrêtée, aux environs du vingt Octobre, il sera aussi avantageux de faire cette plantation, qu’il résultera d’inconvéniens en la suspendant, & encore plus en la différant jusqu’au printems. On se dispensera d’en rapporter ici toutes les raisons qui sont sans nombre, & qui engagent fortement à conseiller, & même à recommander cette diligence.

Pour être sûr d’avoir les bonnes especes de pêches que l’on desire, il faudroit avoir pû les faire élever chez soi ; mais comme chacun ne se trouve pas arrangé pour cela, & qu’on n’est pas toujours en disposition d’attendre la venue de ces arbres, on est forcé le plus souvent de s’en rapporter à autrui. On trouve toutes les bonnes especes aux environs de Paris ; la plûpart à Orléans, & on a commencé à en élever dans presque toutes les provinces du royaume. Il y a souvent de l’inconvénient à tirer ces arbres de loin, faute de prendre quelques précautions, qui ne consisteroient qu’à bien garnir de mousse tout le vuide qui se trouve entre les racines après que les arbres ont été liés en paquets : minutie qu’on trouvera peu digne d’être relevée dans un grand ouvrage comme celui-ci ; mais qui est le seul moyen de conserver la fraîcheur des arbres dans une longue route. Dès qu’ils seront arrivés à leur destination, il ne faudra différer de les planter, qu’au cas qu’il fît un tems de neige ou de gelée, ou bien que les terres fussent trop humides. Il vaudra mieux déposer alors les arbres dans un lieu sain & abrité, après en avoir mouillé modérément les racines. Mais dès que la saison sera convenable, on déballera les arbres ; on rafraîchira les racines en coupant leur extrémité jusqu’au vif. Cette coupe se fera de biais, & en-dessous, de maniere qu’elle puisse porter sur la terre en plaçant l’arbre dans le trou. On ôtera tout le chevelu, & on retranchera toutes les racines qui seront écorcées, rompues, ou viciées ; puis pour former la tête, on coupera toutes les branches latérales de la tige principale, que l’on rabattra en biais à sept ou huit pouces au-dessous de la greffe. On fera ensuite aux places marquées dans le terrein, que l’on suppose préparé d’avance, des trous suffisans pour l’étendue des racines. On y placera les arbres de façon qu’ils soient un peu inclinés vers le mur ; qu’ils en soient éloignés de quatre à cinq pouces ; que la coupe le regarde, & que la greffe puisse excéder de deux ou trois pouces le niveau du sol. On fera jetter autour de l’arbre la terre la plus meuble, la plus légere, & la meilleure que l’on fera entrer avec les doigts entre les racines ; & après que le trou sera rempli & qu’on aura assuré le terrein en appuyant médiocrement le pié autour de l’arbre, on y fera jetter une charge d’eau pour lier la terre aux racines. Mais si la plantation n’a été faite qu’au printems, il faudra envelopper la tige des arbres de grande paille, en couvrir la terre au pié, & arroser le tout modérément chaque semaine dans les tems de hâle & de sécheresse.

Quand on verra que les pêchers commencent à pousser, on découvrira leur tige, & on les laissera aller cette premiere année à leur gré en prenant soin pourtant d’attacher au treillage les nouveaux rejettons, à mesure qu’ils prendront une force & une longueur suffisante.

La culture du pêcher, qui consiste principalement à le tailler, à l’ebourgeonner & à le palisser, fait le point le plus important, & en même tems le plus difficile du jardinage. C’est ici la pierre d’achoppement des jardiniers, c’est le premier trait qui manifeste leur talent, c’est la plus grande perfection de leur art, & la seule sur laquelle il faille les examiner, les suivre, les diriger principalement. La taille des autres arbres fruitiers n’est rien en comparaison de celle du pêcher. Ce n’est pas qu’il ne faille aussi les entendre & les conduire ; mais la grande différence vient de ce qu’on peut réparer les autres fruitiers, quoiqu’ils aient été depuis long-tems négligés ou traites par une main ignorante ; au lieu que si on a néglige ou mal conduit un pêcher seulement pendant une année ou deux, il est presque impossible de le rétablir. Pour discuter suffisamment cet article, il faudroit un examen & un détail qu’on ne peut se promettre dans un ouvrage de cette nature : on se contentera des principaux faits.

Le pêcher veut être soigné & suivi pendant la plus grande partie de l’année ; c’est-à-dire, depuis la chûte des feuilles jusqu’après la récolte du fruit ; il faut à cet arbre des attentions habituelles pour le préserver des intempéries, le conserver dans sa beauté, l’entretenir dans sa force, & pour le faire durer & prospérer. Je suivrai l’ordre des saisons pour indiquer les différens soins de culture qu’on doit employer, & présenter d’un coup d’œil les diverses opérations qui sont nécessaires pour remplir cet objet.

La taille est le premier soin de culture qu’il faille donner au pêcher. Cette culture est même indispensable à son égard, & il faut de plus qu’elle soit exactement ; car si on néglige de tailler cet arbre pendant un an seulement, il se trouve élancé, dégarni, & détérioré au point qu’il n’est souvent pas possible de le rétablir en trois années ; & si on l’a abandonné deux ou trois ans, il n’y a presque plus moyen d’y remédier, ni, à plus forte raison, d’en former un bel arbre. On peut tailler le pêcher depuis la chûte des feuilles jusqu’au premier mouvement de la seve ; mais d’attendre que les arbres soient en fleur, ou que le fruit soit noué pour les tailler, c’est le plus grand abus qui puisse résulter de la négligence du jardinier. On doit commencer par les arbres les plus foibles, & finir par les plus vigoureux. C’est encore une autre abus de croire que les arbres taillés sont plus sujets à être endommagés par les intempéries qui arrivent si ordinairement au retour du printems. On est assez généralement d’accord qu’il n’y a plus d’inconvénient pour les arbres taillés que pour ceux qui ne le sont pas. Avant de faire agir la serpette, on doit dépalisser l’arbre & le nettoyer de toute saleté & des insectes. Il faut ensuite distinguer les jeunes arbres jusqu’à l’âge de six ans, de ceux qui sont dans leur force ou qui sont sur le déclin. On doit en général se régler sur la force de l’arbre pour le retranchement & l’accroissement des branches. Si l’arbre n’a qu’un an, & qu’il n’ait poussé que foiblement, on le réduira à deux branches ou à quatre, également partagées sur les côtés, & on les taillera à cinq ou six pouces. Mais si l’arbre a poussé vigoureusement, on pourra leur laisser jusqu’à huit à dix pouces de longueur. Dans les années suivantes la grande attention doit se porter à tenir la balance de façon que l’un des côtés de l’arbre ne soit pas plus chargé que l’autre. Si l’arbre est foible, il faut le rabatre du milieu ; si la