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été qu’économe ; mais une lésine honteuse, & des rapineries fiscales ternirent sa gloire : il tenoit un registre secret de tout ce que lui valoient les confiscations.

Son historien nous a laissé un trait fort singulier de son avarice. Le comte d’Oxford étoit, de tous les seigneurs de son royaume, celui en qui il avoit le plus de confiance, & qui lui avoit rendu les plus grands services. Un jour le roi étant allé le voir dans la maison de campagne, il le reçut avec toute la splendeur dont il put s’aviser. Quand le roi fut prêt à partir, il vit en haie un grand nombre de gens de livrée magnifiquement vêtus : le comte avoit peut-être oublié que plusieurs actes du parlement défendoient de donner des livrées à d’autres qu’à des domestiques en service, mais le roi n’en avoit point perdu la mémoire. Lorsqu’il apperçut ce grand nombre de gens portant la même livrée : « Mylord, dit-il au comte, j’avois beaucoup oui parler de votre magnificence, mais elle surpasse extrèmement ce qu’on m’en a dit ; tous ces gens-là que je vois en haie sont apparamment vos domestiques ordinaires » ? Le comte qui ne comprit pas le but du roi, répondit en souriant, « qu’il n’avoit pas à sa livrée un si grand nombre de gens : Par ma foi, mylord, répondit le roi brusquement, je vous remercie de votre bonne chere, mais je ne souffrirai point que sous mes propres yeux on viole ainsi mes lois ». Il en coûta quinze cens marcs au comte d’Oxford pour cette contravention. (D. J.)

PEMBROKE-SHIRE, (Géog. mod.) province d’Angleterre, à l’occident de celle de Caermarthen, dans le diocese de Saint-David. Elle est très-fertile, sur-tout à l’est, & la mer l’environne presque de toutes parts. Cette province a 93 milles de tour, & contient environ quatre cens vingt mille arpens, quarante-cinq paroisses, & neuf villes de marché. Il faut remarquer entre ses productions celle de son chauffage appellé culm, qui n’est autre chose que la poussiere du charbon de terre. On pétrit cette poussiere avec un tiers de boue, & elle fait un très-bon feu d’une grande utilité, parce que c’est le meilleur de tous les chauffages pour brûler de la chaux, & pour secher l’orge dont on fait de la bierre. Mais le plus grand avantage de cette province est le port de Milford, Milford-aven, qui semble l’emporter sur tous les ports de l’Europe, pour sa largeur, & la sureté qu’y trouvent les vaisseaux ; il y a seize criques, cinq baies, & treize rades, & doit par cette raison être mis au nombre des raretés du pays.

PEMPHINGODÈS, adj. (Lexicog. medicin.) πεμφιγώδεες πυρετοὶ, fievres distinguées par des flatuosités & des enflures, dans lesquelles on éprouve des vents qui se font sentir au toucher ; ce terme grec a été employé par Hippocrate, & expliqué fort diversement par Galien.

PEMSEY, (Géog. mod.) aujourd’hui Pevinsey, port assez fréquenté dans le comté de Sussex. La chronique saxonne en parle sous les années 1046, 1052, 1087 ; il avoit été donné près de cent ans auparavant à l’abbaye de Saint-Denis en France par le duc Bertold, avec Chicester, Hastings, & les salines qui en dépendoient. Il est sur la côte méridionale de l’Angleterre, & presque vis-à-vis de l’embouchure de la Canche en Ponthieu ; ce n’est plus qu’un bourg avec un petit havre ; mais cet havre est célebre, parce que c’est celui où Guillaume-le-Conquérant fit sa descente pour la conquête de l’Angleterre. (D. J.)

PEN, s. m. (Géog.) suivant Camdem, signifie originairement une haute montagne, qui fut ainsi appellée parmi les anciens Bretons, & même parmi les Gaulois, & c’est de-là que l’on appelle Apennins cette haute & longue chaîne de montagnes, qui

partagent l’Italie dans toute sa longueur. Voyez Montagne.

PENA-GARCIA, (Géog. mod.) petite ville de Portugal, dans la province de Béira. Philippe V. la prit en 1704 ; mais il fut obligé de se retirer à l’approche des alliés. Elle est sur les confins de l’Estramadure espagnole, a six lieues sud-est d’Idanhavelha. Long. 11. 43. lat. 39. 30. (D. J.)

PÉNAL, adj. (Junsprud.) est ce qui a rapport à quelque peine, comme une clause pénale, une loi pénale. Voyez Code pénale, & aux mots Clause & Loi. (A)

Pénal, s. m. (Mesure de grains.) espece de mesure de grains, différente suivant les lieux où elle est située. En Franche-Comté, le pénal est semblable au boisseau de Paris ; à Gray, les huit pénaux font quinze boisseaux de Paris, ce qui est égal à l’ânée de Lyon ; ensorte que le pénal est à-peu-près le double du boisseau de Paris ; à Bourbonne le pénal de froment pese 72 livres poids de marc, de méteil 70, de seigle 68, & d’avoine 58 livres ; on s’y sert aussi du bichet. Savary. (D. J.)

PÉNATES, dieux, (Mythologie & Littérat.) les dieux pénates étoient regardes ordinairement comme les dieux de la patrie ; selon quelques-uns ce sont Jupiter, Junon, & Minerve ; selon d’autres ce sont les dieux des Samothraces, qui étoient appellés divi potes, dieux puissans, ou cabires, qui est la même chose ; car calir en phénicien ou syriaque, signifie puissant, & ces dieux sont Cérès, Proserpine, Minerve, & Pluton ; quelques-uns y ajoutent Esculape & Bacchus.

Les Grecs ont rendu le mot pénates par Πατρῴους, Patriens ; Γενεθλίους, Généthliens ; Κτησίους, Ctésiens ; Μυχίους, Mychiens ; & Ἑρκίους, Herciens, mots qui signifient tous la même chose. Virgile décrit ces pénates herciens dans ces vers du livre II. de l’Enéide :

Ædibus in mediis medioque sub ætheris axe
Ingens ara fuit, juxtaque veterrima laurus
Incumbens aræ, atque umbrâ complexa penates.

« Au milieu du palais, dans un endroit découvert étoit un grand autel, & tout auprès un vieux laurier, qui de son ombre couvroit l’autel & les dieux pénates ».

Denis d’Halicarnasse nous peint les dieux pénates apportés de Troie, tels qu’on les voyoit dans un vieux temple à Rome, près du marché ; c’étoit, dit-il, deux jeunes hommes assis tenant chacun une lance d’un ouvrage fort antique, & avec cette inscription, denates, pour penates ; les anciens, continue-t-il, qui n’avoient pas l’usage de la lettre P, se servoient de la lettre D.

Ciceron distingue trois ordres de dieux pénates, ceux d’une nation, ceux d’une ville, & ceux d’une maison ; en ce dernier sens les dieux pénates ne différoient pas beaucoup des dieux lares ; c’étoient les dieux protecteurs du logis ; on leur donna le nom de pénates, continue le même Ciceron, du mot penu, parce qu’ils veillent à ce qu’il y a de plus secret dans le domestique, ou si l’on aime mieux, parce qu’on les mettoit dans l’endroit le plus retiré de la maison, in penitissimâ ædium parte. Suétone raconte que dans le palais d’Auguste il y avoit un grand appartement pour les dieux pénates, c’est-à-dire pour les dieux lares ; un jeune palmier étant né devant la maison de l’empereur, il le fit apporter dans la cour des dieux pénates, avec ordre qu’on eût grand soin de sa culture ; mais il faut finir par un fait bien plus important.

Il étoit d’abord défendu à Rome d’honorer chez soi des divinités dont la religion dominante n’admettoit pas le culte. Dans la suite les Romains plus éclairés sur les moyens d’aggrandir l’état, y souffrirent