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abrégé par les évêques, lorsqu’ils s’appercevoient que les pénitens méritoient quelque indulgence ; que si le pénitent mouroit pendant le cours de sa pénitence & avant que de l’avoir accomplie, on avoit bonne opinion de son salut, & l’on offroit pour lui le saint sacrifice. Lorsque les pénitens étoient admis à la reconciliation, ils se présentoient à la porte de l’église où le prélat les faisoit entrer & leur donnoit l’absolution solemnelle : alors ils se faisoient faire le poil & quittoient leurs habits de pénitens pour vivre comme les autres fideles ; cette rigueur étoit sagement instituée, parce que, dit saint Augustin, si l’homme revenoit promptement dans son premier état, il regarderoit comme un jeu la chûte du péché.

Dans les deux premiers siecles de l’église le tems de cette pénitence ni la maniere n’étoient pas reglés, mais dans le troisieme on fixa la maniere de vivre des pénitens & le tems de leur pénitence. Ils étoient séparés de la communion des fideles, privés de la participation & même de la vûe des saints mysteres, obligés de pratiquer diverses austérités jusqu’à ce qu’ils reçussent l’absolution. La rigueur de cette pénitence a été si grande en quelques églises, que pour le crime d’idolâtrie, d’homicide, & d’adultere, on laissoit les pécheurs en pénitence pendant le reste de leur vie, & qu’on ne leur accordoit pas même l’absolution à la mort. On se relâcha à l’égard des derniers, mais pour les apostats cette sévérité a duré plus long-tems. Ce point fut résolu du tems de S. Cyprien à Rome & à Carthage, mais on n’accordoit l’absolution à la mort qu’à ceux qui l’avoient demandée étant en santé ; & si par hasard le pénitent revenoit de sa maladie, il étoit obligé d’accomplir la pénitence. Mais jusqu’au sixieme siecle quand les pécheurs après avoir fait pénitence retomboient dans des crimes, ils n’étoient plus reçus au bénéfice de l’absolution & demeuroient en pénitence séparés de la communion de l’église, qui laissoit leur salut entre les mains de Dieu : non que l’on en desespérât, dit saint Augustin, mais pour maintenir la rigueur de la discipline, non desperatione veniæ factum est, sed rigore disciplinæ.

Au reste, les degrés de cette pénitence ne furent entierement reglés que dans le iv. siecle, & n’ont été exactement observés que dans l’église grecque. Les clercs dans les quatorze premiers siecles étoient soumis à la pénitence comme les autres : dans les suivans ils étoient seulement déposés de leur ordre & réduits au rang des laïcs quand ils tomboient dans des crimes pour lesquels les laïcs étoient mis en pénitence. Vers la fin du v. siecle il s’introduisit une pénitence mitoyenne entre la publique & la secrette, laquelle se faisoit pour certains crimes commis dans les monasteres ou dans d’autres lieux en présence de quelques personnes pieuses. Enfin vers le vij. siecle la pénitence publique pour les péchés occultes cessa tout-à-fait. Théodore, archevêque de Cantorbery, est regardé comme le premier auteur de la pénitence secrette pour les péchés secrets en Occident. Vers la fin du viij. siecle on introduisit le rachat ou plûtôt la commutation des pénitences imposées que l’on changeoit en quelques bonnes œuvres, comme en aumônes, en prieres, en pélérinages. Dans le xij. on imagina celle de racheter le tems de la pénitence canonique avec une somme d’argent, qui étoit appliquée au bâtiment d’une église, & quelquefois à des ouvrages pour la commodité publique : cette pratique fut d’abord nommée relaxation ou relâchement, & depuis indulgence. Voyez Indulgence.

Dans le xiij. siecle les hommes s’étant tout-à-fait éloignés de la pénitence canonique, les prêtres se virent contraints à les y exhorter pour les péchés secrets & ordinaires ; car pour les péchés publics & énormes, on imposoit encore des pénitences très-rigoureuses.

Dans le xiv. & le xv. on commença à

ordonner des pénitences très-légeres pour des péchés très-griefs, ce qui a donné lieu à la reformation faite à ce sujet par le concile de Trente, qui enjoint aux confesseurs de proportionner la rigueur des pénitences à l’énormité des cas, & veut que la pénitence publique soit rétablie à l’égard des pécheurs publics. Tertull. de pœnit. S. Cypr. epist. & tract. de lapsis. Laubespine, observ. Morin, de pœnit. Godeau, Hislotre de l’Eglise liv. IV. Fleury, mœurs des Chrét. n. xxv.

Pénitence, dans le Droit canon anglois, se dit d’une punition ecclésiastique que l’on infflige particulierement pour cause de fornication. Voyez Fornication.

Voici ce que les canons prescrivent à cet égard. Celui qui a commis le péché de fornication doit se tenir pendant quelques jours de dimanche dans le porche ou le vestibule de l’église, la tête & les piés nuds, enveloppé dans un drap blanc, avec une baguette blanche en main, se lamentant & suppliant tout le monde de prier Dieu pour lui. Il doit ensuite entrer dans l’église, s’y prosterner, & baiser la terre, & enfin placé au milieu de l’église sur un endroit élevé, il doit déclarer l’impureté de son crime scandaleux aux yeux des hommes & détestable aux yeux de Dieu.

Si le crime n’est pas de notoriété publique, les canons permettent de commuer la peine à la requête de la partie en une amende pécuniaire au profit des pauvres.

Pénitence, chez les Juifs, nommée thejourtha, nom qui signifie changement ou conversion. La véritable pénitence doit être, selon eux, conçue par l’amour de Dieu, & suivie de bonnes œuvres. Ils faisoient une confession le jour des expiations, ou quelque tems auparavant. Ils imposoient des pénitences reglées pour les péchés, & ils ont chez eux des pénitenciels qui marquent les peines qu’il faut imposer aux pécheurs ; lorqu’ils viennent confesser leurs péchés. Cette confession est d’obligation parmi eux ; on la trouve dans les cérémonies du sacrifice pour le péché : celui qui l’offroit confessoit son péché, & en chargeoit la victime. Ils reconnoissoient un lieu destiné à la purification des ames après la mort ; on offroit des sacrifices pour elles, maintenant ils se contentent de simples prieres. Ainsi parmi les péchés ils en distinguent de deux sortes, les uns qui se pardonnent dans l’autre vie, les autres qui sont irrémissibles. Josephe nous apprend que les Pharisiens avoient une opinion particuliere là-dessus. Ils enseignoient que les ames des gens de bien, au sortir d’un corps, entroient dans un autre, mais que celles des méchans alloient d’abord dans l’enfer. Hérode le tetrarque, prévenu de ce sentiment, croyoit que l’ame de saint Jean, qu’il avoit fait mourir, étoit passée dans la personne de Jesus-Christ. Le P. Morin, de pœnitentiâ, le pere Lamy de l’Oratoire, introduction à l’Ecriture-sainte. Voyez Expiation, Resurrection, Sacrifice.

PÉNITENCERIE, s. f. (Jurisprud.) est de deux sortes ; la pénitencerie de Rome, camera pœnitentiaria, est l’office, tribunal ou conseil de la cour de Rome, dans lequel s’examinent & se délivrent les bulles, brefs ou graces & dispenses secrettes qui regardent les fautes cachées, & par rapport au for intérieur de la conscience, soit pour l’absolution des cas reservés au pape, soit pour les censures, soit pour lever les empêchemens de mariages contractés sans dispense.

Les expéditions de la pénitencerie se font au nom du pape ; elles sont scellées en cire rouge, & s’envoient cachetées à un docteur en Théologie, approuvé par l’évêque pour entendre les confessions ; mais sans en