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d’ancienneté. Outre le zend, on dit que Zoroastre avoit encore écrit dans son traité quelques centaines de milliers de vérités sur différens sujets.

Des oracles de Zoroastre. Il nous en reste quelques fragmens qui ne font pas grand honneur à l’anonyme qui les a fabriqués ; quoiqu’ils ayent eu de la réputation parmi les platoniciens de l’école d’Alexandrie, c’est qu’on n’est pas difficile sur les titres qui autorisent nos opinions. Ces philosophes n’étoient pas fâchés de retrouver quelques-unes de leurs idées dans les écrits d’un sage aussi vanté que Zoroastre.

Du mage Hystaspe. Cet Hystaspe est le pere de Darius ; il se fit chef des mages. Il y eut là-dedans plus de politique que de religion. Il doubla son autorité sur les peuples en réunissant dans sa personne les titres de pontife & de roi. L’inconvénient de cette réunion, c’est qu’un seul homme ayant à soutenir deux grands caracteres, il arrive souvent que le roi deshonore le pontife, ou que le pontife rabaisse le roi.

D’Ostanès ou d’Otanès. On prétend qu’il y eut plusieurs mages de ce nom, & qu’ils donnerent leur nom à la secte entiere qui en fut appellée ostanite. On dit qu’Ostanès ou Otanès cultiva le premier l’Astronomie chez les Perses. On lui attribue un livre de chimie. Ce fut lui qui initia Démocrite aux mysteres de Memphis. Il n’y a que le rapport des tems qui contredise cette fable.

Du mot mage. Ceux qui le dérivent de l’ancien mot mog, qui dans la Perse & dans la Médie signifioit adorateur ou prêtre du feu, en ont trouvé l’étymologie la plus vraissemblable.

De l’origine du magianisme. Cette doctrine étoit établie dans l’empire de Babylone & d’Assyrie, & chez d’autres peuples de l’orient long-tems avant la fondation des Perses. Zoroastre n’en fut que le restaurateur. Il faut en conclure de-là l’extrème ancienneté.

Du caractere d’un mage. Ce fut un théologien & un philosophe. Un mage naissoit toujours d’un autre mage. Ce fut dans le commencement une seule famille peu nombreuse qui s’accrut en elle-même ; les peres se marioient avec leurs filles, les fils avec leurs meres, les freres avec leurs sœurs. Epars dans les campagnes, d’abord ils n’occuperent que quelques bourgs ; ils fonderent ensuite des villes, & se multiplierent au point de disputer la souveraineté aux monarques. Cette confiance dans leur nombre & leur autorité les perdit.

Des classes des mages. Ils étoient divisés en trois classes. Une classe infime attachée aux services des temples ; une classe supérieure qui commandoit à l’autre ; & un archimage qui étoit le chef de toutes les deux. Il y avoit aussi trois sortes de temples ; des oratoires où le feu étoit gardé dans une lampe ; des temples où il s’entretenoit sur un autel ; & une basilique, le siege de l’archimage, & le lieu où les adorateurs alloient faire leurs grandes dévotions.

Des devoirs des mages. Zoroastre leur avoit dit : Vous ne changerez ni le culte, ni les prieres. Vous ne vous emparerez point du bien d’autrui. Vous fuirez le mensonge. Vous ne laisserez entrer dans votre cœur aucun desir impur ; dans votre esprit aucune pensée perverse. Vous craindrez toute souillure. Vous oublierez l’injure. Vous instruirez les peuples. Vous présiderez aux mariages. Vous fréquenterez sans cesse les temples. Vous méditerez le zendavesta : ce sera votre loi, & vous n’en reconnoîtrez point d’autre : & que le ciel vous punisse éternellement, si vous souffrez qu’on le corrompe. Si vous êtes archi-mage, observez la pureté la plus rigoureuse. Purifiez-vous de la moindre faute par l’ablution. Vivez de votre travail. Recevez la dixme des peuples. Ne soyez ni ambitieux, ni vain. Exercez les œuvres de la miséricorde ; c’est le plus noble emploi que vous puissiez faire

de votre richesse. N’habitez pas loin des temples, afin que vous puissiez y entrer sans être apperçu. Lavez-vous souvent. Soyez frugal. N’approchez point de votre femme les jours de solemnité. Surpassez les autres dans la connoissance des sciences. Ne craignez que Dieu. Reprenez fortement les méchans : de quelque rang qu’ils soient, n’ayez aucune indulgence pour eux. Allez porter la vérité aux souverains. Sachez distinguer la vraie révélation de la fausse. Ayez toute confiance dans la bonté divine. Attendez le jour de sa manifestation ; & soyez-y toujours préparé. Gardez soigneusement le feu sacré ; & souvenez-vous de moi jusqu’à la consommation des siecles, qui se fera par le feu.

Des sectes des mages. Quelque simple que soit un culte, il est sujet à des hérésies. Les hommes se divisent bien entr’eux sur des choses réelles, comment s’accorderoient-ils long-tems sur des objets imaginaires ? Ils sont abandonnés à leur imagination, & il n’y a aucune expérience qui puisse les réunir. Les mages admettoient deux principes, un bon & un mauvais ; l’un de la lumiere, l’autre des ténebres : étoient-ils co-éternels ? Ou, y avoit-il priorité & postériorité dans leur existence ? Premier objet de discussion ; premiere hérésie ; premiere cause de haine, de trahison & d’anathème.

De la philosophie des mages. Elle avoit pour objet Dieu, l’origine du monde, la nature des choses, le bien, le mal, & la regle des devoirs. Le système de Zoroastre n’étoit pas l’ancien ; cet homme profita des circonstances pour l’altérer, & faire croire au peuple tout ce qu’il lui plut. La distance des terres, les mensonges des grecs, les fables des arabes, les symboles & l’emphase des orientaux, rendent ici la matiere très-obscure.

Des dieux des Perses. Ces nations adoroient le soleil ; ils avoient reçu ce culte des Chaldéens & des Assyriens. Ils appelloient ce dieu Mithras ; ils joignoient à Mithras Orosmade & Arimane.

Mais il faut bien distinguer ici la croyance des hommes instruits, de la croyance du peuple. Le soleil étoit le dieu du peuple ; pour les théologiens ce n’étoit que son tabernacle.

Mais en remontant à l’origine, Mithras ne sera qu’un de ces bienfaiteurs des hommes, qui les rassembloient, qui les instruisoient, qui leur rendoient la vie plus supportable & plus sûre, & dont ils faisoient ensuite des dieux. Celui des peuples d’Orient s’appelloit Mithras. Son ame au sortir de son corps s’envola au soleil, & de-là le culte du soleil, & la divinité de cet astre.

On n’a qu’à jetter les yeux sur les symboles de Mithras pour sentir toute la force de cette conjecture. C’est un homme robuste ; il est ceint d’un cimetere ; il est couronné d’une tiarre ; il est assis sur un taureau, il conduit l’animal féroce, il le frappe, il le tue. Quels sont les animaux qu’on lui sacrifie ? des chevaux. Quels compagnons lui donne-t-on ? des chiens.

L’histoire d’un homme défiguré, est devenue un système de religion. Rien ne peut subsister entre les hommes sans s’altérer ; il faut qu’un système de religion, fût-il révélé, se corrompe à la longue, à moins qu’une autorité infaillible n’en assure la pureté. Supposons que Dieu se montrât aux hommes sous la forme d’un grand spectre de feu, qu’élevé au-dessus du globe qui tourneroit sous ses piés, les hommes l’écoutassent en silence, & que d’une voix forte il leur dictât ses lois, croit-on que ses lois subsisteroient incorruptibles ? croit-on qu’il ne vînt pas un tems où l’apparition même se révoquât en doute ? Il n’y a que le séjour constant de la divinité parmi nous, ou par ses miracles, ou par ses prophetes, ou par un représentant infaillible, ou par la voix de la conscience, ou