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trop exactement en Peinture : or des personnages allégoriques employés comme acteurs dans une composition historique, doivent en altérer la vraissemblance. Du Bos, reflexions sur la Peinture. (D. J.)

PERSONNALISER, v. act. (Grammaire.) c’est donner un corps, une ame, du mouvement, de l’action, des discours à des êtres métaphysiques qui n’existent que dans l’entendement, ou qui sont inanimés dans la nature. C’est la ressource des Poëtes & des Peintres. On dit aussi personnifier. Je permets plus volontiers cette machine aux Poëtes qu’aux Peintres. Les êtres personnifiés répandent de l’obscurité dans les compositions de la Peinture.

PERSONNALITÉ, s. f. (Gramm.) terme dogmatique ; ce qui constitue un individu dans la qualité de personne.

Personnalité, s. f. (Gramm.) mots injurieux, adressés à la personne même ; réflexions sur des défauts qui sont en elle.

PERSONNAT, s. m. (Jurisprud.) est un bénéfice auquel il y a quelque prééminence attachée, mais sans jurisdiction, à la différence des dignités ecclésiastiques qui ont tout-à-la-fois prééminence & jurisdiction : ainsi la place de chantre d’une église cathédrale ou collégiale, est ordinairement un personnat, parce qu’elle n’a qu’une simple prééminence sans jurisdiction ; que si le chantre a jurisdiction dans le chœur, alors c’est une dignité. Voyez le recueil de Drapier, tome I. ch. ij. n. 10. Voyez Bénéfice, Dignité, Office. (A)

PERSONNE, s. f. (Grammaire.) Il y a trois relations générales que peut avoir à l’acte de la parole le sujet de la proposition ; car ou il prononce lui-même la proposition dont il est le sujet, ou la parole lui est adressée par un autre, ou il est simplement sujet sans prononcer le discours & sans être apostrophé. Dans cette proposition, je suis le Seigneur ton Dieu (Exod. xx. 2.), c’est Dieu qui en est le sujet, & à qui il est attribué d’être le Seigneur Dieu d’Israël ; mais en même tems c’est lui qui produit l’acte de la parole qui prononce le discours : dans celle-ci (Ps. l.), Dieu, ayez pitié de moi selon votre grande miséricorde, c’est encore Dieu qui est le sujet, mais ce n’est pas lui qui parle, c’est à lui que la parole est adressée : enfin, dans celle-ci (Eccli. xvij. 1.), Dieu a créé l’homme de terre & l’a fait à son image, Dieu est encore le sujet, mais il ne parle point, & le discours ne lui est point adressé.

Les Grammairiens latins ont donné à ces trois relations générales le nom de personnes. Le mot latin persona signifie proprement le masque que prenoit un acteur, selon le rôle dont il étoit chargé dans une piece de theatre ; & ce nom est dérive de sonare, rendre du son, & de la particule ampliative per, d’où personare, rendre un son éclatant : Bassius, dans Aulu-Gelle, nous apprend que le masque étoit construit de maniere que toute la tête en étoit enveloppée, & qu’il n’y avoit d’ouverture que celle qui étoit nécessaire à l’émission de la voix ; qu’en conséquence tout l’effort de l’organe se portant vers cette issue, les sons en étoient plus clairs & plus résonnans : ainsi l’on peut dire que sans masque, vox sonabat, mais qu’avec le masque, vox personabat ; & de-là le nom de persona donné à l’instrument qui facilitoit le retentissement de la voix, & qui n’avoit peut-être été inventé qu’à cette fin, à cause de la vaste étendue des lieux où l’on représentoit les pieces dramatiques. Le même nom de persona sut employé ensuite pour exprimer le rôle même dont l’auteur étoit chargé ; & c’est une métonymie du signe pour la chose signifiée, parce que la face du masque étoit adaptée à l’âge & au caractere de celui qui étoit censé parler, & que quelquefois c’étoit son portrait même : ainsi le masque étoit un signe non-équivoque du rôle.

C’est dans ce dernier sens, de personnage ou de rôle, que l’on donne en Grammaire le nom de personnes aux trois relations dont on vient de parler, parce qu’en effet ce sont comme autant de rôles accidentels dont les sujets se revêtent, suivant l’occurrence, dans la production de la parole qui est la représentation sensible de la pensée. On appelle premiere personne, la relation du sujet qui parle de lui-même : seconde personne, la relation du sujet à qui l’on parle de lui-même : & troisieme personne, la relation du sujet dont on parle, qui ne prononce ou qui n’est pas censé prononcer lui-même le discours, & à qui il n’est point adressé.

On donne aussi le nom de personnes aux différentes terminaisons des verbes, qui indiquent ces relations, & qui servent à mettre les verbes en concordance avec le sujet considéré sous cet aspect : ego amo, tu amas, Petrus amat, voilà le même verbe avec les terminaisons relatives aux trois différentes personnes pour le nombre singulier ; nos amamus, vos amatis, milites amant, le voilà dans les trois personnes pour le nombre pluriel.

Il y a donc en effet quelque différence dans la signification du mot personne, selon qu’il est appliqué au sujet du verbe ou au verbe même. La personne, dans le sujet, c’est sa relation à l’acte de la parole ; dans le verbe, c’est une terminaison qui indique la relation du sujet à l’acte de la parole. Cette différence de sens doit en mettre une dans la maniere de s’expliquer, quand on rend compte de l’analyse d’une phrase ; par exemple, nos autem viri fortes satisfecisse videmur : il faut dire que nos est de la premiere personne du pluriel, & que videmur est à la premiere personne du pluriel. De indique quelque chose de plus propre, de plus permanent ; à marque quelque chose de plus accidentel & de moins nécessaire. Il faut dire, par la même raison, qu’un nom est de tel genre, par exemple, du genre masculin, & qu’un adjectif est à genre, au genre masculin : le genre est fixe dans les noms, & leur appartient en propre ; il est variable & accidentel dans les adjectifs.

Comme la différence des personnes n’opere aucun changement dans la forme des sujets, & qu’elle n’influe que sur les terminaisons des verbes, cela a fait croire au contraire à Sanctius (Minerv. j. 12.), que les verbes seuls ont des personnes, & que les noms n’en ont point, sed sunt alicujus personæ verbalis. Il devoit donc raisonner de même sur les genres à l’égard des noms & des adjectifs, & dire que les noms n’ont point de genres, puisque leurs terminaisons sont invariables à cet égard, & qu’ils sont propres aux adjectifs, puisqu’ils en font varier les terminaisons. Cependant, par une contradiction surprenante dans un homme si habile, il a pris une route toute opposée, & a regardé le genre comme appartenant aux noms a l’exclusion des adjectifs, quoique l’influence des genres sur les adjectifs soit la même que celle des personnes sur les verbes. Mais outre la contrariété des deux procédés de Sanctius, il n’a trouvé la vérité ni par l’un ni par l’autre. Les genres sont, par rapport aux noms, différentes classes dans lesquelles les usages des langues les ont distribués ; & par rapport aux adjectifs, ce sont différentes terminaisons adaptées à la différence des classes de chacun des noms aux quels on peut les rapporter. Pareillement les personnes sont, dans les sujets, des points de vûe particuliers sous lesquels il est nécessaire de les envisager ; & dans les verbes, ce sont des terminaisons adaptées à ces divers points de vûe en vertu du principe d’identité. Voyez Genre & Identité.

De-là vient que comme les adjectifs s’accordent en genre avec les noms leurs correlatifs, les verbes s’accordent en personne avec leurs sujets : si un adjectif se rapporte à des noms de différens genres, on le met au