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gravées, que dans les médailles ; la raison en est bien simple, nous avons moins de sujets de comparaison, & l’un ne se multiplie pas comme l’autre : néanmoins si l’on regarde dans le recueil des pierres gravées du roi, que M. Mariette a donné au public avec tant de soin, les numeros 95, 102 & 112, l’on verra que les anciens n’ignoroient pas l’art de marquer la dégradation dans les figures, suivant l’endroit du plan où elles sont placées. La fameuse pierre connue sous le nom de cachet de Michel Ange, suffiroit seule pour le justifier. Il résulte invinciblement de tout ce discours que les anciens ont connu la perspective, & qu’il n’étoit pas possible qu’ils l’ignorassent. Mais il faut lire les mémoires même de M. l’abbé Sallier & de M. de Caylus sur cette matiere ; ils sont insérés dans le recueil de littérature, tom. VIII. & XXIII. l’en ai tiré tout l’usage que me permettoit ce Dictionnaire pour l’étendue d’un article. (Le Chevalier de Jaucourt.)

Perspective militaire, (Fortific.) c’est l’art de dessiner sur un plan un objet tel qu’il se présente à l’œil, placé à une certaine hauteur & à une certaine distance, & vû sur un tableau transparent, qu’on met entre l’œil & l’objet. Exemple, soit un pentagone ABDEF, entre lequel & l’œil C est élevé perpendiculairement le tableau VP sur le plan horisontal HR. En s’imaginant que de tous les points passent des rayons dans l’œil par le tableau, comme CA, CB, CD, &c. & qu’ils laissent sur le tableau VP, de façon que les rayons qui en sortent vers l’œil, feront le même effet que si le pentagone ABDEF y étoit réellement. La perspective enseigne donc la maniere de trouver par des regles géometriques, les points ABDEF sur le tableau VP ; c’est-à-dire à dessiner un objet suivant qu’il se présente à la vûe, eu égard à la distance & à la position de l’œil. Quoique pour établir ces regles on ait écrit des volumes entiers, on peut cependant les renfermer dans peu de principes. (D. J.)

PERSPICACITÉ, s. f. (Gramm.) pénétration prompte & subite ; c’est une qualité qui n’accompagne pas toujours la vivacité de l’esprit, quoiqu’elle la suppose. La perspicacité s’exerce sur les choses difficiles à démêler.

PERSPICUITÉ, s. f. (Gramm.) clarté, netteté d’idées & de discours ; c’est une qualité essentielle d’un auteur ou d’un orateur. Sans elle, il fatiguera ceux qui l’écouteront, & ses écrits auront besoin d’un commentaire. Ce mot est emprunté de la transparence ou de l’air, ou de l’eau, ou du verre.

PERSUADER, SUGGÉRER, INSINUER, (Synon.) l’abbé Girard a parfaitement developpé la différence de ces trois mots. On insinue finement & avec adresse. On persuade fortement, & avec éloquence. On suggere par crédit, & avec artifice.

Pour insinuer, il faut ménager le tems, l’occasion, l’air & la maniere de dire les choses. Pour persuader, il faut faire sentir les raisons & l’avantage de ce qu’on propose. Pour suggérer, il faut avoir acquis de l’ascendant sur l’esprit des personnes.

Insinuer, dit quelque chose de plus délicat. Persuader, dit quelque chose de plus pathétique. Suggérer, emporte quelquefois dans sa valeur quelque chose de frauduleux.

On couvre habilement ce qu’on veut insinuer. On propose nettement ce qu’on veut persuader. On fait valoir ce qu’on veut suggérer.

On croit souvent avoir pensé de soi-même ce qui a été insinué par d’autres. Il est arrivé plus d’une fois qu’un mauvais raisonnement a persuadé des gens qui ne s’étoient pas rendus à des preuves convaincantes & démonstratives. La société des personnes, qui ne peuvent & n’agissent qu’autant qu’elles sont suggérées par leurs domestiques, ne peut pas être d’un goût bien délicat. (D. J.)

PERSUASION, s. f. (Gram.) c’est l’état de l’ame considéré relativement à la vérité ou la fausseté d’un fait ou d’une proposition, à sa vraissemblance ou à son défaut de vraissemblance, à sa possibilité ou à son impossibilité ; c’est le jugement sincere & intérieur qu’elle porte de ces choses. Après l’examen, on peut être persuadé d’une chose fausse ; mais celle dont on est convaincu est toujours vraie. La conviction est l’effet de l’évidence qui ne trompe jamais. La persuasion est l’effet des preuves morales qui peuvent tromper. La conviction, non plus que l’évidence ne sont pas susceptibles de plus ou de moins. Il n’en est pas ainsi de la persuasion, elle peut être plus ou moins forte. La persuasion excuse souvent l’action. Les anciens avoient fait de la persuasion une déesse ; c’étoit la patrone des Poëtes & des Orateurs.

PERTE, voyez l’article Perdre.

Perte, dans le commerce, dommage que l’on souffre, diminution de bien & de profit. Les banqueroutes sont quelquefois occasionnées par la mauvaise conduite des négocians, & souvent aussi par les pertes inopinées qui leur surviennent. Voyez Banqueroute.

Vendre sa marchandise, donner sa marchandise à perte, c’est la vendre à moins qu’elle ne coute. Dictionnaire de Commerce.

Perte, s. f. (Hydraul.) est bien différente d’une faute dans une conduite d’eau ; elle arrive quand on ne connoît point sur la superficie de la terre les endroits où l’eau se perd : alors on est obligé de découvrir entierement une conduite pour l’examiner d’un bout à l’autre, & remédier aux fautes & fraîcheurs que l’on apperçoit le long des tuyaux. (K)

PERTEGUES ou PERTIGUELTES, s. m. plur. (Marine.) bâtons qui portent avec la fleche une piece d’étoffe qu’on appelle tendelet, & qui sert à couvrir la poupe d’une galere, contre le soleil & contre la pluie.

PERTH, (Géog. mod.) ville d’Ecosse, capitale du comté du même nom, sur la riviere de Tay, à 10 lieues N. E. d’Edimbourg, 119 N. par O. de Londres. Long. 14. 35. lat. 50. 40. (D. J.)

PERTHSHIRE, (Géog. mod.) province d’Ecosse, au sud & à l’est d’Athol. Elle se divise en deux parties ; l’une qui porte proprement le nom de Perth, & l’autre celui de Gowri. Perth est au midi, & Gowri au nord de Perth. (D. J.)

PERTICA, s. f. (Phys.) nom que les anciens auteurs donnent à une espece de comete, qu’ils appellent autrement véru, broche, parce qu’elle est semblable à une perche ou à une broche par sa figure.

Pertica, (Antiq. rom.) Les Romains se servoient de la perche pertica, pour partager les terres dans l’établissement des nouvelles colonies, ou lorsqu’après avoir chassé les anciens habitans d’une contrée dont ils s’étoient rendus maitres ; ils vendoient à l’enchere les terres après en avoir fait la division. Properce appelle ce partage tristis pertica avec raison, puisque les anciens propriétaires se voyoient dépouillés de leurs biens.

Nam tua cum multis versarem arva juvencis,
Abstulit exultas pertica tristis opes.

Le mot pertica signifioit non-seulement ce bâton long de dix piés, dont on mesuroit les terres, mais encore le fonds mesuré & confiné, comme nous l’apprenons de Siculus Flaccus, de Frontin, & de plusieurs autres que Cæsius a recueillis, & qu’il a expliqué par des notes très-nécessaires pour leur intelligence. (D. J.)

PERTINENT, adj. (Jurisprud.) se dit d’un fait articulé qui vient bien à la chose & dont la preuve est admissible ; quand le fait n’est pas de cette nature, on dit qu’il est impertinent & inadmissible. (A)