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pays bordelois, en leurs noms, & pour les autres pays de la Guienne qui étoient en l’obéissance des Anglois.

Par le vingtieme article de ce traité, il étoit dit que le roi sera content qu’en ladite cité de Bordeaux il y ait justice souveraine, pour connoître, discuter, & terminer définitivement de toutes les causes d’appel qui se feront en ce pays, sans que ces appels, par simple querelle ou autrement, soient traduits hors de ladite cité : cet article est celui que Joly & plusieurs autres auteurs regardent comme l’institution du parlement de Bordeaux.

Les commissaires du roi promirent de tenir cet article & autres qui y sont joints ; & le roi aimant mieux réduire le pays de Guienne sous son obéissance par traité amiable, que d’y procéder par la voie des armes, ratifia ce traité par les lettres du 20 Juin 1451.

Le mandement qu’il donne à la fin de ces lettres pour leur exécution, est adressé à nos amés & féaux conseillers, les gens tenans & qui tiendront notre parlement & cour souveraine, aux sénéchaux de Guienne, &c. ce qui suppose qu’il y avoit déja un parlement établi à Bordeaux, & qu’il n’y avoit été établi que par les Anglois, puisque les habitans de Bordeaux mettoient dans leurs articles que le roi approuveroit qu’il y eût une justice souveraine dans cette ville.

Cependant l’on ne voit point que ces lettres aient été publiées & enregistrées dans ce parlement ; on trouve seulement qu’elles le furent en la sénéchaussée de Guienne, à la requête du procureur & syndic de la cité de Bordeaux, le 12 Février 1451 ; & dans cette publication il n’est point parlé du parlement.

Le traité de 1451 n’eut point d’exécution, attendu la rebellion que firent les Bordelois l’année suivante 1452, au moyen de quoi le parlement que l’on avoit accordé à la ville de Bordeaux n’eut pas lieu alors, ou, s’il y fut établi de l’autorité de Charles VII. en tout cas ce parlement ne subsista pas long-tems, & fut supprimé presque aussi-tôt qu’il avoit été établi.

Le parlement de Paris reprit la connoissance des appellations interjettées des sénéchaussées du pays de Guienne, il y tint même de tems-en-tems ses grands jours depuis le 2 Septembre 1456 jusqu’au mois de Septembre 1459, ainsi qu’on le voit au dépôt du greffe en chef civil du parlement de Paris, dans lequel il se trouve deux registres contenans ces grands jours.

Ducange, en son glossaire au mot parlamentum burdigalense, après avoir dit que ce parlement fut d’abord institué par Charles VII. en 1451, ajoute qu’ensuite il fut érigé, erectum fuit, au mois de Mai 1460. La Rocheflavin dit la même chose, & l’un & l’autre remarquent qu’on lui assigna alors pour le lieu de ses séances le château de Lomberieres, ainsi appellé à cause de l’ombrage des arbres qui l’environnoient, & qui étoit la demeure des anciens ducs d’Aquitaine ; mais Ducange suppose que les Bordelois s’étant révoltés, & la ville ayant été reprise, tout ce pays demeura compris dans le ressort du parlement de Paris, jusqu’à ce que Louis XI. à la priere des trois états de Guienne, rétablit le parlement de Bordeaux suivant les lettres du 10 Juin 1462.

Il paroît que cet auteur a entendu parler de la rébellion qui arriva en 1452.

La Rocheflavin dit que Charles VII. étant mort, Louis XI. à l’instante poursuite des états de Guienne, confirma l’institution de ce parlement par des lettres données à Chinon le 12 Juin 1462.

Ce qui est de certain, c’est que le parlement de Bordeaux fut alors rétabli par Louis XI. suivant les lettres rapportées par Chopin en son traité du domaine, liv. II. tit. xv. n. 7. Par ces lettres qui sont en latin, & qui ont été extraites des registres de ce parlement, le roi l’institue, établit & ordonne, il le qualifie curia nostra parlamenti in civitate burdigalensi ; il spécifie

que ce n’est pas seulement pour cette ville, mais aussi pour les pays & sénéchaussées de Gascogne, d’Aquitaine, des Lannes, d’Agenois, Bazadois, Périgord, Limosin ; il met cette clause, pour tant qu’il nous plaira, quandiù nostræ placuerit voluntati ; il ordonne que les sénéchaussées, bailliages & autres jurisdictions de ces pays, auront leur ressort & dernier recours, ultimum refugium, en ce parlement.

Il est dit que ce parlement commencera sa premiere séance le lendemain de saint Martin lors prochain ; qu’il sera tenu par un président laïc, & par un certain nombre de conseillers, tant clercs que laïcs, deux greffiers, & quatre huissiers, ostiarios.

Il donne à ce parlement le même pouvoir & la même autorité qu’avoit celui de Paris dans ces pays.

L’ouverture de ce parlement fut faite par Jean Tudert, premier président, le lendemain de saint Martin de la même année. Entre les conseillers qui furent alors reçus, on remarque l’archevêque de Bordeaux, lequel fut reçu en vertu de lettres comme les autres ; & après son décès l’évêque d’Acqs eut de semblables lettres le 3 Novembre 1467. Cependant depuis long-tems les archevêques de Bordeaux sont conseillers-d’honneur-nés au parlement, avec séance & voix délibérative. Ce droit leur fut accordé par un édit du 20 Février 1553. On trouve aussi au nombre des premiers conseillers Blaise de Grelé, que l’on croit être de l’ancienne famille des Grelys, prédécesseurs des comtes de Candale, d’où ces comtes prétendoient tirer la qualité de conseillers-nés dans ce parlement ; mais cela n’a plus lieu depuis long-tems.

Le parlement fut donc d’abord établi à Bordeaux en 1462 ; mais comme, le 29 Avril 1469, Louis XI. fut obligé de céder la Guienne à Charles, duc de Berry, son frere, à titre d’apanage ; & que les parlemens ne peuvent pas tenir leurs séances dans les terres possédées à titre d’apanage ; Louis XI. au mois de Novembre suivant, transféra le parlement de Bordeaux à Poitiers, où ce parlement tint ses séances jusqu’à la réunion de l’apanage. Après la mort de Charles, arrivée le 12 Mai 1472, le parlement qui étoit à Poitiers, fut alors de nouveau établi à Bordeaux.

Depuis ce tems, il a aussi quelquefois tenu ses séances en plusieurs autres lieux successivement.

Le 8 Mars 1464, il tenoit ses séances à Saint-Jean-d’Angely, suivant un enregistrement de ce jour où il est dit qu’il y fut tenu certis in causis.

En 1473, la peste fut si violente à Bordeaux, que le parlement se tint à Libourne pendant les mois de Décembre, Janvier & Février.

En 1497, la peste l’obligea pareillement de tenir ses séances pendant quelques mois à Bergerac.

La chronique bordeloise fait mention qu’en 1501 il se tint à Saint-Emylion ; elle ne dit pas la cause de ce déplacement.

Dans le cours de l’année 1515, & pendant une partie de l’année suivante, il fut de nouveau transféré à Libourne à cause de la peste.

Le supplément de la chronique bordeloise fait mention qu’il y étoit pareillement en 1528.

Il se tint encore à Libourne pour la même cause, depuis le premier Août 1546 jusqu’au 18 Janvier 1547.

En 1549, il fut interdit de ses fonctions à l’occasion d’une émotion populaire qui étoit arrivée à Bordeaux pour la gabelle du sel ; & en la place des officiers de ce parlement, le roi envoya le 22 Mai des conseillers du parlement de Paris, & de ceux de Toulouse & de Rouen, pour tenir le parlement à Bordeaux, qu’il composa de deux chambres, l’une pour le civil, l’autre pour le criminel. Mais le 22 Mai de la même année, le roi inclinant aux remontrances de la ville, ré-