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soient & s’évaluoient les payemens au commencement de ce siecle. (D. J.)

Philippes, bataille de, (Hist. rom.) cette bataille se donna l’an 712 de Rome sur la fin de l’automne. Brutus & Cassius les derniers Romains y périrent, & leurs troupes furent entierement défaites par celles d’Octavien. Cette ville de Philippes étoit de Phthiotide, petite province de Thessalie ; & c’est une chose assez remarquable, que la bataille de Pharsale & celle de Philippes qui porta le dernier coup à la liberté des Romains, se soient données dans le même pays & dans les mêmes plaines.

Philippes, (Géog. anc.) en latin Philippi, ville de la Macédoine, selon quelques-uns, & de la Thrace, selon le plus grand nombre, entre le Strymon & le Nestus ou Nessus, assez proche de la mer. Pline, l. IV. c. xj. Pomponius Mela, l. II. c. ij. & d’autres anciens Géographes ont eu raison de mettre Philippi dans la Thrace, parce qu’elle étoit à notre égard au-delà du fleuve Strymon qui sépare la Macédoine proprement dite, d’avec la Thrace.

Avant que Philippe la fortifiât, elle se nommoit Dathos, & auparavant encore on la nommoit Crénides, selon Appien, civil. l. IV. p. 650, qui nous apprend qu’elle étoit située sur une colline escarpée, dont elle occupoit tout le sommet. Les Romains y établirent une colonie. Le titre de colonie lui est donné dans les Actes des apôtres, c. xvj. vers. 12. & dans Pline, l. IV. c. xj. de même dans plusieurs médailles. Aujourd’hui cette ville s’appelle Philippigi, & conserve encore quelques restes d’antiquités.

Elle est célebre à d’autres égards, & particulierement dans le Christianisme par l’épître que S. Paul adressa à ses habitans. Elle est encore bien mémorable dans l’histoire par la bataille qui s’y donna l’an de Rome 712, & qui fut fatale à Brutus & à Cassius, cum fracta virtus, & minaces turpe solum tetigere mento, dit Horace ; cette bataille où la valeur même fut contrainte de céder à la force. Cassius périt dans cette malheureuse journée, & Brutus s’y donna la mort, desespérant trop-tôt du salut de sa patrie.

Comme l’occasion se présentera de peindre ailleurs le caractere de Brutus, je me contenterai de rapporter ici ce que César en augura dans la conjoncture suivante. Le roi Déjotarus eut une grande affaire à Rome, dont personne n’osoit entreprendre la défense ; Brutus s’en chargea, & César l’ayant entendu plaider cette cause dont il étoit juge, dit en se retournant vers ses amis : « Il est de la derniere importance d’examiner si ce que cet homme-là veut est juste ou non, car ce qu’il veut, il le veut bien fort ». Le roi de la petite Arménie n’oublia jamais le service de Brutus ; il se déclara hautement en sa faveur aptes l’assassinat de César, mais malheureusement pour Brutus, ce prince ne survécut guere lui-même à cet événement. (D. J.)

PHILIPPEVILLE, (Géog. mod.) petite ville de France dans le Hainaut, sur une hauteur auprès des ruisseaux de Jaimagne & de Bridon, à 6 lieues N. O. de Charlemont, à 3 N. de Marienbourg, à 10 S. E. de Mons, & à 56 de Paris. Ce n’étoit autrefois qu’un bourg, nommé Corbigni, que Marie, reine d’Hongrie, sœur de Charles-Quint, fit fortifier en 1555, & qu’elle nomma Philippeville, en l’honneur de Philippe II. roi d’Espagne, son neveu. Il y a de nouvelles fortifications de la façon de M. de Vauban. Long. 22. 6. latit. 50. 10. (D. J.)

PHILIPPINES, les, (Géog. mod.) îles de la mer des Indes, au-delà du Gange, presque vis-à-vis les grandes côtes des riches royaumes de Malaca, Siam, Camboia, Chiampa, Cochinchine, Tunquin, & la Chine. Elles sont situées dans la mer que Magellan appella l’archipel de S. Lazare, parce qu’il y mouilla

ce jour-là sous la zone Torride, entre l’équateur & le tropique du Cancer.

Ces îles anciennement connues sous le nom de Maniolæ furent découvertes en 1521 par le même Magellan dont je viens de parler, & qui y fut tué. Elles furent appellées Philippines du nom de Philippe II. roi d’Espagne, sous le regne duquel les Espagnols s’y sont fixés en 1564.

Quand ils y entrerent, ils y trouverent trois sortes de peuples. Les Mores Malais étoient maîtres des côtes, & venoient, comme ils le disoient eux-mêmes, de Bornéo & de la terre-ferme de Malaca. De ceux-ci sont sortis les Tagales, qui sont les originaires de Manille & des environs, comme on le voit par leur langage qui est fort semblable aux Malais, par leur couleur, par leur taille, par leurs coutumes & leurs manieres. L’arrivée de ces peuples dans ces îles a pu être fortuite & causée par quelque tempête, parce qu’on y voit souvent aborder des hommes dont on n’entend point le langage. En 1690, par exemple, une tempête y amena quelques Japonois. Il pourroit bien se faire aussi que les Malais seroient venus habiter ces îles d’eux-mêmes, soit pour le trafic ou autres raisons ; mais tout cela est incertain.

Ceux qu’on appelle Bisayas & Pintados dans la province de Camerinos, comme aussi à Leyte, Samal, Panay & autres lieux, viennent vraissemblablement de Macassar, où l’on dit qu’il y a plusieurs peuples qui se peignent le corps comme des Pintados.

Pierre Fernandez de Quiros, dans la relation de la découverte des îles de Salomon en 1595, dit qu’ils trouverent à la hauteur de 10d. nord à 1800 lieues du Pérou, à-peu-près à la même distance des Philippines, une île appellée la Magdeleine, habitée par des Indiens bien faits, plus grands que les Espagnols, qui alloient nuds, & dont le corps étoit peint de la même maniere que celui de Bisayas.

On doit croire que les habitans de Mindanao, Nolo, Bool & une partie de Cébu sont venus de Ternate. Tout le persuade : le voisinage, le commerce, & leur religion, qui est semblable à celle des habitans de Ternate. Les Espagnols en arrivant les trouverent maîtres de ces îles.

Les noirs qui vivent dans les rochers & dans les bois, dont l’île de Manille est couverte, different entierement des autres. Ils sont barbares, se nourrissent de fruits, de racines, de ce qu’ils prennent à la chasse, & n’ont d’autre gouvernement que celui de la parenté, tous obéissans au chef de la famille. Ils ont choisi cette sorte de vie par amour pour la liberté. Cet amour est si grand chez eux, que les noirs d’une montagne ne permettent point à ceux d’une autre de venir sur la leur, autrement ils se battent cruellement.

Ces noirs s’étant alliés avec des Indiens sauvages, il en est venu la tribu des Manghiens, qui sont des noirs qui habitent dans les îles de Mindora & de Mundo. Quelques-uns ont les cheveux crépus comme les negres d’Angola, d’autres les ont longs. Les Sambales, autres sauvages, portent tous les cheveux longs, comme les Indiens conquis.

Du reste, il est encore vraissemblable qu’il a passé dans les Philippines des habitans de la Chine, de Siam, de Camboya, & de la Cochinchine. Quoi qu’il en soit, les Espagnols ne possedent guere que les côtes de la plûpart de ces îles.

Le climat y est chaud & humide. Il y a plusieurs volcans, & elles sont sujettes non-seulement à de fréquens tremblemens de terre, mais à des ouragans si terribles qu’ils déracinent les plus gros arbres. Ces accidens n’empêchent point que les arbres ne soient toujours verds, & qu’ils ne portent deux fois l’année. Le ris vient assez bien dans ces îles, & les pal-