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phes. L’affaire ayant été portée à leur tribunal, on déclara les Phocéens sacrileges, & on les condamna à une grosse amende. Un d’entr’eux nommé Philomele, homme audacieux & fort accrédité, les révolta contre ce decret. Il prouva par des vers d’Homere, qu’anciennement la souveraineté du temple de Delphes appartenoit aux Phocidiens ; il fallut soutenir la révolte par les armes : on leva de part & d’autre des troupes.

Les Phocidiens s’assurerent du secours d’Athènes & de Sparte, & ne se promirent pas moins que d’abattre l’orgueil de Thebes, qui s’étoit montrée la plus ardente à poursuivre le jugement. Les premiers avantages qu’ils remporterent ne servirent pas peu à fortifier cette espérance. Mais bientôt les fonds nécessaires pour les dépenses de la guerre leur ayant manqué, ils y suppléerent par un nouveau sacrilege.

Philomele avoit eu assez de religion pour ne pas toucher au temple de Delphes. Onomarque & Phayllus qui lui succéderent dans le commandement, furent moins scrupuleux ; ils enleverent tous les précieux dons que la piété des rois & des peuples y avoit consacrés. Les sommes qu’ils en retirerent à plusieurs fois, monterent à plus de dix mille talens. Ils trouverent ainsi le secret de soutenir la guerre aux dépens d’Apollon. Les dévots crierent plus que jamais au sacrilege. On en vint souvent aux mains. La fortune se rangea tantôt d’un parti, tantôt de l’autre. Les Phocidiens réduisirent enfin les Thébains à se jetter entre les bras de Philippe, qui se chargea volontiers de mettre les ennemis de Thebes à la raison.

Ce prince n’eut qu’à paroître pour terminer une guerre qui duroit depuis dix ans, & qui avoit également épuisé l’un & l’autre parti. Les Phocidiens désespérerent de résister à un tel ennemi. Les plus braves obtinrent la permission de se retirer dans le Péloponnese ; le reste se rendit à discrétion, & fut traité fort inhumainement.

Philippe ne sauva que les apparences dans ce dessein aux yeux du peuple, il convoqua les Amphictyons, les établit pour la forme souverains juges de la peine encourue par les Phocidiens ; & sous le nom de ces juges dévoués à ses volontés, il ordonne qu’on ruinera les villes de la Phocide ; qu’on les réduira toutes en bourgs de soixante feux au plus ; que l’on proscrira les sacrileges, & que les autres ne demeureront possesseurs de leurs biens qu’à la charge d’un tribut annuel, qui s’exigera jusqu’à la restitution entiere des six milles talens enlevés dans le temple de Delphes. Cela faisoit une somme d’environ six millions d’écus, ou dix-huit millions de livres.

On ne doit point être surpris que le butin pris par les Phocéens montât si haut. Il y avoit dans le temple de Delphes des richesses immenses, à cause de la multitude innombrable de vases, de trépiés, de statues d’or, d’argent & de bronze que les rois, les grands capitaines, les villes & les nations y envoyoient de tous les endroits de la terre.

Le vainqueur, c’est Philippe dont je veux parler, ne s’oublia pas pour prix d’une victoire qui ne lui couta que la peine de se montrer : outre le titre de prince religieux, de fidele allié, il eut encore les Thermopyles, le grand objet de ses desirs, & l’unique passage qui menât de Macédoine en Italie.

Avec le tems néanmoins les Phocidiens parvinrent à se rouvrir une belle porte pour leur rétablissement ; car chassés en qualité de profanateurs exécrables, ils rentrerent avec la qualité d’insignes libérateurs. Une œuvre de religion rehabilita de la sorte ceux qu’une action sacrilege avoit dégradés. On les avoit exclus des privileges des autres Grecs, pour avoir pillé de leurs propres mains le temple de Delphes, on les leur rendit honorablement pour l’avoir sauvé du pillage des Gaulois, commandés par Brennus. (D. J.)

PHŒNICE, (Géog. anc.) ou Phœnica ; c’est le nom 1°. d’une ville de l’Epire ; 2°. d’une île située sur le golfe Matiandynus en Bithynie ; 3°. d’une île de la Méditerranée, sur la côte de la Gaule, & l’une des plus petites îles appellées Stœchades. Pline, l. III. c. v. parle de cette île, & la joint avec celles de Sturium & de Phila. Ces trois îles sont aujourd’hui Ribaudas, Langoustier & Baquéou. 4°. c’est encore le nom d’une île de la mer Egée, & l’une des Sporades ; elle s’appella ensuite Jos, selon Pline, lib. IV. c. xij. Le nom de Phœnice lui avoit été donné à cause des palmiers qu’elle produit. 5°. c’est un des noms que l’on donna à l’île de Ténedos, selon Pline, l. V. c. xxxj.

PHŒNICIARQUE, s. m. (Littérat.) nom qu’on donnoit aux premiers magistrats chez les Phœniciens ; tels étoient les Asiarques en Asie, & les Lyciarques en Lycie. Ce mot vient de φοῖνιξ, un phénicien, & ἄρχω, je commande. (D. J.)

PHŒNICOPTERE, voyez Flamant.

PHŒNICUM, (Géog. anc.) c’est-à-dire lieu planté de palmiers. Procope, dans son hist. de la guerre contre les Perses, dit : « Lorsque l’on a passé les frontieres de la Palestine, on trouve la nation des Sarrasins, qui habitent depuis long-tems un pays planté de palmiers, & où il ne croit point d’autres arbres. Abocarabe qui en étoit le maître, en fit don à Justinien, de qui en récompense, il reçut le gouvernement des Sarrasins de la Palestine, où il se rendit si formidable, qu’il arrêta les courses des troupes étrangeres. Aujourd’hui, ajoute Procope, l’empereur n’est maître que de nom de ce pays qui est planté de palmiers ; & il n’en jouit pas en effet : tout le milieu qui contient environ dix journées de chemin étant entierement inhabité, à cause de la sécheresse ; & il n’a rien de considérable que le vain titre de donation faite par Abocarabe, & acceptée par Justinien. » Il y avoit encore une ville de l’Arabie heureuse, appellée Phœnicum, sur le golfe Elanitique, entre les villages Hippos & Ahaunathi. (D. J.)

PHŒNICUSA, (Géog. anc.) île de la Méditerannée, au nord de la Sicile, & l’une des îles Eotiennes, son nom moderne est Felieur. M. de l’Isle écrit Felicudi.

PHŒNICUS PORTUS, (Géog. anc.) 1°. port de l’île de Crète ; 2°. port de l’Asie propre dans l’Ionie, & que Tite-Live appelle le premier port du territoire d’Erythiæ ; 3°. port du Péloponnèse, dans la Messénie ; 4°. port du nome de Lybie ; 5°. port de la Lycie ; 6°. port de la Sicile ; 7°. port de l’île de Cythere. (D. J.)

PHŒNIGME, s. m. c’est un médicament qui occasionne une rougeur, & qui produit des ampoules aux endroits où on l’applique. Voyez Vésicatoire, &c.

Ce mot est formé du grec φοῖνιξ, rouge ; tels sont la graine de moutarde, le poivre, les vésicatoires, &c. Voyez Vésicatoire, Sinapisme, &c.

On fait usage de ces remedes pour attirer l’humeur à la partie où on les applique, afin de la détourner de la partie affligée. Voyez Révulsion.

PHŒNIX, (Géog. anc.) 1°. lieu fortifié dans l’Asie propre, sur la côte orientale du golfe de la Doride ; 2°. montagne de l’Asie propre dans la Doride ; 3°. fleuve de l’Asie propre, près de la ville de Phœnix, dans la Doride ; 4°. port de Lycie ; 5°. bourg d’Egypte ; 6°. ville d’Italie ou de Sicile, près du promontoire Coccynum, selor. Appien ; 7°. fleuve de Thessalie, qui se jettoit dans le fleuve Apidanus ; 8°. petite riviere de l’Achaïe propre. (D. J.)

PHOLADE, s. f. (Conchyliol.) nom d’un genre de coquilles dont voici les caracteres. C’est une coquille multivalve, oblongue, qui a deux ou six pieces, unie, raboteuse, faite en reseau, fermant d’or-