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duits par fermentation, dissolution, & tout ce qui en dépend, comme exhalaisons, effervescences, &c.

Le feu qui naît des substances par la chaleur de la fermentation établie dans certains aggrégés, comme sont les foins mouilles, la farine, &c. les flammes des vapeurs spiritueuses, sulphureuses & putrides. Telles sont celles des latrines, les exhalaisons phosphoriques des mines, des fontaines thermales, les feux folets, les étoiles tombantes, celles qui filent, les éclairs, les aurores boréales, & autres semblables météores. Les exhalaisons lumineuses des poissons & viandes cuites & pourries, l’inflammation d’une matiere grasse, phosphorique, qui s’échappe de certains animaux, désignée par le nom d’ignis lambens ; comme aussi celles qui s’allument dans leur intérieur, & les consument entierement. La flamme produite par la réaction de différentes substances les unes sur les autres, comme de l’eau sur un mélange de souffre & de fer ; de-là les volcans, l’inflammation des huiles au moyen des acides ; celles des vapeurs de certaines dissolutions, comme de celles que donne le fer dissout dans l’acide vitriolique, ou dans l’acide marin, auquel on ajoute de l’alkali volatil. Nous rangeons ici les pyrophores. Voyez Pyrophores.

Cinquieme ordre. Il comprend les phosphores produits par l’union d’un acide particulier au phlogistique. L’acide nitreux dans l’instant de son union au phlogistique forme bien un phosphore, mais il ne sauroit être conservé par aucun moyen connu. Le soufre est bien aussi une union de l’acide vitriolique au phlogistique ; mais il n’est pas phosphore quoiqu’il soit très-combustible ; & si l’on prétendoit le ranger dans cet ordre, en raison de sa composition, il faudroit aussi regarder comme phosphore les graines, les huiles & les esprits ardens : il n’est donc qu’un seul corps dans cette classe qui mérite à juste titre ce nom, c’est le phosphore de Brandt, du nom de son premier inventeur, mais plus connu sous le nom de Kunckel, artiste plus renommé. C’est du résidu de l’évaporation de l’urine que l’on a retiré pendant long-tems ce phosphore. On fut naturellement porté à croire, après la découverte de la formation du soufre, & quelque ressemblance avec le phosphore, que cette nouvelle substance étoit formée des mêmes principes, c’est-à-dire, d’acide & de phlogistique ; on n’étoit pas éloigné de la vérité ; mais on erroit sur l’espece d’acide. Vû la quantité de sel marin qui est mêlé dans les alimens, & la saveur de l’urine, on crut que l’acide du sel marin abandonnoit sa base pour s’unir au phlogistique, & former ce corps singulier. Le sel marin jetté sur un feu ardent communique à sa flamme & la couleur & l’odeur du phosphore qui distille ; l’expérience seule qui devoit éclaircir des conjectures aussi vraissemblables, anéantit les idées qu’on s’étoit formées. Plusieurs chimistes expérimentés firent des essais multipliés pour tâcher d’unir l’acide du sel marin concentré de différentes manieres avec le phlogistique ; toutes ces tentatives furent infructueuses. On chercha donc la matiere du phosphore dans les alimens dont se nourrissoient les animaux ; on en retira effectivement de plusieurs, comme des graines de moutarde, de raves, de rue, du seigle, du froment, & quelques parties animales, mais en moindre quantité que de l’urine. On revint de nouveau à la traiter, & on perfectionna la méthode de faire le phosphore, par la découverte que firent en même-tems plusieurs chimistes des véritables principes qu’elle contient, & qui sont propres à le former. Un sel singulier, différent par ses qualités de tous les autres sels connus fut découvert dans l’urine. Ce sel mêle au charbon que donne l’urine, à tout autre charbon léger, ou de la suie, fournit calcinée, par la distillation à un feu violent, un très-beau phosphore. Nous exposons la méthode dont nous nous servons

pour le composer, qui sans doute est la meilleure, si elle est la plus courte, la moins dispendieuse, & qu’elle fournisse une plus grande quantité de phosphore que les autres. « Prenez la quantité qu’il vous plaira d’urine (plus long-tems elle aura putréfié, plus elle vous produira du sel qui fournit le phosphore) ; privez-la de son phlegme par l’évaporation insensible ou violente ; vous pouvez aussi employer la voie de la congelation par le froid ; que cette urine soit évaporée jusqu’à siccité dans des vases de terre ou de fer ; calcinez cette matiere dans un creuset jusqu’à ce qu’elle ne fume plus : par cette méthode, qui est celle d’Isaac le hollandois, vous réduisez en cendre ou en charbon toutes les matieres qui pourroient nuire à la crystallisation ou purification des sels que contient l’urine ; dissolvez dans l’eau la matiere calcinée ; filtrez la dissolution, & l’évaporez doucement ; mettez à crystalliser ; vous obtiendrez des crystaux de sel marin ; mais vous n’en aurez point, si l’urine employée avoit putréfié environ pendant trois ans. Séparée par une crystallisation réitérée & ménagée, tous les crystaux qui se formeront, qui seront tous de sel marin, la liqueur qui reste incrystallisable, & qui est oléagineuse, contient le sel désiré, & que vous aurez sous forme de crystaux, si vous ajoutez à cette liqueur le quart de son poids d’esprit de sel armoniac tiré par les alkali ; évaporez ensuite lentement un tiers de la liqueur à laquelle vous aurez ajouté la moitié de son poids d’eau avec l’esprit de sel armoniac, la mettant à crystalliser dans des lieux frais, vous aurez des sels en crystaux brillans, octogones, prismatiques, laissant un goût frais sur la langue ; ils ne tombent pas en déliquescence, ni n’efleurissent à l’air. Ils se dissolvent dans trois fois leur poids d’eau ; mais lorsqu’ils ne sont pas unis à l’alkali volatil, ils y sont plus dissolubles ; ce qui facilite le moyen de les séparer exactement du sel marin. La méthode vulgaire pour tirer ce sel crystallisé, est d’étendre à plusieurs reprises dans l’eau l’urine évaporée à consistance mielleuse, & à un feu assez doux. Chaque dissolution de cette matiere doit être filtrée pour en séparer à chaque fois une portion terreuse, huileuse & mucilagineuse, qui nuit à la crystallisation ; pour lors ce sel se crystallise avant ou avec le sel marin, & plusieurs autres especes de sel que fournit l’urine. Malgré toute cette manœuvre, on a l’inconvénient d’avoir ces crystaux impurs, bruns ou jaunâtres. Que si on veut absolument les avoir blancs, il faut filtrer la matiere mielleuse de l’urine dissoute dans l’eau sur une terre argilleuse ou crétacée qui absorbe & retient la matiere muqueuse qui nuit à la crystallisation, & colore les crystaux. On se sert aussi avec succès de l’esprit-de-vin & de la colle de poisson. Ces crystaux, du moins ceux qui se forment les premiers, sont les mêmes que ceux dont nous avons déja parlé, qui sont formés par l’addition de l’alkali volatil à la liqueur oléagineuse dont on a séparé le sel marin. Si par une évaporation trop rapide de l’urine, il arrivoit que l’on ne pût attirer ces crystaux par cette derniere méthode, l’évaporation de l’urine auroit été trop rapide, il faudroit alors y rajouter l’alkali volatil que la violence du feu auroit fait dissiper ; le sel de l’urine reçoit par sa crystallisation la moitié de son poids de cet alkali ; mais il ne sert de rien dans l’opération du phosphore. A peine ce sel sent-il la chaleur que cet esprit alkali s’en sépare ; il l’abandonne même lorsque ce sel est conservé quelque tems dans des flacons mal bouchés, voyez Sel micocosmique. Le sel que l’on retire, soit après une évaporation totale de la liqueur qui ne fournit plus par la crystallisation de sel marin, soit en crystaux, après l’addition de l’alkali volatil, est donc également pro-