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posées de feuillets plus ou moins grands. Les différens genres de cette classe sont le spath, le mica, le talc. 2°. Les pierres composées de filets, lapides filamentosi ; de ce nombre sont l’amiante, l’asbeste, le gypse strié. 3°. Les pierres solides ou continues, dont les parties ne peuvent être distinguées ; de ce nombre sont le caillou, le quartz & les pierres précieuses, les pierres à chaux, les pierres à plâtre, le schiste ou l’ardoise, la pierre à pots. 4°. Les pierres par grains, lapides granulati ; telles sont le grais, & suivant lui le jaspe. 5°. Les pierres mélangées.

M. de Justi dans son plan du regne minéral, publié en allemand en 1757, divise les pierres ; 1°. en précieuses, & en communes ; 2°. en pierres qui résistent au feu ; 3°. en pierres calcaires ; 4°. en pierres vitrescibles & fusibles au feu. On voit que cette division est très-fautive, vu que cet auteur considere d’abord les pierres relativement au prix que la fantaisie des hommes y attache, & ensuite il les divise relativement aux effets que le feu produit sur elles.

M. de Cronstedt, de l’académie de Stockholm, dans sa Minéralogie publiée en suédois en 1758, comprend les pierres & les terres sous une même classe, en quoi il semble être très-fondé, vu que les pierres ne sont que des produits des terres, qui ont acquis plus ou moins de consistence & de dureté. Il divise ces terres ou pierres en deux genres, la premiere est des calcaires, la seconde est des pierres ou terres silicées, c’est-à-dire, de la nature du caillou.

Toutes ces différentes divisions que l’on a faites des pierres nous prouvent qu’il est difficile de les ranger dans un ordre méthodique qui convienne en même tems à leur aspect extérieur & à leurs propriétés intérieures ; au fond ces divisions sont assez arbitraires, & chacun peut en faire des classes relativement aux differens points de vûe sous lesquels il les envisage. Le chimiste qui ne décide rien que d’après l’expérience, considerera les pierres relativement à leur analyse, tandis que le physicien superficiel, qui, ne cherchera point à approfondir les choses, se contentera des qualités extérieures, sans s’embarrasser de la combinaison de ces corps ; cependant dans l’examen des pierres, ainsi que de toutes les substances du regne minéral, on risquera très-souvent de se tromper lorsqu’on ne s’arrêtera qu’aux apparences ; un grand nombre de pierres qui ont des propriétés fort opposées, se ressemblent beaucoup à l’extérieur, & les sciences ne devant avoir pour but que l’utilité de la société, il est certain que l’analyse nous fera beaucoup mieux connoître les usages des substances que ne fera un examen superficiel.

Comme la nature agit toujours d’une façon simple & uniforme, il y a tout lieu de conjecturer que toutes les pierres sont essentiellement les mêmes, & qu’elles sont toutes composées de terres, qui ne different entre elles que par les différentes manieres dont elles ont été modifiées, atténuées & élaborées, & combinées par les eaux ; nous allons faire voir que l’eau est le seul agent de la formation des pierres.

L’expérience prouve que les eaux les plus pures contiennent une portion de terre assez sensible ; on peut s’assurer de cette vérité en jettant les yeux sur les dépôts que font dans les vaisseaux les eaux qu’on y fait bouillir, & qu’on y laisse séjourner quelque tems. Si l’on met une goutte d’eau de pluie ou de la neige sur une glace bien nette, elle y formera une tache blanche aussi-tôt que l’eau sera évaporée ; cette tache n’est autre chose que de la terre, d’où l’on voit que l’eau tenoit cette terre en dissolution, & qu’elle étoit si intimement combinée avec elle qu’elle ne nuisoit point à sa limpidité. L’eau par elle-même doit avoir la propriété de s’unir & de se combiner avec la terre ; c’est de cette combinaison que résulte tout sel ; il y a long-tems que la Chimie a

démontré que les sels ne sont qu’une combinaison de la terre & de l’eau ; c’est de la différente maniere dont l’eau se combine avec des terres, diversement atténuées & élaborées, qui produit la variété de ces sels. Ces vérités une fois posées, nous allons tâcher d’examiner les différentes manieres dont les pierres peuvent se former.

La premiere de ces manieres qui est la plus parfaite, est la crystallisation. On ne peut s’en former d’idée sans supposer que des eaux tenoient en dissolution des molécules terreuses avec lesquelles elles étoient dans une combinaison parfaite. L’eau qui tenoit ces molécules en dissolution venant à s’évaporer peu-à-peu, n’est plus en quantité suffisante pour les tenir en dissolution ; alors elles se déposent & se rapprochent les unes des autres ; comme elles sont similaires, elles s’attirent réciproquement par la disposition qu’elles ont à s’unir, & de leur réunion il résulte un corps sensible, régulier & transparent, que l’on nomme crystal ; la régularité & la transparence dépendent de la pureté & de l’homogénéité des molécules terreuses qui étoient en dissolution dans l’eau ; ces qualités viennent encore du repos où a été la dissolution, & de la lenteur plus ou moins grande avec laquelle l’évaporation s’est faite ; du moins est il certain que c’est de ces circonstances que dépend la perfection des crystaux des sels, qui par leur analogie peuvent nous faire juger de la crystallisation des pierres. Ces crystaux varient en raison de la terre qui étoit en dissolution dans l’eau, & qui leur sert de base ; si cette terre étoit calcaire, elle formera des crystaux calcaires, tels que ceux du spath, &c. si la terre étoit silicée, c’est-à-dire de la nature du caillou ou du quarts, on aura des pierres précieuses & du crystal de roche. Comme les eaux peuvent tenir en même tems en dissolution des terres métalliques diversement colorées, ces couleurs passeront dans les crystaux qui se formeront ; de-là les différentes couleurs des crystaux & des pierres précieuses ; leur dureté variera en raison de l’homogénéité des parties dissoutes, plus elles seront homogenes & pures, plus elles s’uniront fortement, & par conséquent plus elles auront de solidité & de transparence.

Quand même les eaux n’auroient point par elles-mêmes la faculté de dissoudre les molécules terreuses, elles acquerroient cette faculté par le concours des substances salines qui souvent y sont jointes. Personne n’ignore que la terre ne renferme une grande quantité de sels ; c’est l’acide vitriolique qui s’y trouve le plus abondamment répandu. L’eau aidée de ces sels peut encore plus fortement dissoudre une grande quantité de molécules terreuses, avec lesquelles elle se combine, & lorsqu’elle vient à s’évaporer, il se forme divers crystaux en raison de la nature de la terre qu’elle tenoit en dissolution, & des sels qui entrent dans la combinaison.

Souvent une même eau peut tenir en dissolution des terres de différente nature, dont les unes demandent plus d’eau pour leur dissolution, tandis que d’autres en exigent beaucoup moins ; alors lorsque l’évaporation viendra à se faire, il se formera d’abord des crystaux d’une espece, & ensuite il s’en formera d’autres, cela se fait de la même maniere que des sels de différente nature se crystallisent successivement les uns plutôt, les autres plus tard dans un vaisseau & dans un laboratoire. C’est ainsi que l’on peut expliquer assez naturellement la formation de ces masses que l’on rencontre souvent dans la terre, & qui sont un mélange confus de plusieurs crystaux de différente nature.

Les molécules terreuses qui servent à former les pierres ne sont point toujours dans un état de dissolution parfaite dans les eaux, souvent elles y sont en parties grossieres, qui ne sont que détrempées, &