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mensions des piles. « Cette expérience consiste à savoir, dit-il, quelle est la force des matériaux qu’on trouve sur les lieux, qui supportent plus ou moins le fardeau dont on les charge, suivant le plus ou le moins qu’ils sont compactes & serrés ».

M. Gautier suppose ici que les piles supportent la moitié de la maçonnerie des arches qui sont à leurs côtés, à les prendre depuis le milieu des clés. Si cela est aussi certain qu’il le paroît, il est évident qu’avec l’expérience ci-devant rapportée, & connoissant la solidité d’une arche & celle des piles, on saura comment on doit régler les dimensions des piles, en égalant ces deux solidités. Mais n’y a-t-il pas quelqu’autre condition à examiner ? C’est à quoi les Ingénieurs des ponts & chaussées doivent prendre garde, ne pouvant nous-même en entreprendre l’examen dans un article où nos réflexions, comme dans tous les autres, doivent sagement être ménagées, afin que les connoissances que nous analysons, paroissent entierement à découvert.

Pile percée. C’est une pile qui, au lieu d’avant-becs d’amont & d’aval, est ouverte par une petite arcade au-dessus de la crêche, pour faciliter le courant rapide des grosses eaux d’une riviere, ou d’un torrent. Il y a de ces piles aux ponts du S. Esprit & d’Avignon, sur le Rhône. Davilers. (D. J.)

Pile, terme de Bucheron ; ce mot se dit du bois coupé ou scié ; aiusi ce sont plusieurs ais rangés les uns sur les autres, ou plusieurs ouches & plusieurs rondins entassés proprement les uns sur les autres dans un chantier ou dans un bucher.

Pile de bois, (Charp.) c’est un tas de bois de charpente ou de menuiserie empilés les uns sur les autres.

Pile de pont, (Charp.) ce sont des assemblages de charpente, qui forment un pont par travées & palées.

Pile, terme d’ancien monnoyage, la matrice ou le coin sur lequel étoient empreintes les armes ou autres allégories.

Cette façon de monnoyer a souvent changé par les inconvéniens, les mauvaises empreintes qu’elle produisoit ; quoi qu’il en soit, voyez le premier procedé, le plus ancien & le plus imparfait.

Cette pile ou coin étoit fortement attaché & enfoncé dans un gros billot de bois, appellé par les anciennes ordonnances cepeau.

L’on posoit sur la pile, le flanc, & le trousseau que l’on appliquoit sur le flanc & en opposition à la pile, frappoit, & le flanc étoit monnoyé. Voyez Trousseau.

Les Hollandois monnoyent avec la pile, mais avec des corrections, qui toutes sont bien imparfaites étant comparées à la marque du balancier.

Ce mot pile exprime encore le côté des armes d’une monnoie, & le revers sur lequel est l’effigie du prince est appellé croix, parce que dans les anciennes monnoies, au lieu d’effigie, on mettoit une croix ; c’est de-là qu’émane le jeu de croix ou pile. Sur l’étymologie de ce mot, Scaliger & quelqu’autres ont rapporté des choses assez peu intéressantes, peut-être même inutiles ; en cas qu’on en soit curieux, voyez prima. Scaligerana, in voc. nummus rutilus, pag. 115. flela au mot pila.

Pile, s. f. (Papeterie.) les piles sont des mortiers qui servent dans les papeteries, pour préparer la pâte, qui doit être employée à faire le papier. Il y a de trois sortes de piles ; les unes que l’on nomme piles à drapeaux, les autres piles à fleuret, & les autres piles de l’ouvrier. (D. J.)

Piles ou Avancons, terme de Pêche, ce sont les petites cordes frappées sur la ligne ou baufe auxquelles les hameçons sont attachés, les avançons sont ordinairement de fil vert, pour mieux tromper le poisson. voyez les fig. Pl. de Pêche.

Les pêcheurs qui font la pêche avec ces lignes qui sont des especes de libouret, en mettent six à la mer, trois à bas-bord & trois à stribord ; les deux de l’avant sont garnies d’un plomb de huit livres, les deux du milieu ont un poids de six livres, & les deux de l’arriere & qui sont manœuvrées ordinairement par celui qui tient le gouvernail, seulement au poids de deux livres ; cette différence de poids empêche les lignes de se mêler pendant que le bateau poursuit son sillage qui doit être moderé ; c’est pourquoi on amene à demi les voiles ainsi qu’il convient, eu égard à la force du vent.

Pile, s. f. (Ustensile.) les piles sont de grands vaisseaux de pierre dure, dont les Italiens & les Provençaux se servent pour mettre les huiles qu’ils veulent garder, en attendant le tems favorable de les vendre ; on les met aussi dans des jarres, qui sont de grands vaisseaux de terre cuite. (D. J.)

Pile, (Jeux.) le jeu nommé croix ou pile, est un jeu où lorsqu’on a jetté une piece de monnoie en l’air, celui-là gagne le pari, qui a deviné la partie qui paroît quand la piece de monnoie est tombée. Plusieurs prétendent que pile est un vieux mot qui signifioit navire, & que les anciens Romains jouoient à ce jeu avec une monnoie faite en mémoire de Saturne, où l’on voyoit la tête de Janus d’un côté, & de l’autre le navire sur lequel il étoit arrivé en Italie. C’est ce que témoigne Macrobe ; de-là dérive, ajoute-t-on, le mot de pilote, pour dire un conducteur de navire. D’autres prétendent, que les Gaulois avoient une ancienne monnoie qui representoit d’un côté un navire, & de l’autre une tête humaine nommée chef ; & que c’est de-là que vient le jeu nommé croix ou pile, depuis que les Chrétiens opposerent la croix à la pile, au revers de leurs monnoies. (D. J.)

Pile de malheur, (Jeu de trictrac.) on appelle à ce jeu pile de malheur, lorsqu’une des parties conserve si long-tems son grand-jan sans le rompre, que la partie adverse ne peut passer dans le jan de retour, & qu’il est obligé d’entasser toutes ses dames sur celles de son coin. La pile de malheur complette est fort rare. (D. J.)

Pile, s. f. Terme de Blason ; ce mot se dit d’une pointe renversée ou d’un pal aiguisé qui s’étrécit depuis le chef, & va se terminer en pointe vers le bas de l’écu ; quelques-uns croient que ce mot est emprunté du latin pilum, javeline armée de fer.

Pilée, s. f. (Couverturier.) c’est en terme de Couverturier, la quantité de couvertures que le moulin à foulon peut fouler à la fois. Cette quantité s’estime ordinairement au poids ; ensorte que si un moulin peut fouler quatre-vingt livres, & que chaque couverture pese vingt livres, la pilée est de quatre couvertures, & ainsi à proportion des pilées de tous les autres moulins.

Pilée, s. f. (Lainage.) ce mot veut dire la quantité d’étoffe que l’on met dans l’auge ou vaisseau de bois, destiné pour la faire fouler. Quelques-uns particulierement du côté d’Amiens, disent vaisselée ; le mot de pilée vient de pile, parce qu’il y a bien des endroits où les vaisseaux à fouler s’appellent ainsi.

PILENTUM, (Antiq. Rom.) espece de char couvert & suspendu, en usage chez les Romains, plus honorable que le carpentum, qui étoit un char découvert. Tite-Live, l. V. c. xxv. rapporte que l’an de Rome 361, le senat voulant récompenser la magnanimité des dames Romaines, qui avoient sacrifié leurs joyaux, pour fournir la somme promise aux Gaulois, leur accorda le privilege d’user de ce char couvert & suspendu, à condition néanmoins qu’elles ne s’en serviroient que les jours de fête, pour se rendre aux jeux & aux sacrifices, & que les jours ouvriers elles n’iroient dans les rues, que dans des chars découverts : Honoremque ob eam munificentiam