Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 12.djvu/735

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ches, & fort en état d’être transplantés à demeure. Il faut pour cela coucher en entier des arbres de trois ou quatre ans. Il est vrai que toutes les branches que l’on couche ne donnent pas des plants d’égale force, mais il ne faudra aux plantes foibles qu’une année de plus pour atteindre les plus forts Sur la façon de coucher les branches, voyez le mot Marcotter.

Cet arbre, si petit soit-il, est robuste lorsqu’il a été élevé de graine, de branches couchées, ou par le moyen des racines. Mais il n’en est pas de même des plants qui sont venus de bouture ; comme ces boutures ne commencent à pousser vigoureusement qu’en été, & que leur seve se trouve encore en mouvement jusque bien avant dans le mois d’Octobre ; le bois ne se trouvant pas alors suffisamment saisonné, il arrive quelquefois qu’elles sont endommagées par les premieres gelées d’automne ; & ce qu’il y a de plus facheux, c’est que pour peu que les plants aient été gelés à la cime, il en résulte une corruption dans la seve qui les fait entierement périr pour la plupart. Mais outre que cet accident est rare, c’est qu’il n’arrive que dans des pays montagneux, dans des vallons serrés, dans des gorges étroites, & dans le voisinage des eaux où les gelées se font sentir plus promptement & plus vivement que dans les pays ouverts. Au surplus, cet inconvénient n’est à craindre que pour la premiere année : dès qu’elle est passée, les plants venus de bouture sont aussi robustes que ceux qui ont été élevés d’autre façon.

Le platane réussit aisément à la transplantation, parce qu’il fait de bonnes racines qui sont bien ramifiées. Le printems est la saison la plus convenable à cette opération, mais il faut s’y prendre le plutôt que l’on peut, & aussi-tôt que la terre est praticable, à la fin de Février ou au commencement de Mars. Ce n’est pas que cette transplantation ne puisse aussi se faire avec succès dans l’automne, pourvu que le terrein ne soit pas humide, & qu’il ne s’agisse pas de planter des arbres d’une premiere jeunesse, qu’un hiver rigoureux pourroit endommager : mais on peut parer ce dernier accident en enveloppant de paille la tige des jeunes plants. Le platane quoiqu’âgé, & déja dans sa force, peut se transplanter avec succès : on en a fait l’essai sur des arbres qui étoient de la grosseur de la jambe, & qui ont bien réussi. Quant à la forme des trous & à façon de planter, il ne faut pas d’autre précaution, que celle que l’on prend ordinairement pour les ormes & les tilleuls.

On peut tailler cet arbre autant que l’on veut, & dans toutes les saisons ; même lui retrancher de grosses branches sans le moindre inconvénient. Mais ses rameaux ne sont pas assez menus pour y appliquer le volant ; d’ailleurs la tonte que l’on fait avec cet outil dans la belle saison ne convient pas pour les arbres à larges feuilles. Il faut donc se servir de la serpette ; plus on taillera le platane, mieux il profitera : ce secours est même nécessaire pour le rendre branchu, & le faire garnir dans les commencemens, parce qu’il s’élance trop dans la premiere fougue de la jeunesse : ainsi, soit qu’on le destine à former des allées, des quinconces, des salles, &c. il faut le tailler pendant plusieurs années sur deux faces, en arrêtant à environ six pouces ou un pié de la ligne les branches qui s’élancent ; c’est-à-dire, former ces arbres en hautes palissades sur des tiges de huit ou dix piés. Ce soin de culture leur est extrémement essentiel ; si on le néglige, ce sera fort aux dépens de l’agrément. Comme on est souvent obligé de mettre des bâtons aux platanes pour les dresser & les soutenir dans leur jeunesse, il arrive presque toujours deux inconveniens : les liens étranglent l’arbre promptement, & le vent qui a beaucoup de prise sur de grandes feuilles, casse la tige au-dessus du bâton. Il faut visiter & changer deux ou trois fois les liens pendant l’été, & on doit

se servir de fortes & grandes perches, qui soient au moins de six piés plus hautes que l’arbre, afin de pouvoir y attacher la maîtresse tige à mesure qu’elle s’éleve. Mais dès que les arbres peuvent se soutenir, il faut supprimer les perches ; elles ne pourroient que leur nuire.

Le platane a plus de disposition à s’élever qu’à s’étendre : & il en est tout autrement de ses racines, qui pivotent rarement. On peut regler la distance de ces arbre à 15 ou 20 piés pour en former des avenues ou des allées, selon la qualité du terrein ou le desir de jouir. A l’égard des quinconces & des salles, il faut le serrer davantage, car le principal objet de pareilles dispositions étant de se procurer de l’ombre, on pourra restraindre la distance à 12 piés

Je n’ai dit qu’un mot sur la greffe du platane ; il est bon d’y revenir pour détruire les fausses notions que peuvent donner à ce sujet quelques anciens auteurs qui ont traité de l’Agriculture & qui ont été respectés par plusieurs écrivains modernes. Ils ont vanté les prodiges qu’opéroit la greffe sur le platane ; à les en croire, on peut faire porter à cet arbre des pommes, des cerises & des figues : mais la nature ne se prête point à des alliances dénuées de tous rapports analogues, & bien loin que les greffes des fruitiers en question puissent réussir sur le platane, on s’est assuré par quantité d’épreuves, que c’est peut-être de tous les arbres celui qui est le moins propre à servir de sujet pour la greffe. Non-seulement les arbres fruitiers que l’on a cités n’y reprennent pas ; mais ce qu’il y a de plus surprenant, c’est que les écussons pris sur un platane & appliqués sur le même arbre ne réussissent point : de plus, un écusson de figuier posé sur un platane le fait périr entierement l’hiver suivant, tant il y a d’oppositions entre les sucs séveux de ces deux genres d’arbres.

Il n’est guere possible encore de déterminer bien précisément la qualité du bois de platane, sa force, sa durée, ses usages : il faudroit de gros arbres pour en faire l’essai, & les avoir employés pour en pouvoir juger : tout ce qu’on en sait à présent, c’est que ce bois est blanc, assez compacte, un peu pliant, & d’une force moyenne : qu’il est d’un tissu serré & fort pesant quand il est verd ; mais qu’il perd beaucoup de son poids en sechant : que sa dureté ressemble à celle du bois d’hêtre, & que son essence tient un milieu entre celle du chêne & du hêtre. On assure que les Turcs s’en servent pour la construction de leurs vaisseaux. Ce qu’il y a de plus certain, c’est qu’en Canada on emploie avec succès aux ouvrages de charronage le bois de platane d’occident.

Les auteurs de Botanique & d’Agriculture ne font mention jusqu’à présent que de trois especes de platane.

I. Le vrai platane du levant. C’est l’espece la plus anciennement connue, & dont on a publié de si grands éloges ; mais il s’en faut bien que ce soit le plus beau des platanes, ni qu’il prévale par ses autres qualités : son écorce est plus brune, ses branches plus rameuses, ses feuilles plus petites, plus découpées, d’un verd plus obscur, & son accroissement plus long de moitié que dans les deux autres sortes de platane.

Le platane du levant fait une tige droite, prodigieusement grosse, s’éleve à une grande hauteur, & forme une belle tête très-garnie de branches, qui s’étendent au large & donnent beaucoup d’ombrage : son écorce d’une couleur brune & rougeâtre est toujours lisse & unie, quoique l’arbre soit âgé ; elle se détache peu-à-peu du tronc & elle tombe par lambeaux, qui ressemblent à des morceaux de cuir : sa feuille est profondément découpée en cinq parties, en maniere d’une main ouverte ; elle est de médiocre grandeur, épaisse, dure, & d’un verd foncé : elle a le défaut de rester sur l’arbre pendant tout l’hi-