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Dans toutes les langues il arrive souvent qu’on emploie un nom singulier pour un nom pluriel : comme ni la colere ni la joie du soldat ne sont jamais modérées ; le paysan se sauva dans les bois ; le bourgeois prit les armes ; le magistrat & le citoyen à l’envi conspirent à l’embellissement de nos spectacles. C’est, dit-on, une synecdoque ; mais parler ainsi, c’est donner un nom scientifique à la phrase, sans en faire connoître le fondement : le voici. Cette maniere de parler n’a lieu qu’à l’égard des noms appellatifs, qui présentent à l’esprit des êtres déterminés par l’idée d’une nature commune à plusieurs : cette idée commune a une compréhension & une étendue ; & cette étendue peut se restraindre à un nombre plus ou moins grand d’individus. Le propre de l’article est de déterminer l’étendue, de maniere que, si aucune autre circonstance du discours ne sert à la restraindre, il faut entendre alors l’espece ; si l’article est au singulier, il annonce que le sens du nom est appliqué à l’espece, sans désignation d’individus ; si l’article est au pluriel, il indique que le sens du nom est appliqué distributivement à tous les individus de l’espece. Ainsi l’horreur de ces lieux étonna le soldat, veut faire entendre ce qui arriva à l’espece en général, sans vouloir y comprendre chacun des individus : & si l’on disoit l’horreur de ces lieux étonna les soldats, on marqueroit plus positivement les individus de l’espece. Un écrivain correct & précis ne sera pas toujours indifférent sur le choix de ces deux expressions. (B. E. R. M.)

PLUS, DAVANTAGE, (Synonymes.) Il est bon de distinguer ces deux adverbes. Plus ne se doit jamais mettre à la fin ; davantage s’y met d’ordinaire : exemple, les Romains ont plus de bonne foi que les Grecs : les Grecs n’ont guere de bonne foi ; les Romains on ont davantage. Ce ne seroit pas bien dit, les Romains ont davantage de bonne foi que les Grecs, les Romains en ont plus. Il y a des endroits où l’on peut mettre davantage devant que, aussi-bien que plus ; par exemple : vous avez tort de me reprocher que je suis emporté ; je ne le suis pas davantage que vous ; si l’on répétoit emporté, il faudroit dire, je ne suis pas plus emporté que vous.

Quand davantage est éloigné du que, il a bonne grace au milieu du discours ; par exemple : il n’y a rien qu’il faille éviter davantage en écrivant, que les équivoques : lorsqu’il n’y a point de que qui suive, on met davantage au milieu & à la fin. Bouhours. (D. J.)

Plus, prép. (Géom.) on se sert de ce mot en algebre, pour signifier l’addition. Son caractere est +. Voyez Caractere. Ainsi l’expression algébrique 4+10=14, signifie que quatre, plus dix, sont égaux à quatorze. Voyez Addition.

Toute quantité qui n’a point de signe, est censée avoir le signe +. L’opposé de ce signe est moins. Voyez Moins. Voyez aussi Positif & Négatif. (O)

Plus-pétition, s. f. (Jurisprud.) c’est lorsque quelqu’un demande plus qu’il ne lui est dû.

La plus-pétition a lieu en plusieurs manieres ; savoir, pour la quantité, pour la qualité, pour le tems, pour le lieu du payement, & pour la maniere de l’exiger ; par exemple, si on demande des intérêts d’une chose qui n’en peut pas produire, ou que l’on conclue à la contrainte par corps dans un cas où elle n’a pas lieu.

Par l’ancien droit romain, la plus-pétition étoit punie ; celui qui demandoit plus qu’il ne lui étoit dû, étoit déchu de sa demande, avec dépens.

Dans la suite cette rigueur du droit fut corrigée par les ordonnances des empereurs : la loi 3. au code, liv. III. tit. x. dit qu’on évite la peine de la plus-pétition, en reformant sa demande avant la contestation en cause.

En France, les peines établies par les lois romaines

contre ceux qui demandent plus qu’il ne leur est dû, n’ont jamais eu lieu ; mais si celui qui est tombé dans le cas de la plus-pétition, est jugé avoir fait une mauvaise confession, on le condamne aux dépens. (A)

PLUS-QUE-PARFAIT, adj. (Gram.) quelquefois pris substantivement : on dit ou le prétérit plus que-parfait, ou simplement le plus-que-parfait. Fueram, j’avois été, est le plus-que-parfait de l’indicatif ; fuissem, que j’eusse été, est le plus-que-parfait du subjonctif. On voit par ces exemples que ce tems exprime l’antériorité de l’existence à l’égard d’une époque antérieure elle-même à l’acte de la parole : ainsi quand je dis, cænaveram cùm intravit, j’avois soupé lorsqu’il est entré ; cænaveram, j’avois soupé, exprime l’antériorité de mon souper à l’égard de l’époque désignée par intravit, il est entré ; & cette époque est elle-même antérieure au tems où je le dis. On verra ailleurs (art. Tems.), par quel nom je crois devoir désigner ce tems du verbe : je remarquerai seulement ici que la dénomination du plus-que-parfait a tous les vices les plus propres à la faire proscrire.

1°. Elle ne donne aucune idée de la nature du tems qu’elle désigne, puisqu’elle n’indique rien de l’antériorité de l’existence, à l’égard d’une époque antérieure elle-même au moment où l’on parle.

2°. Elle implique contradiction, parce qu’elle suppose le parfait, susceptible de plus ou de moins, quoiqu’il n’y ait rien de mieux que ce qui est parfait.

3°. Elle emporte encore une autre supposition également fausse ; savoir, qu’il y a quelque perfection dans l’antériorité, quoiqu’elle n’en admette ni plus ni moins que la simultanéité ou la postériorité.

Ces considérations donnent lieu de croire que les noms de prétérits parfait & plus-que-parfait n’ont été introduits que pour les distinguer sensiblement du prétendu prétérit imparfait. Mais comme on a remarqué (art. Imparfait.) que cette dénomination ne peut servir qu’à désigner l’imperfection des idées des premiers nomenclateurs : il faut porter le même jugement des noms de parfait & de plus-que-parfait qui ont le même fondement. (B. E. R. M.)

PLUTON, s. m. (Mytholog.) roi du vaste empire ténébreux, dont tous les hommes doivent un jour devenir les sujets. Du monarque du sombre bord, Tout ce qui vit sent la puissance ; Et l’instant de notre naissance Fut pour nous un arrêt de mort. Pluton, fils de Saturne & de Rhéa, étoit le plus jeune des trois freres Titans. Il fut élevé par la Paix ; on voyoit à Athènes une statue où la Paix allaitoit Pluton, pour faire entendre que la tranquillité regne dans l’empire des morts.

Dans le partage du monde, les enfers furent assignés à Pluton ; c’est-à-dire, selon plusieurs mythologues, qu’il eut pour sa part du vaste empire des Titans, les pays occidentaux qui s’étendoient jusqu’à l’Océan, que l’on croit être beaucoup plus bas que la Grece.

D’autres s’imaginent que Pluton s’appliqua à faire valoir les mines d’or & d’argent qui étoient dans l’Espagne, où il fixa sa demeure ; & comme les gens destinés à ce travail, sort obligés de fouiller bien avant dans la terre, & pour ainsi dire jusqu’aux enfers, on débite que Pluton habitoit au centre de la terre. Ajoutons que ceux qui travaillent aux mines, ne vivent pas long-tems, & meurent assez souvent dans leurs souterreins ; ainsi Pluton pouvoit être regardé comme le roi des morts.

On donne plusieurs noms à ce dieu : les uns l’appellent Adès ou Aédès ; les Latins, Pluto, Diopater, ou Diospater, Jupiter infernal, Aédoneus, Orcus. Les cyclopes lui donnerent un casque, célebre dans la fable par