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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 13.djvu/103

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usage criminel inspire, c’est que toutes les lois concernant les esclaves étoient contre eux, & qu’il n’y en avoit aucune pour engager les maitres à des devoirs réciproques de douceur & d’humanité. Démosthene loue une loi d’Athènes qui défendoit de frapper l’esclave d’autrui. Conçoit-on rien de plus atroce que la coûtume qui a existé à Rome, d’exposer les esclaves que la vieillesse, les maladies ou la foiblesse rendoient incapables de travailler, dans une île du Tibre pour y mourir de faim ! & ce sont des hommes qui ont traité ainsi d’autres hommes !

Mais il s’en faut de beaucoup que ces malheureux contribuassent, autant qu’on le croit, à multiplier l’espece. Ils peuploient les grandes villes en dépeuplant les campagnes, comme font encore aujourd’hui nos domestiques. Tous les anciens historiens nous disent que Rome tiroit perpétuellement des esclaves des provinces les plus éloignées. Strabon assure qu’on a souvent vendu en un jour en Cilicie dix mille esclaves pour le service des Romains ; si ces esclaves eussent peuplé en raison de leur nombre, & comme on le suppose, bien-tôt l’Italie entiere n’auroit pas suffi pour les contenir. Cependant le peuple n’augmentoit point à Rome ; ces levées n’étoient donc que pour en réparer les pertes ; l’intérêt qu’avoient les maîtres de les exciter à la population, ne prévaloit donc pas sur la rigueur des maux qu’on leur faisoit souffrir ? Sans avoir le même intérêt, au lieu de retenir nos domestiques dans le célibat, que ne les encourageons-nous à se marier, en préférant de nous servir de ceux qui le sont ; ils en seront plus honnêtes & plus sûrs ; leurs enfans ne devant point être le patrimoine du maître, seront plus nombreux que ceux des esclaves, qui devoient trembler d’associer à leurs tourmens de nouvelles victimes de la férocite de leurs tyrans. Ce seront de nouveaux liens qui retiendront ces domestiques dans le devoir & dans la fidélité. Il est rare qu’en devenant pere on ne devienne plus homme de bien ; enfin il ne tient qu’à nous de les rendre beaucoup moins à charge à la société & plus utiles à la propagation. Il faudroit ne pas les payer assez mal pour qu’ils ne puissent jamais être que des pauvres quand ils seront vieux. L’oisiveté & l’aisance du moment leur ferme les yeux sur la misere qui les attend. M. le duc de la Rochefoucault, le dernier mort, a donné aux maitres un bel exemple à saivre. Il ne gardoit jamais un domestique que dix ans, pendant lesquels il étoit nourri, entretenu, & ne touchoit rien de ses gages. Au bout de ce terme, ce maître bienfaisant & citoyen, payoit son domestique & le forçoit de prendre un commerce ou une profession. Il ne lui permetroit plus de rester chez lui. Cet exemple d’humanité & d’intérêt public, si rare dans les grands, méritoit d’être cité : il y a des familles où il semble que la pratique du bien & de la vertu soit héréditaire.

Au reste, les causes de l’accroissement ou de la diminution des hommes sont infinies. Comme ils font partie de l’ordre universel physique & moral des choses, comme ils sont l’objet de toutes les institutions religieuses & civiles, de tous les usages, que tout enfin se rapporte à eux, tout aussi influe sur la faculté qu’ils ont de se produire, en favorise les effets ou les suspend. La nature de cet ouvrage ne nous a pas permis d’entrer dans le détail de toutes ces causes, & de nous étendre sur les principales que nous avons traitées, autant qu’une matiere aussi importante l’exigeroit ; mais de tout ce que nous avons dit on peut conclure, que le nombre total des hommes qui habitent la surface de la terre, a été, est, & sera toujours à-peu-près le même dans tous les tems, en les divisant en époques d’une certaine étendue ; qu’il n’y a que certains espaces qui soient plus

ou moins habités, & que la différence dépendra du bonheur ou de la peine qu’ils y trouveront ; que tout étant égal d’ailleurs, le gouvernement dont les institutions s’éloigneront le moins de celles de la nature, où il se trouvera plus d’égalité entre eux, plus de sureté pour leur liberté & leur subsistance, où il y aura plus d’amour de la vérité que de superstition, plus de mœurs que de lois, plus de vertus que de richesses, & par conséquent où ils seront plus sédentaires, sera celui où les hommes seront le plus nombreux, & où ils multiplieront davantage. (Cet article est de M. d’Amilaville.)

POPULEUM, (Onguent.) voyez Peuplier.

POPULIFUGES, s. m. (Antiq. rom.) populifugia ; fête que célébroient les Romains, en mémoire, selon les uns, de ce que les rois avoient été chassés, & le gouvernement monarchique aboli ; & selon d’autres, avec plus de vraissemblance, en l’honneur de la déesse Fugia, qui avoit favorisé la déroute des ennemis ; cette fête, disent-ils, fut instituée à l’occasion de la victoire qui fut remportée sur les Fidénates, & les peuples voisins, lorsqu’ils voulurent s’emparer de Rome, le lendemain que le peuple s’en fut retiré, selon le rapport de Varron. (D. J.)

POPULI FUNDI, s. m. pl. (Hist. anc.) nations qui s’étoient alliées aux Romains, à condition de conserver leurs lois & d’autres privileges. Ils ne prenoient du droit romain que ce qui leur convenoit, dans les cas où leurs usages ne décidoient rien ; ils étoient libres ; ils jouissoient de la protection de la république. Fundus est synonyme d’auctor, & ils signifient l’un & l’autre, celui qui s’est soumis ou rendu de son propre mouvement.

POPULONIA, s. f. (Mythol.) divinité champêtre, à laquelle on offroit des sacrifices, pour empêcher les mauvais effets de la grêle, de la foudre & des vents ; c’étoit Junon prise pour l’air qu’on adoroit sous ce nom-là, comme Jupiter sous le nom de Fulgur.

Populonia, (Géog. anc.) Pline, liv. XIV. ch. j. la nomme Populonium, & liv. III. c. v. Populonium Etruscorum ; ville d’Italie, dans la Toscane ; elle a été épiscopale, & son évêché subsistoit dès l’an 550. Les uns croyoient que Piombino a été bâtie des ruines de Populonia, & d’autres prétendent que c’est Porto-Barato. (D. J.)

POQUE, s. m. (Le jeu du) ce jeu a beaucoup de rapport à celui du hoc, on y joue depuis trois jusqu’à six. Lorsque l’on est six, les cartes sont au nombre de trente-six ; mais si l’on n’étoit que trois ou quatre on ôteroit les six, & le jeu ne seroit que de trente-deux.

Après avoir vû à qui fera, celui qui doit mêler ayant fait couper à sa gauche, donne à chacun des joueurs cinq cartes, par deux & trois ; il y a de l’avantage d’avoir la main. Pour la commodité des joueurs, ils doivent prendre chacun un enjeu qui est ordinairement de vingt jettons & de quatre fiches, qui valent cinq jetons chacune, & dont on met la valeur si haut & si bas qu’on veut.

On a ensuite six poques, voyez Poques, dans lesquels on met d’abord un jeton chacun, puis celui qui a mêlé ayant distribué, comme nous avons dit plus haut, en tourne une sur le talon, & si c’est une de celles qui sont marquées sur les poques ; par exemple, s’il tourne un as, un roi, une dame, &c. il tirera les jetons qui sont dans le poque marqué de la carte tournée.

Après cela chacun voit son jeu, & examine s’il n’a point poque, voyez Poque ; & si celui qui est à parler l’a, il doit dire je poque d’un jeton, de deux, ou davantage, s’il veut ; & si ceux qui le suivent l’ont aussi, ils peuvent tenir au prix où est porté le poque, ou bien renvier de ce qu’ils veulent, ou l’abandonner, sans s’exposer au risque de payer le renvi, s’ils