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légitime doivent être institués au-moins en ce que le testateur leur donnera.

Dans le nombre de ceux qui ont droit de légitime, l’ordonnance comprend tacitement les pere, mere, ayeuls & ayeules, lesquels ont droit de légitime dans la succession de leurs enfans & petits-enfans décédés sans postérité.

Il n’est pas permis de passer sous silence les enfans même qui ne seroient pas nés au tems du testament, s’ils sont nés ou conçus au tems de la mort du testateur.

Quelque modique que soit l’effet ou la somme pour lesquels ceux qui ont droit de légitime auront été institués héritiers, le vice de la prétérition ne peut être opposé contre le testament, encore que le testateur eût disposé de ses biens en faveur d’un étranger.

En cas de prétérition d’aucuns de ceux qui ont droit de légitimes, le testament doit être déclaré nul quant à l’institution d’héritier, sans même qu’elle puisse valoir comme fidéicommis ; & si elle a été chargée de substitution, cette substitution demeure pareillement nulle, le tout encore que le testament contînt la clause codicillaire, laquelle ne produit aucun effet à cet égard, sans préjudice néanmoins de l’exécution du testament en ce qui concerne le surplus des dispositions du testateur.

Ce qui vient d’être dit dans l’article précédent est aussi observé, même à l’égard des testamens faits entre enfans ou en tems de peste ; mais pour ce qui concerne les testamens militaires, l’ordonnance déclare que l’on n’entend rien innover à ce qui est porté par les lois romaines à cet égard. Voyez au code le tit. XLII. liv. VI. & l’ordonnance des testamens, articles 50. & suivans. (A)

PRETERMISSION, s. f. (Belles Lettres.) figure de Rhétorique par laquelle on feint de passer légérement sur les choses qu’on veut inculquer le plus fortement. Demosthenes l’emploie dans sa troisieme Philippique. « Pour appuyer mon opinion, dit-il, je ne parlerai ni de vos animosités domestiques, ni de l’agrandissement de Philippe. Je ne dirai pas qu’après tant de conquêtes, il parviendra à la monarchie universelle de la Grece avec plus d’apparence, qu’il n’y avoit lieu de se défier autrefois qu’il dût parvenir où il est à présent ; une raison que je choisis entre tant d’autres, c’est que les Grecs & les Athéniens tous les premiers, lui ont accordé un privilege qui a été jusqu’ici la source de toutes nos guerres. Quel est-il ? d’agir sans obstacle au gré de ses desirs, d’attaquer, de ruiner, de réduire tour-à-tour en servitude chaque ville comme il lui plaît ». Cette figure a beaucoup d’affinité avec celle qu’on nomme prétérition. Voyez Prétérition.

Pretermission, (Jurisprud.) signifie l’omission de quelque chose, comme la prétérition est l’oubli de quelqu’un. (A)

PRÉTEUR, s. m. (Hist. rom.) magistrat souverain de Rome, dont la principale fonction étoit de rendre la justice ; c’est pour cela que sur les médailles des préteurs on voit souvent une balance.

Les lois seroient oisives & sans force, si on ne les tournoit à leur usage, & si elles n’avoient du consentement des citoyens, un homme grave & puissant sous la voix, & l’autorité duquel elles se manifestassent ; c’est la charge du magistrat. Il est en quelque maniere la vie & la main des lois pour ranimer celles qui languissent, débrouiller celles qui sont obscures, étendre celles qui sont trop resserrées.

Ce pouvoir donné à certains hommes par le choix du peuple, des principaux de la nation, ou par l’ordre du prince, produit promptement ce qui ne pourroit s’exécuter sans beaucoup de peine, par les citoyens réunis ensemble. Ainsi le peuple arme quelqu’un d’eux de la puissance de tous, afin de terminer les affaires

par le ministere des lois ; c’est ce qu’exécutoit chez les Romains un magistrat duquel découloit la jurisdiction & le jugement des affaires. Ce magistrat s’appelloit préteur dont auparavant toute la puissance appartenoit au consulat.

Le nom général de préteur convenoit à toutes les souveraines magistratures, mais principalement au consulat, parce que le consul présidoit à tous les jugemens en paix & en guerre ; de là vient que nous lisons dans Tite-Live, qu’il y avoit une loi très-ancienne par laquelle il étoit prescrit au souverain préteur, c’est-à-dire à celui qui étoit consul ou dictateur, de ficher le clou. Justinien nous apprend que le nom de préteur désignoit l’empire, & que les anciens généraux romains avoient été appellés préteurs.

Les patriciens dans leurs disputes avec les plébéiens, n’ayant pû empêcher que l’un des consuls seroit tiré de l’ordre des plébéiens, songerent à réparer en quelque maniere le partage de leur puissance. Ils prétexterent alors les trop grandes occupations du consul, & représentant la multitude des affaires de la ville, qui ne pouvoient être expédiées par des consuls toujours occupés d’affaires militaires & d’expéditions longues & éloignées, obtinrent l’an 386, qu’une partie de la puissance consulaire, c’est-à-dire celle qui comprenoit les affaires du barreau, seroit conférée à un magistrat particulier choisi dans le nombre des sénateurs, & qui seroit nommé préteur par une dénomination commune attachée à cette charge particuliere. Cela fut exécuté, & Spurius Furius Camillus fut le premier élu préteur l’an de Rome 387.

Ce préteur fut fait dans les comices assembles par centuries avec les mêmes cérémonies de religion, c’est-à-dire en prenant les mêmes auspices que pour les consuls ; aussi le préteur est-il appellé quelquefois leur collegue. On créa d’abord un seul préteur ; mais l’an 510 l’abondance des affaires en fit nommer un second pour rendre la justice entre les citoyens & les étrangers ; ce qui fit qu’on l’appella préteur etranger, peregrinus pretor. Celui qui ne jugeoit que des procès entre citoyen & citoyen, étoit appellé préteur de la ville, pretor urbanus ; & sa charge étoit plus honorable que celle de l’autre ; elle lui étoit aussi supérieure. On appelloit la justice qu’il rendoit, la justice d’honneur, jus honorarium.

L’an 526 de Rome, lorsque la Sicile & la Sardaigne eurent été réduites en provinces romaines, on créa deux préteurs pour les gouverner au nom de la république. Et l’an 556, lorsqu’on eut subjugué les deux Espagnes, citérieure & ultérieure, on créa deux autres préteurs pour régir ces deux provinces. Mais en 561, il fut réglé par la loi Bebia, qui cependant ne fut pas longtems observée, qu’on ne créeroit tous les deux ans que quatre préteurs, dont deux demeureroient dans la ville, savoir l’urbanus & le peregrinus, & que les autres se rendroient aussi-tôt dans les provinces qui leur seroient tombées en partage.

Vers l’an 605 de Rome, ou peu de tems après, c’est-à-dire en 607, lorsque l’Afrique, l’Achaie, la Macédoine, furent devenues provinces romaines, on établit ce qu’on appelloit quæstiones perpetuæ, recherches perpétuelles, dont nous parlerons bientôt. Alors il fut réglé que tous les préteurs rendroient la justice à Rome, soit en public, soit en particulier, dans l’année de leur magistrature ; & qu’à la fin de cette année, ils partiroient pour les provinces qui leur seroient échues. L. Cornelius Sylla ayant augmenté les recherches perpétuelles l’an 672, il ajouta encore deux autres préteurs ; quelques-uns prétendent qu’il en augmenta le nombre jusqu’à dix. Quoi qu’il en soit, Jules César l’an 707 créa dix préteurs ; il augmenta ensuite leur nombre jusqu’à quatorze, & ensuite jusqu’à seize, pour récompenser les cooperateurs de sa criminelle ambition. Mais après sa mort,