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sonnes séparées sont vivantes. On doute que ce soit-là l’ordonnance de notre Sauveur ; n’est-il pas plus naturel en critique de limiter aux divorces des Juifs la défense que Jesus-Christ fait de se remarier, sans l’appliquer au divorce que Jesus-Christ a permis ? autrement notre Seigneur seroit en contradiction avec lui-même, en permettant la dissolution du mariage dans le cas d’adultere, & en voulant que le mariage subsiste toujours, car il subsiste réellement si la femme répudiée devient adultere en épousant un autre mari, & si son mari le devient lui-même en épousant une autre femme. (D. J.)

Répudiation, lettre de, (Critiq. sacrée.) libellus repudii ; voici la loi du législateur des Juifs. Si un homme épouse une femme, & qu’ensuite elle ne trouve pas grace à ses yeux à cause de quelque chose de honteux, il lui écrira une lettre de répudiation, la lui mettra en main, & la renverra hors de son logis, Deutér. xxjv. 1. Comme on lit dans l’évangile ces mots : « Moïse vous a permis de répudier vos femmes à cause de la dureté de votre cœur, Matth. xjx. 8 » ; on demande ce que c’est proprement que la dureté du cœur, σκληροκαρδίαν, que notre Seigneur reproche aux Israélites, & qui donna lieu à la loi qui leur permit la lettre de répudiation. Les savans jugent que c’est, d’un côté, le penchant de ce peuple à la luxure, & de l’autre, la crainte d’une révolte, qui seroit infailliblement arrivée, si la loi leur eût imposé un joug particulier que les autres nations n’avoient point ; car le divorce étoit reçu non-seulement chez les Egyptiens, mais encore chez les autres nations voisines des Juifs, comme il paroît par l’exemple du philistin qui sépara la fille de Samson, & la maria à un autre. Jug. xv. Jesus-Christ condamne ce désordre, mais Clément d’Alexandrie, Stromat. l. III. p. 447. prétend que l’homme qui a répudié sa femme à cause d’adultere, peut en épouser une autre, & que c’est à cette occasion que notre Seigneur a dit que tout le monde n’est pas capable de vivre dans la continence.

La loi judaïque n’accordoit le privilege de donner la lettre de répudiation qu’au mari à l’égard de sa femme ; mais Salomé, sœur du roi Hérode, soutenue de la puissance de ce prince, s’étant brouillée avec Costabare iduméen son second mari, lui envoya contre l’usage & la loi la lettre de divorce, & fit passer par exemple nouveau sa volonté pour loi, ensorte que Costabare fut obligé de s’y soumettre. (D. J.)

Répudiation, (Hist. rom.) Les fiançailles chez les Romains pouvoient être rompues par la répudiation. Le billet qu’envoyoit celui qui répudioit, étoit conçu en ces termes : je rejette la promesse que vous m’aviez faite ; ou, je renonce à la promesse que je vous avois faite : & alors l’homme étoit condamné à payer le gage qu’il avoit reçu de la femme, & celle-ci étoit condamnée au double ; mais lorsque ni l’un ni l’autre n’avoient donné sujet à la répudiation, il n’y avoit point d’amende. Le divorce étoit différent de la répudiation ; il pouvoit se faire au cas que la femme eût empoisonné ses enfans, qu’elle en eût supposé à la place des siens, qu’elle eût commis un adultere, ou même qu’elle eût bû du vin à l’insçu de son mari : c’est du-moins ce que rapporte Aulu-Gelle, liv. X. c. xxiij, Pline, hist. nat. l. XIV. c. xiij. Enfin le sujet du divorce étoit examiné dans une assemblée des amis du mari ; quoiqu’il fût autorisé par les lois, cependant le premier exemple n’arriva que vers l’an 520, par S. P. Carvilius Ruga, à cause de la stérilité de sa femme ; mais dans la suite il devint fort fréquent par la corruption des mœurs. Voyez tout ce qui regarde cette matiere à l’article Divorce.

Je n’ajoute qu’un mot d’après Plutarque. Il me semble, dit-il dans sa vie de Paul Emile, qu’il n’y a rien de plus vrai que ce qu’un romain qui venoit de répudier

sa femme dit à ses amis, qui lui en faisoient des reproches, & qui lui demandoient : votre femme n’est-elle pas sage ? n’est-elle pas belle ? ne vous a-t-elle pas donné de beaux enfans ? Pour toute réponse, il leur montra son soulier, les questionnant à son tour ; ce soulier, leur répartit-il, n’est-il pas beau, n’est il pas tout neuf ? n’est-il pas bien fait ? cependant aucun de vous ne sait où il me blesse. Effectivement, s’il y a des femmes qui se font répudier pour des fautes qui éclatent dans le public, il y en a d’autres qui par l’incompatibilité de leur humeur, par de secrets dégoûts qu’elles causent, & par plusieurs fautes legeres, mais qui reviennent tous les jours, & qui ne sont connues que du mari, produisent à la longue un si grand éloignement, & une aversion tellement insupportable, qu’il ne peut plus vivre avec elles, & qu’il cherche enfin à s’en séparer.

J’ai indiqué la formule du libelle de répudiation anciennement en usage chez les Romains ; celle du libelle de divorce portoit ces mots : Res tuas tibi habeto.

Nous ne sommes pas faits, je le vois, l’un pour l’autre,
Mon bien se monte à tant, tenez, voilà le vôtre.

(D. J.)

RÉPUGNANCE, s. f. (Gramm.) opposition qu’on éprouve au-dedans de soi-même à faire quelque chose. Il y a deux sortes de situation de l’ame, lorsqu’on est sur le point d’agir ; l’une, où l’on se porte librement, facilement, avec joie à l’action ; l’autre, où l’on éprouve de l’éloignement, de la difficulté, du dégoût, de l’aversion, & d’autres sentimens opposés qu’on tâche à surmonter : ce dernier cas est celui de la répugnance. Si vous allez le solliciter de quelque chose d’humiliant, vous lui trouverez la plus forte répugnance. Je ne dissimule pas ma pensée sans quelque répugnance.

RÉPULLULER, v. act. (Gramm.) c’est pulluler derechef. Voyez l’article Pulluler.

RÉPULSIF, adj. (Phys. & Méch.) force répulsive, est une certaine puissance ou faculté qui réside dans les particules des corps naturels, & qui fait que dans certaines circonstances ils se séparent mutuellement l’un de l’autre.

M. Newton, après avoir établi la force attractive de la matiere sur les observations & l’expérience, en conclud que comme en Algebre les grandeurs négatives commencent où les positives cessent, de même dans la Physique la force répulsive doit commencer où la force attractive cesse. Quoi qu’il en soit de ce principe, les observations ne permettent point de douter qu’une telle force considérée quant à ses effets, n’existe dans la nature. Voyez Répulsion.

Comme la répulsion paroît avoir les mêmes principes que l’attraction, avec cette différence qu’elle n’a lieu que dans certaines circonstances, il s’ensuit qu’elle doit être assujettie aux mêmes lois ; & comme l’attraction est plus forte dans les petits corps que dans les grands, à proportion de leurs masses, il en doit donc être de même de la répulsion. Mais les rayons de lumiere sont les plus petits corps dont nous ayons connoissance, il s’ensuit donc qu’ils doivent avoir une force répulsive supérieure à celle de tous les autres corps. Voyez Rayon & Lumiere.

M. Newton a calculé que la force attractive des rayons de lumiere est 1000000000000000 fois aussi grande que celle de la gravité sur la surface de la terre ; d’où résulte, selon lui, cette vîtesse inconcevable de la lumiere qui vient du soleil à nous en sept minutes de tems : car les rayons qui sortent du corps du soleil par le mouvement de vibration de ses parties, ne sont pas plutôt hors de sa sphere d’attraction, qu’ils sont soumis, selon M. Newton, à l’action de la force répulsive. Voyez Lumiere.