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tes sont grossierement arrondies & garnies de gros cloux : les chemins sont inégaux par eux-mêmes, ou ils le deviennent par le poids de la voiture qui les enfonce ; ces inégalités, soit des roues, soit du terrain, font que la roue s’appuie sur le terrain par un rayon oblique à la direction de la puissance ou de la résistance ; de sorte que la puissance est obligée de soutenir une partie du poids, comme si le poids étoit placé sur un plan incliné. D’ailleurs, il se fait toujours à l’endroit du moyeu un frottement très-considérable. Enfin les creux & les hauteurs qui se trouvent souvent sur les chemins changent aussi la direction de la puissance, & l’obligent à soutenir une partie du poids, c’est de quoi on peut s’assurer journellement. Car une charrette qui se meut assez facilement sur un terrain horisontal, a souvent besoin d’un plus grand nombre de chevaux pour être tirée sur un plan qui va tant soit peu en montant.

Mais s’il n’est pas possible de se mettre absolument au-dessus de toutes ces difficultés, on peut cependant les prévenir en partie en employant de grandes roues ; car, il est certain que les petites roues s’engagent plus que les grandes dans les inégalités du terrain ; de plus, comme la circonférence d’une grande roue mesure en roulant plus de chemin que celle d’une petite, elle tourne moins vîte, ou elle fait un moindre nombre de tours pour parcourir un espace donné, ce qui épargne une partie des frottemens. On entend par grandes roues celles qui ont cinq ou six piés de diametres ; dans cette grandeur, elles ont encore l’avantage d’avoir leur centre à-peu-près à la hauteur d’un trait de cheval, ce qui met son effort dans une direction perpendiculaire au rayon qui pose verticalement sur le terrain ; c’est-à-dire dans la direction la plus favorable, au moins dans les cas les plus ordinaires. Leçons de physique de M. l’abbé Nollet.

C’est la même regle, pour ces sortes de roues, que pour la machine appellée axis in peritrochio, c’est-à-dire tour ou treuil ; en effet, la roue simple n’est autre chose qu’une espece de treuil, dont l’aissieu ou axe est représenté par l’aissieu même de la roue, & dont le tambour ou peritrochium est représenté par la circonférence de la roue.

Les roues dentées sont celles dont les circonférences ou les aissieux sont partagées en dents, afin qu’elles puissent agir les unes sur les autres & se combiner.

L’usage de ces roues est visible dans les horloges, les tournebroches, &c. Voyez Horloge, Montre.

On donne le nom de pignon aux petites roues qui engrenent dans les grandes. On les appelle aussi quelquefois lanternes, & ces petites roues servent beaucoup à accélerer le mouvement, comme il n’est personne qui ne l’ait remarqué. Les roues dentées ne sont autre chose que des leviers du premier genre multipliés, & qui agissent les uns par les autres ; c’est pourquoi la théorie des leviers peut s’appliquer facilement aux roues, & on trouvera par ce moyen le rapport qui doit être entre la puissance & le poids pour être en équilibre. Voyez Pignon, Engrenage, Dent, Calcul, &c.

La force de la roue dentée dépend du même principe que celle de la roue simple. Cette roue est, par rapport à l’autre, ce qu’un levier composé est à un levier simple. Voyez Levier, &c.

La théorie des roues dentées peut être renfermée dans la regle suivante. La raison de la puissance au poids, pour qu’il y ait équilibre, doit être composée de la raison du diametre du pignon de la derniere roue au diamettre de la premiere roue, & de la raison du nombre de révolutions de la derniere roue au nombre des révolutions de la premiere, fai-

tes dans le même tems. Mais cette théorie demande

une explication plus particuliere.

Le poids A est à la force appliquée en D, par le principe du levier, comme OCD à BC ; cette force est à la force en G, comme EG est à EF ; la force en G est à la force en K, comme HK est à HI. Donc le poids est à la force en K, comme CD x EG x HK est à BC x EF x HI, c’est-à-dire, de la raison du produit des rayons des roues au produit des rayons des pignons, ce qui revient à la proportion précédente ; mais cette derniere proportion est plus simple & plus aisée à saisir.

1°. En multipliant le poids par le produit des rayons des pignons, & en divisant le tout par le produit des rayons des roues, on aura la puissance qui doit soutenir ce poids. Supposons, par exemple, que le poids à soutenir A (Pl. de la Méchanique, fig. 63.), soit de 6000 livres, BC de 6 pouces, CD de 34 pouces, EF de 5 pouces, EG de 35 pouces, HI de 4 pouces, HK de 27 pouces, le produit de BC par EF, par HI sera 120, & celui de CD, par EG, par IK de 32130. Multipliant donc 6000 par 120, & divisant le produit par 32130, on aura pour la puissance capable de soutenir les 6000 livres, & une petite augmentation à cette puissance suffira pour enlever le poids.

2°. En multipliant la puissance par le produit des rayons des roues, & en divisant le produit total par le produit des rayons des pignons, le quotient sera le poids que la puissance peut soutenir. Ainsi, si dans l’exemple, c’eût été la puissance de qui eût été donnée, on auroit trouvé pour le poids qu’elle peut soutenir 6000 livres.

3°. Une puissance & un poids étant donnés, trouver le nombre des roues, & quel rapport il doit y avoir dans chaque roue entre le rayon du pignon & celui de la roue, pour que la puissance étant appliquée perpendiculairement à la circonférence de la derniere roue, le poids soit soutenu.

Divisez le poids par la puissance, resolvez le quotient dans les facteurs qui le produisent, & le nombre des facteurs sera celui des roues ; & les rayons des pignons devront être en même proportion à l’égard des rayons des roues, que l’unité à l’égard de ces différens facteurs. Supposons, par exemple, qu’on ait un poids de 3000 livres, & une puissance de 60, il vient 500 au quotient, qui se résout dans les facteurs 4, 5, 5, 5. Il faut donc employer quatre roues, dans l’une desquelles le rayon du pignon soit à celui de la roue comme 1 à 4, & dans les autres comme 1 à 5.

4°. Lorsqu’une puissance meut un poids par le moyen de plusieurs roues, l’espace parcouru par le poids est à l’espace parcouru par la puissance, comme la puissance au poids. Et par conséquent plus la puissance sera grande, plus le poids aura de vitesse, & réciproquement.

5°. Les espaces parcourus par le poids & par la puissance, sont entr’eux dans la raison composée du nombre des révolutions de la roue la plus lente, au nombre des révolutions de la roue la plus prompte, & de la circonférence du pignon de la roue la plus lente à la circonférence de la roue la plus prompte. Et comme l’espace parcouru par le poids est toujours à l’espace parcouru par la puissance, dans la raison de la puissance au poids, il s’ensuit que la puissance est toujours au poids qu’elle peut soutenir, dans la même raison composée du nombre des révolutions de la roue la plus lente, au nombre des révolutions de la roue la plus prompte, & de la circonférence du pignon de la roue la plus lente, à la circonférence de la roue la plus prompte.

6°. La circonférence du pignon de la roue la plus lente, & la circonférence de la roue la plus prompte, étant données, aussi-bien que la raison qui est entre les nombres des révolutions de la premiere de ces