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me patrimonial, on dit que c’est celui dont le prince a pouvoir d’aliéner la couronne. Il est vrai que les uns prétendent que les royaumes successifs sont patrimoniaux ; les autres, que ce sont les royaumes despotiques ; les autres, que ce sont ceux qui ont été conquis ou établis de quelqu’autre maniere par un consentement forcé du peuple ; mais aucune de ces opinions n’établit de fondement solide d’un droit de proprieté proprement ainsi nommé, & accompagné du pouvoir d’aliéner.

De ce que l’on s’est soumis par force ou par nécessité à la domination de quelqu’un, il ne s’ensuit pas non plus qu’on lui ait donné par cela même le pouvoir de transferer son droit à tel autre qu’il voudra. Envain objecteroit-on que si le prince eût stipulé qu’on lui donnât le pouvoir d’aliéner, on y auroit consenti ; le silence, tout au-contraire, fait présumer qu’il n’y a point eu de telle concession tacite, puisque si le roi avoit prétendu acquérir le droit d’aliéner la couronne, c’étoit à lui à s’expliquer, & à faire expliquer là-dessus le peuple ; mais le peuple n’en ayant point parlé, comme on le suppose, il est & doit être censé n’avoir nullement pensé à donner au roi un pouvoir qui le mît en état de lui faire changer de maître à sa fantaisie.

En un mot, le pouvoir souverain, de quelque maniere qu’il soit conféré, & quelque absolu qu’il soit, n’emporte point par lui-même un droit de proprieté, ni par conséquent le pouvoir d’aliéner ; ce sont deux idées tout-à-fait distinctes, & qui n’ont aucune liaison nécessaire l’une avec l’autre. Le grand-seigneur, tout despotique qu’il est, n’a ni la puissance d’aliéner l’empire, ni de changer à sa fantaisie l’ordre de la succession.

Il est vrai qu’on allegue un grand nombre d’exemples d’aliénations faites de tout tems par les souverains ; mais il faut remarquer sur ces exemples qu’on allegue, 1°. que la plûpart de ces aliénations n’ont eu aucun effet ; 2°. que nous ignorons les conditions sous lesquelles les princes ou les états anciens dont on parle, avoient acquis la souveraineté de tel ou tel peuple. Ainsi il pourroit se faire qu’il y eût quelque clause formelle par laquelle ces peuples avoient donné à leurs souverains le pouvoir d’aliéner la souveraineté même. 3°. Souvent ces aliénations n’ont eu d’autre titre que la force, & elles ne sont devenues légitimes qu’en vertu du consentement donné après coup, lorsque les peuples aliénés se sont soumis sans opposition au nouveau souverain. 4°. Il a pû y avoir aussi un consentement tacite entierement libre, dans le tems même de l’aliénation, & cela en deux manieres ; ou quand le peuple qu’on vouloit aliéner, n’y témoignoit aucune répugnance, quoiqu’il ne fût point contraint par une force majeure ; ou parce que l’usage s’étant introduit en orient & ailleurs, d’attacher au droit de souveraineté absolue un plein pouvoir de propriété, qui autorisât le souverain à aliéner ses états comme bon lui sembloit ; ceux qui se soumettoient à un tel souverain, étoient censés le faire sur le pié de la coutume établie, à moins qu’ils ne déclarassent expressément le contraire. Ainsi tous ces exemples ne prouvent point que le pouvoir d’aliéner, suive nécessairement de la souveraineté la plus absolue, & considerée en elle-même, & de quelque maniere qu’on l’acquiere.

Concluons donc, comme un principe incontestable, que dans le doute, tout royaume doit être censé non patrimonial, aussi long-tems qu’on ne prouvera pas d’une maniere ou d’une autre, qu’un peuple s’est soumis sur ce pié là à un souverain. Voyez Barbeyrac, dans ses Notes sur Grotius ; & Bohmer, dans son Introduct. ad jus publicum universale. (D. J.)

Rovaume de Dieu, (Critique sacrée) ce mot se prend dans l’Ecriture, pour le souverain empire de

Dieu sur toutes les créatures ; le royaume des cieux, est une expression commune dans le nouveau testament, pour signifier le royaume de Jesus-Christ, c’est-à-dire la vocation des peuples à la foi, & la prédication de l’évangile ; il marque encore l’état des bienheureux après cette vie ; heureux sont les pauvres en esprit, car le royaume des cieux leur appartient. Matt. v. 3. Les pauvres en esprit sont ceux qui ne sont pas possedés de l’amour des richesses, & qui ne commettent pas d’injustice pour en acquérir. Voyez Pauvre, Critiq. sacrée. (D. J.)

Royaume d’Israel et de Juda, (Hist. sacrée) les Israélites, après avoir été sagement gouvernés par des juges éclairés, & choisis dans chaque tribu, se lasserent de cette forme de gouvernement, & déclarerent à Samuël qu’ils ne vouloient plus, à l’exemple d’autres nations voisines, obéir qu’à un seul, qui fût leur maître & leur roi. Samuël pour les détourner de prendre ce parti, leur représenta fortement, mais vainement, quel seroit le droit du roi qui les gouverneroit ; il vous ôtera vos fils, leur dit-il, pour en faire ses serviteurs ; il prendra vos esclaves & vos troupeaux ; il vous fera payer la dixme de vos grains pour enrichir ses créatures, & vous serez ses esclaves. I. Rois viij. 11. Les Israélites n’écouterent point le prophete, & Saül fut nommé leur roi. Cependant ce que Samuël appelle le droit du roi, jus regis, n’est pas le droit légitime des rois, mais l’abus qu’ils font de l’autorité qui leur a été confiée par les peuples, lorsqu’au lieu d’en être les peres & les protecteurs, ils en deviennent les oppresseurs & les tyrans.

A Saül succéda Isboseth pendant quelque tems, sur une partie de son royaume, & à la mort d’Isboseth, David réunit tout Israël. A David succéda Salomon, après la mort duquel le royaume fut partagé ; dix tribus suivirent Jéroboam, car le fils de Salomon ne regna que sur Benjamin & Juda ; alors se formerent deux royaumes, celui de Juda, & celui d’Israël ; le dernier dura 253 ans, sous dix-neuf rois, qui tous moururent dans l’impiété ou dans le crime.

Le royaume de Juda eut aussi dix-neuf rois, depuis Roboam jusqu’à Sédécias, sous le regne duquel Jérusalem fut prise par Nabuchodonosor, le temple brulé, & les habitans emmenés captifs au-delà de l’Euphrate. Dans cette longue suite de rois, il ne s’en trouve que trois, David, Ezéchias & Josias, qui n’aient pas été idolâtres, ou du moins fauteurs de l’idolatrie. Ecclés. xljx. 5.

Après le retour de la captivité, qui dura 70 ans, les Juifs rentrerent dans l’aristocratie, & vêcurent sous la domination des Perses, jusqu’au regne d’Alexandre le Grand, l’an du monde 3672. après sa mort la Judée passa sous l’autorité des rois d’Egypte, ensuite sous celle des rois de Syrie, jusqu’à ce qu’Antiochus Epiphane, ayant forcé les Juifs de prendre les armes pour leur défense, la famille des Asmonéens s’éleva & remit les Juifs en liberté.

D’abord ceux de cette famille ne prirent que le nom de princes, que porterent cinq d’entr’eux, Mathatias, Juda Machabée, Jonathas, Simon, & Hircan ; mais Aristobule prit le titre de roi qu’il transmit à cinq de ses successeurs, Alexandre, Jannée, Salomé sa femme, Hircan, Aristobule, & Antigone. Ensuite Hérode s’empara du royaume, & le conserva sous l’autorité de Rome ; après sa mort, la Judée fut gouvernée sous le nom d’Ethnarchie, par ses trois fils, Archélaus, Hérode Antepas, & Philippe. Enfin elle sut réduite en province romaine. (D. J.)

Royaumes du monde, (Hist. anc.) on compte ordinairement vingt-quatre royaumes célebres jusqu’à la naissance de Jesus-Christ. Les voici :

Le premier royaume est celui de Babylone, que Nemrod fonda 146 ans après le déluge l’an 1802 du monde, & 2233 avant Jesus-Christ. Nemrod y joi-