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Il est évident que cette hyppothèse des saisons n’est point admissible, parce qu’elle n’est pas vraie dans tous les lieux ; mais seulement pour ceux qui sont au nord de l’équateur. En effet, au sud de l’équateur, le printems dure tant que le soleil remplit son cours depuis le premier degré de la balance, jusqu’au premier degré du capricorne ; l’été, depuis celui-ci jusqu’au premier degré du belier, & ainsi de suite, tout au contraire de ce qui arrive vers le nord.

De plus, cette hyppothèse de saisons ne convient point à la zone torride ; la preuve en est palpable, car on doit avouer que quand le soleil passe par ces lieux, il y a été, à-moins que quelque cause n’y mette obstacle. Par rapport aux cieux, & dans les lieux situés sous l’équateur, il ne doit être ni printems, ni automne, quand le soleil a passé le premier degré du belier, mais plutôt l’été ; car alors le soleil passe sur ces lieux, & ainsi y cause la plus grande chaleur. On ne peut donc pas y transporter l’été au premier degré de l’écrevisse ou du capricorne.

On en peut dire autant des lieux situés entre l’équateur & les tropiques, parce que le soleil y passe aussi, avant que d’arriver au premier degré de l’écrevisse ou du capricorne. Le même inconvénient se rencontre par rapport au printems & à l’automne sous la zone torride, puisqu’il paroît n’y avoir ni l’une, ni l’autre de ces deux saisons, sur-tout sous l’équateur.

D’autres auteurs déterminent les saisons par le degré de chaleur ou de froid, ou par l’approche & l’éloignement du soleil. L’idée que les Européens ont communément des saisons, renferme l’un ou l’autre de ces deux points, & sur-tout le froid & le chaud ; quoique les Astronomes aient encore plus d’égard au lieu du soleil dans l’écliptique. Il est certain qu’en beaucoup d’endroits sous la zone torride, les saisons ne répondent point au tems que le soleil s’en approche ou s’en éloigne, car on y compte l’hiver qui est pluvieux & orageux, quand ce devroit être l’été, puisque le soleil en est alors plus proche : & tout au contraire, on y compte l’été quand le soleil s’en éloigne. En un mot, on y fait consister l’été dans un ciel clair ; & l’hiver dans un tems humide & pluvieux. Il est donc vrai que les idées des saisons different considérablement suivant les lieux ; cependant voici ce qu’on peut établir de raisonnable.

1°. Puisque dans plusieurs lieux, comme sous la zone torride, & même dans quelques endroits de la zone tempérée, la chaleur & le froid ne suivent pas le mouvement du soleil ; on ne doit pas penser que ce soit la chaleur & le froid qui font les saisons, à-moins qu’on ne distingue entre les saisons des cieux & celles de la terre. Je me sers de ces termes faute de meilleurs. Ainsi la saison de l’été terrestre d’un lieu, est le tems de l’année où il y a fait la plus grande chaleur. Mais l’été céleste, est le t ms où l’on doit attendre la plus grande chaleur, à cause de la position du soleil : raisonnons de même par rapport à l’hiver. Or quoique l’été & l’hiver, tant terrestre que céleste, arrivent en plusieurs lieux dans le même tems de l’année, il y a pourtant des endroits sous la zone torride, où ils arrivent dans des tems différens. Il en faut dire autant du printems & de l’automne, tant céleste que terrestre.

2°. Comme il n’y a que peu d’endroits où l’été & l’hiver terrestre different du céleste, par rapport au tems de l’année, & que le plus souvent ils arrivent dans le même tems ; on doit donc appeller l’été, l’hiver, &c. céleste, simplement été, hiver, &c. sans y ajouter le mot de céleste ; mais quand on veut parler des saisons terrestres, il faut ajouter en les nommant le mot terrestre, pour les distinguer de celles qu’on nomme simplement été, hiver, quand il n’y a point de différence entre la terrestre & la céleste.

L’été céleste d’un lieu est la saison dans laquelle le soleil approche le plus de son zénith, & l’hiver celle où il s’en éloigne le plus. Le printems est la saison qui est entre la fin de l’hiver, & le commencement de l’été ; & l’automne se trouve entre la fin de l’été & le commencement de l’hiver. C’est ainsi qu’il faut entendre ces quatre saisons dans tous les lieux ; mais nous nous contenterons de remarquer ici que sous la zone temperée & la zone glaciale, les quatre saisons célestes sont presque de la même longueur ; & que sous la zone torride elles sont inégales, la même saison y étant différente selon les différens lieux.

La premiere partie de cette proposition est claire, parce que le soleil parcourt trois signes dans chaque saison ; ainsi les tems seront à-peu-près égaux à quelques jours près, c’est-à-dire que dans les lieux au nord, l’été est de 5 jours, & le printems de 4 jours plus longs que l’automne & l’hiver ; au lieu que dans les lieux placés au sud, l’automne & l’hiver l’emportent d’autant de jours sur le printems, à cause de l’excentricité du soleil.

3°. Dans les lieux placés sous l’équateur, les saisons sont doubles ; les deux étés sont fort courts, ainsi que les deux printems qui n’ont que chacun 30 jours. Les deux étés & les deux printems ont tout au plus 64 jours chacun, c’est-à-dire 2 mois & 2 ou 4 jours. Mais l’automne & l’hiver ont chacun 55 jours, c’est-à-dire les deux automnes 110 jours, & les deux hivers autant, c’est-à-dire près de 4 mois.

4°. Sous la zone torride, plus les lieux sont proches de l’équateur, plus leur été est long, & leur hiver court ; & l’automne & le printems plus ou moins longs qu’à l’ordinaire. Si les lieux ont moins de 10 degrés de latitude, l’été ne dure pas moins de six mois ; & l’on peut calculer par les tables de déclinaison, la longueur de chaque saison.

Il seroit trop long de déterminer ici dans quel mois de l’année les quatre saisons arrivent sur la terre sous la zone torride, sous la zone glaciale, & sous la zone temperée : Varenius vous en instruira complettement, je me borne à trois observations.

1°. Sous la zone tempérée, l’approche ou la distance du soleil est si puissante, quand on la compare aux autres causes, que cette approche ou distance sont presque les seules choses qui reglent les saisons. En effet, dans la zone temperée septentrionale, il y a printems & automne quand le soleil parcourt les signes depuis le belier par le cancer, jusqu’à la balance ; car alors il est plus proche de ces lieux : ensuite allant de la balance au belier par le capricorne, il forme l’automne & l’hiver ; mais sous la zone temperée méridionale, c’est tout le contraire, & les autres causes ne détruisent jamais entierement l’effet de celle-ci, comme elles font sous la zone torride.

2°. Cependant les saisons different dans les divers endroits, de maniere qu’il fait plus chaud ou plus froid, plus sec ou plus humide dans un lieu que dans un autre, quoique dans le même climat ; mais elles ne different jamais de l’hiver à l’été, ni de l’été à l’hiver : car il y a des pays pierreux, d’autres marécageux ; les uns sont proches, les autres sont loin de la mer ; il y a des terres sablonneuses, d’autres sont argilleuses.

3°. La plupart des lieux voisins du tropique sont fort chauds en été ; quelques-uns ont une saison humide, à-peu-près semblable à celle de la zone torride. Ainsi dans la partie du Guzarate, qui est au-delà du tropique, il y a les mêmes mois de sécheresse & d’humidité qu’en-dedans du tropique, & l’été se change en un tems pluvieux : cependant il y fait plus chaud, à cause de la proximité du soleil, que dans la partie seche de l’année quand il y a un peu de froid. Chez nous, nous ne jugeons pas de l’hiver & de l’été,