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nous manque encore, il nous suffira de décrire la salamandre commune, que tout le monde connoît & qui se trouve par-tout.

Description générale de la salamandre commune. Elle est longue d’environ cinq pouces, & a la forme d’un lésard, si ce n’est que le corps est plus gros, & que la queue est plate ; sa peau n’est point écailleuse comme celle du lésard, mais remplie de petits tubercules, & comme chagrinée ; elle est brune sur le dos, jaune sous le ventre, & toute parsemée de bandelettes ou taches noires ; ces taches sont peu apparentes sur le dos, mais très-distinctes sur le ventre, à cause de son jaune orangé.

Sa tête est plate & large comme celle de la grenouille ; sa gueule est fort grande, garnie de petites dents ; ses yeux sont assez gros & saillans. On voit au-dessus de la mâchoire supérieure deux très-petites ouvertures, qui sont les narines ; ses pattes sont brunes par-dessus, jaunes par-dessous, & semées de taches noires comme le reste du corps : les pattes de devant n’ont que quatre doigts ; mais celles de derriere en ont cinq. Sa queue, qui est environ longue comme la moitié de son corps, ressemble à celle du lésard, si ce n’est qu’elle est plus grosse & plus charnue.

On en peut distinguer le sexe à la vue. On ne peut pas facilement distinguer le sexe par les parties extérieures de la génération ; elles sont pareilles dans l’un & dans l’autre, & à l’inspection on les jugeroit toutes femelles ; mais il y a dans d’autres parties du corps deux marques sensibles qui distinguent les mâles. La plûpart des auteurs les ont prises pour des marques caractéristiques d’especes différentes, & en ont ainsi multiplié le nombre par de faux signes.

Les mâles ont sur le dos une membrane large de deux lignes ou environ, dentelée comme une scie, qui prend son origine vers le milieu de la tête, entre les deux yeux, & se termine à l’extrémité de la queue ; elle est plus étroite, & rarement dentelée le long de la queue ; mais elle élargit tellement la queue, que les mâles paroissent l’avoir de moitié plus large que les femelles. L’autre marque qui designe les mâles est une bande argentée qui est de chaque côté de la queue ; elle a deux à trois lignes de largeur ou environ, à l’origine de la queue, & va en diminuant jusqu’au bout. Cette bande est moins marquée lorsque les salamandres sont jeunes, mais elle devient plus sensible au bout de quelque tems ; elle ne se voit jamais que dans les mâles, non plus que la membrane dentelée dont je viens de parler.

Du domicile des salamandres. On trouve par-tout des salamandres, en France, en Allemagne, en Italie, dans de petits ruisseaux clairs, de petites fontaines, dans des lieux froids & humides, aux piés des vieilles murailles, d’où elles sortent quand il pleut, soit pour recevoir l’eau, ou pour chercher les insectes dont elles vivent, & qu’elles ne pourroient guere attraper qu’à demi noyés, &c. Au reste il s’en faut bien qu’elles aient l’agilité du lésard ; elles sont au contraire, paresseuses & tristes.

De la rosée & du lait qui suinte de leur peau. Quoique leur peau soit quelquefois seche comme celle du lésard, elle est le plus souvent enduite d’une espece de rosée qui la rend comme vernie, sur-tout lorsqu’on la touche, elle passe dans un moment de l’un à l’autre état. Outre ce vernis extérieur, il se filtre sous le cuir une espece de lait qui jaillit assez loin lorsqu’on presse l’animal.

Ce lait s’échappe par une infinité de trous, dont plusieurs sont sensibles à la vue sans le secours de la loupe, sur-tout ceux qui répondent aux mammelons de la peau. Quoique la premiere liqueur qui sert à enduire la cuticule de l’animal, n’ait aucune couleur & ne paroisse qu’un vernis transparent, elle pourroit

bien être la même que le lait dont nous parlons, mais répandue en gouttes si fines & en si petite quantité, qu’il ne paroît point de sa blancheur ordinaire.

Ce lait ressemble assez au lait que quelques plantes jettent quand on les coupe ; il est d’une acreté & d’une stipticité insupportable ; & quoique mis sur la langue, il ne cause aucun mal durable ; on croiroit voir une plissure à l’endroit qu’il a touché : certains poissons ont mérité le nom d’orties, par la ressemblance qu’ils ont avec cette plante lorsqu’on la touche. Notre salamandre pourroit être regardée comme le tythymale des animaux, si son lait étoit aussi corrosif : pris intérieurement ; cependant lorsqu’on écrase ou qu’on presse ce reptile, il répand une singuliere & mauvaise odeur.

Description anatomique de la salamandre. Mais ce ne seroit point connoître la salamandre que de s’en tenir à ces dehors extérieurs qui frappent la vue ; il faut pour s’instruire, entrer dans les détails anatomiques de la structure des parties qui distinguent les deux sexes. Quoique le mystere de la génération soit des plus cachés chez ces sortes d’animaux, cette obscurité ne doit qu’exciter davantage les recherches des Physiciens, pour décider s’ils sont vivipares, ovipares, ou l’un & l’autre.

On peut regarder comme épiderme, la pellicule dont la salamandre se dépouille tous les quatre ou cinq jours. Si on la disseque lorsqu’elle vient de s’en dépouiller, il est impossible de détacher de son corps une autre pellicule ; si elle est prête à la quitter, elle s’enleve très-facilement. Cette peau étant vue au microscope, paroît n’être qu’un tissu de très-petites écailles, ou plûtôt l’enveloppe des mamelons du cuir ; au-dessous de cette peau on trouve le cuir qui est assez solide, & on le détache des muscles auxquels il est adhérent par des fibres lâches.

Le bas-ventre a trois muscles distincts ; l’un droit avec des digitations, couvre la région antérieure ; & les deux autres obliques, font les parties latérales ; ayant détaché ces muscles, on découvre le péritoine, qui est adhérent au foie par un petit ligament ; le péricarde semble être formé par une continuité du péritoine. Le cœur est au-dessus du foie, & appliqué immédiatement sur l’œsophage.

Le foie est très-grand, & séparé en deux lobes ; sous le lobe droit est la vésicule du fiel, qui n’est attachée que par son canal ; elle est transparente & remplie d’une liqueur verdâtre. Au-dessous du foie on voit quelques replis des intestins ; les sucs graisseux qui sont d’un jaune orangé, & les ovaires dans les femelles.

Dans l’hypogastre on trouve la vessie adhérente au péritoine par un petit vaisseau : si on la souffle par l’anus ou le canal commun, on voit qu’elle est en forme de cœur. Il y a aux deux côtés du foie, deux especes de vessies remplies d’air ; elles sont très-minces, longues, & finissant en pointe. Voilà toutes les parties qui paroissent lorsqu’on a ouvert la capacité du ventre.

Voici maintenant celles qui sont plus cachées ; le foie & les intestins étant ôtés ou éloignés de leur place, on verra que les sacs graisseux sont séparés en plusieurs lobes, & entourés d’une membrane très déliée, parsemée de vaisseaux sanguins qui les attachent aux ovaires & aux trompes dans les femelles ; & aux enveloppes des testicules & du canal déférent dans les mâles.

Des parties de la génération de la salamandre mâle. Pour suivre d’abord l’anatomie du mâle, on remarque le long de l’épine deux petits tuyaux blancs, qu’on peut appeller canaux déférens, qui font plusieurs plis & replis ; ils se terminent en devenant à rien par leur partie supérieure, dans la membrane qui les attache, & aboutissent vers l’anus, à l’extrémité d’un