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toises 54 piés cubes d’eau, ou environ, en supposant que le jas a deux piés.

Explication des outils. 30. Le rouable est un morceau de planche long de 2 piés, & large de 3 pouces & demi. Au milieu est une mortaise quarrée où l’on fait entrer de force un manche, nommé queue du rouable, long de 10 à 11 piés ; on s’en sert pour nettoyer le marais, & pour pousser les boues ou saignes au bord du marais : il sert aussi à brasser le sel quand il se forme, & à le pousser au bord de la vie.

40. Le servion est un morceau de planche, large de dix pouces, sur un pié de haut mis en pente ; le manche a 4 piés & demi ou 5 piés de long ; il a de plus un support qui le traverse, & qui va aboutir par un bout à l’autre extrémité de la planche ; on s’en sert à retirer le sel du bord de la vie ; on met le sel en pile dessus pour égoutter ; c’est pour cela qu’il est percé de plusieurs trous.

32. Le boguet est une pelle de deux morceaux, comme on le voit au plan ; le manche a 4 à 4 piés & demi de long ; on s’en sert pour jetter sur les côtés des bosses les boues qui leur servent de fumier ; ces terres de marais étant grasses ou argilleuses sont aussi très-légeres, & par conséquent très-bonnes pour les semences.

26. Les saugeoires sont deux petits morceaux de planche longs de 9 à 10 pouces, sur 2 & demi de large ; sur le milieu de l’extrémité du haut sont cloués deux petits morceaux de bois, longs de 4 pouces ; ils servent de manche pour les prendre de plat en chaque main ; c’est avec quoi on met le sel dans le panier.

24. Le panier est grand de deux piés ; il en a un de largeur, & sept de profondeur ; on en a plusieurs ; il sert à prendre le sel sur la vie pour le porter sur la pile, pilot, cône, ou vache de sel.

27. Le bourreau est un sac où l’on met un peu de paille ; celui qui porte le sel le met sur son épaule pour empêcher le panier de le blesser.

36. La serrée R, que le sommier nomme la clé du marais, sert à le construire, à boucher & déboucher les pertuis, à raccommoder les velles lorsque l’eau les gâte, ou à raccommoder les trous que les cancres pourroient faire au chantier des claires ou levées.

V. Le picquet est un morceau de bois pointu, long de 10 à 11 pouces, sur 10 à 11 lignes de diametre ; il sert à faire les trous au bout du brassour, pour faire entrer l’eau aux aires.

T. La patelle sert à reboucher la superficie des trous du côté du brassour ; elle sert aussi à déboucher les lames d’eau qui prennent l’eau des tables au muant & ailleurs.

41. La beche sert à donner le premier labour aux bosses, le vrai terme est rompre les bosses ; on se sert au second labour d’un outil appellé fesour ou marre.

25. La pelle est d’un seul morceau, longue de 3 piés , le bas est large de 9 pouces sur un pié de long ; elle est creuse en-dedans, & arrondie vers le manche ; elle sert à prendre le sel à la pile pour le mettre dans des sacs, où se fait le charroi, & à bord à jetter le sel de la barque à bord du navire, c’est ce que l’on nomme lemper. Il tombe sur le pont, d’où on le met dans le boisseau pour le mesurer, avant de le laisser tomber dans le panneau du navire pour aller à fond-de-cale ; alors on se sert de pelles pour le jetter également en avant & en arriere du navire pour faire son chargement.

37. Le boisseau est une mesure qui peut avoir en hauteur 17 pouces, sur 11 de large par en-haut, & 31 pouces par en-bas ; il tient, mesure de Brouage, 31 pintes d’eau, il est fait de mairain & cerclé comme un tonneau ; il a de plus deux oreilles, où est attaché ou amarré un bout de corde long de 2

piés, que deux hommes tiennent pour le renverser en présence d’un commis des fermes & du mesureur. Le mesureur est un homme qui a prêté serment à l’amirauté en présence de deux négocians.

28. Les gaffes sont de divers grandeurs, il y en a de 20 à 25 piés de long, elles servent au transport du sel ; les barques, par exemple, qui le transportent s’en servent pour pousser, quand elles veulent monter ou descendre d’un chenal ; on dit monter un chenal, pour dire y entrer, & descendre un chenal pour en sortir, il y a une petite gaffe de 6 à 7 piés de long qui sert au bateau de la barque ; 31. la fourche sert au même usage.

Le salé ou trident est un instrument très-propre à prendre des anguilles au jas & aux conches.

28. Le sard blanc est une herbe dont on nourrit les chevaux, c’est celle que l’on met sur les huîtres qu’on porte à Paris.

33. Sart ou selin est un sart qui est rond, plein d’eau & de nœuds.

40. Autre espece qu’on appelle sart brandier ; le saunier en fait des balais pour nettoyer les aires où il bat son grain.

35. Autre espece nommée sart lisop, il est bon pour les douleurs & pour prendre les bains.

34. Le tamarin est une plante dont le bois brûle tout verd, il sert aux sauniers pour se chauffer ; ils en font aussi des cercles pour les petits barils dans lesquels ils portent leur boisson à l’ouvrage.

Du charrois du sel. Les piles de sel sont de diverses formes ; les unes sont rondes, les autres longues, arrondies sur les bouts, & couvertes avec de la paille dont on a retiré le grain, ou avec une herbe qui vient dans les marais jas ou perdus que l’on nomme ronche ; on a soin de la tremper auparavant dans l’eau salée, pour empêcher les corbeaux ou groles de les découvrir l’hiver ; on ne découvre que le côté de la pile qu’on veut entamer, ce que l’on fait au nord de la pile autant qu’on le peut, par ce moyen on perd moins de sel, si on est surpris par le mauvais tems ; c’est une précaution que doit avoir le juré ; le juré est le maître du charroi, c’est lui qui fait agir & qui paye ; il tient un livre cotté & paraphé qui se nomme livre de retallement ; il y écrit le jour qu’a commencé & fini le charroi, la quantité de muids, de bosses ou ras, & les sacs qui sont de surplus du muid ; ce livre fait foi en justice, parce que le juré a prêté serment.

Le charroi se fait en présence du commis des fermes qui en prend compte, pour être d’accord avec celui du bord du navire ; il met un homme à bécher le sel, un autre à remplir les sacs, & un troisieme pour les charger & les arranger sur les chevaux dont le nombre est limité par le juré, suivant le chemin qu’il y a à faire ; les chevaux sont conduits par des jeunes gens de douze à treize ans, on les nomme asniers ; l’endroit où on prend le sel se nomme l’attelier ; l’asnier à pié conduit les chevaux au bord de la barque, là un homme exprès pour cela ouvre un peu le sac & le laisse tomber dans une poche que lui présente un autre homme, pour pouvoir prendre le sac de dessus le cheval sans qu’il soit lié ; cela fait, un troisieme vient par derriere & renverse le sac sur celui qu’on nomme le déchargeur, celui qui renverse se nomme le pousse-cul, & celui qui reçoit le sel dans son pochon, le porteur de gagne. Le pousse-cul suit le déchargeur sur la planche, & lorsqu’il est au bout, il saisit les extremités du sac qu’il soutient ; alors le déchargeur largue ou lâche son bout, & tout le sel tombe, aussi-tôt le pousse-cul rapporte le sac à l’ânier, qui monte sur le cheval & retourne en courant à l’attelier.

On se sert de la planche O au plan pour aller de la barque à terre & pour le charroi du sel ; on la