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des gonflemens à la tête, or ces gonflemens n’arrivent que par les obstructions que le mercure cause dans les vaisseaux capillaires, ces obstructions ramassent le sang, & le sang ramassé pousse plus fortement & en plus grande quantité la salive dans les tuyaux secrétoires ; il faut ajouter à cela que le mercure fait une grande impression sur le tissu de la bouche & dans les parties voisines ; & comme les ramifications des nerfs sont très-nombreuses & très-sensibles dans la bouche & sur le visage, l’irritation y deviendra plus aisée & plus fréquente ; cette raison jointe à celle que nous venons de donner peut servir à expliquer la salivation causée par le mercure.

Il résulte de toutes ces remarques, que selon toute apparence, la vertu & l’énergie qu’a le mercure à procurer la salivation dépend de deux qualités principales ; savoir, sa grande divisibilité & sa figure sphérique qu’on trouve jusque dans ses petites molécules.

De la grande divisibilité & de la figure sphérique du mercure, il s’ensuit qu’il peut être porté jusqu’aux extrémités les plus reculées du corps ; qu’il peut pénétrer la masse du sang & la lymphe, s’insinuer entre les molécules le plus étroitement condensées de ces liqueurs, & par conséquent les diviser. De plus, les molécules les plus grossieres de la lymphe s’arrêtant un peu aux orifices des vaisseaux ; & étant mêlées avec des globules de mercure, elles sont brisées par la force de la contraction des vaisseaux, & par le mouvement continuel de protrusion des liqueurs, elles sont divisées, & acquierent enfin assez de fluidité pour pouvoir passer au-travers des plus petits tuyaux du corps.

Si nous faisons attention aux émonctoires du corps par où peut passer la lymphe trop épaisse, nous n’en trouverons que de deux sortes ; savoir les glandes intestinales & les salivaires. Les couloirs des reins & de la peau, ne laisseront échapper que la lymphe la plus ténue, à cause de la petitesse des vaisseaux ; c’est pourquoi les sudorifiques sont de moindre utilité que le mercure dans les maux vénériens, parce qu’ils chassent seulement par les pores de la peau la lymphe fluide, & qu’ils ne peuvent dissoudre celle qui est épaisse.

Mais les glandes salivaires & intestinales peuvent séparer les sucs épais ; ainsi lorsque l’on emploie le mercure, cette lymphe épaisse sort ou par ces deux émonctoires, ou par l’un d’eux seulement, selon que la lymphe qui est dissoute se répand dans le corps en plus ou moins grande quantité. Communément les glandes salivaires versent cette lymphe, parce qu’ayant un sentiment plus vif & plus exquis que celles des intestins, elles sont ébranlées plus fortement par les picotemens que cause cette lymphe âcre, de-sorte qu’elles expriment les sucs qu’elles contiennent, & en attirent d’autres ; cependant on comprend facilement que l’évacuation de cette lymphe se fait par les glandes salivaires ou intestinales, selon le différent degré d’irritation, parce qu’en excitant une plus violente irritation, par le moyen d’un purgatif, dans les glandes intestinales, on arrête la salivation, & l’humeur est portée hors du corps par les intestins. (D. J.)

SALIVE, s. f. (Physiolog.) humeur claire, transparente, abondante, fluide, qui ne s’épaissit point au feu, qui n’a point d’odeur ni de goût, & qui est séparée par les glandes salivaires, d’un sang pur artériel. Elle devient fort écumeuse étant battue ou fouettée, âcre quand on a grand faim, pénétrante, détersive, résolutive quand on a long-tems jeuné. Elle augmente la fermentation dans les sucs des végétaux & dans les syrops. Après une très-longue abstinence elle purge quelquefois le gosier, l’œsophage, l’estomac & les entrailles ; les hommes & les animaux

l’avalent dans l’état sain, pendant le sommeil de même qu’en veillant.

De ces diverses propriétés de la salive, on peut déduire aisément la nature de cette liqueur ; elle n’est à proprement parler qu’un savon fouetté ; les tuyaux qui la séparent sont très-subtils, ils ne laissent point échapper de matiere grossiere, mais seulement une matiere huileuse fort atténuée, mêlée avec l’eau par le moyen des sels & par le mouvement des arteres, & enfin extrèmement raréfiée ; après qu’elle a été déposée dans les cellules salivaires, elle est encore battue par le mouvement des arteres voisines.

Il suit 1°. que la salive doit être fort délayée & fort transparente, car la division & le mélange produit cet effet.

2°. Qu’elle doit être écumeuse, car comme elle est un peu visqueuse à cause de son huile, l’air y forme facilement de petites bulles dont l’assemblage fait l’écume.

3°. Elle ne doit pas s’épaissir sur le feu, car les parties huileuses étant fort divisées, elles s’elevent facilement quand la chaleur vient à les raréfier ; elles deviennent donc plus légeres que l’air, au-lieu que la lymphe, par exemple, a des parties huileuses & épaisses, qui laissent d’abord échapper l’eau à la premiere chaleur, & alors ses parties huileuses sont pressées encore davantage l’une contre l’autre par la pesanteur de l’atmosphere de l’air ; de plus la salive contient beaucoup d’air qui se raréfie sur le feu, & écarte les parties qui composent la salive.

4°. La salive n’a presque ni goût ni odeur, car le sel qui s’y trouve est absorbé dans une matiere huileuse & terreuse ; mais cela ne se trouve ainsi que dans ceux qui se portent bien ; car dans ceux qui sont malades, la chaleur alkalise, ou tend à alkaliser les sels ; alors la salive peut avoir divers goûts ; elle produira même divers effets, qui pourront marquer un acide ou un alkali. On ne doit donc pas prendre pour regle les opérations chimiques qu’on peut faire sur la salive : outre que les matieres décomposées forment avant la décomposition un assemblage bien différent de celui qu’elles nous présentent étant décomposées ; nous venons de voir que les maladies peuvent y causer des altérations.

5°. La salive dans ceux qui jeûnent doit être âcre, détersive, & résolutive ; alors la chaleur tend à alkaliser les liqueurs du corps, il faut en conséquence que la salive contracte quelque âcreté ; comme on sait que le savon est un composé de sel & d’huile, il n’est pas surprenant que la salive qui est formée par les mêmes principes soit détersive ; enfin elle doit être résolutive ; car outre que par son action elle débouche les pores, elle agite en même tems les vaisseaux, & y fait couler les liqueurs par cette agitation.

6°. La salive peut contribuer à la fermentation ; car les sels étant volatilisés, peuvent se détacher facilement ; ainsi ils pourront alors exciter une fermentation dans les corps où il se trouvera des matieres propres à les décomposer.

7°. Ce que le microscope nous découvre dans la salive, n’est pas contraire à ce que nous venons d’établir ; il nous y fait voir des parties rameuses qui nagent dans de l’eau ; or ces parties rameuses sont les parties de l’huile.

8°. Dans les maladies, le goût de la salive est mauvais ; comme les humeurs séjournent & s’échauffent, elles deviennent âcres, & par conséquent la salive qui en est le produit, doit causer une impression desagréable ; quand on ne sent plus de mauvais goût, c’est un signe que la santé renaît, car c’est une marque que les liqueurs coulent, & ne s’échauffent plus comme auparavant. C’est sur ce principe que les Mé-