Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 14.djvu/603

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du Judaïsme. Paul de Samosate fut condamné & déposé dans un concile tenu à Antioche même par plus de soixante-dix évêques d’Orient, l’an de Jesus-Christ 269, mais ses sectateurs subsistoient encore dans le siecle suivant sous le nom de Paulianistes. Voyez Paulianistes.

SAMOTHRACE, île de, (Géogr. anc.) en grec Σαμοθρᾴκη, en latin Samothraca ; île de l’Archipel, à l’embouchure de l’Hébre. La capitale de cette île portoit le même nom, & est fameuse par un temple dont les mysteres n’étoient pas moins respectés que ceux d’Eleusis. C’étoit un asyle si sacré, qu’Octave, lieutenant du consul, n’osa en enlever Persès, comme le remarquent Tite-Live, livre XLIV. ch. xxv. & Plutarque, dans la Vie de Paul Emile.

Diodore de Sicile, l. V. c. xlvij. nous dit que l’île de Samothrace fut appellée autrefois Samos, & qu’elle ne prit le nom de Samothrace, qu’après que Samos eut été bâtie, & pour en être distinguée. Ses premiers habitans furent des Aborigenes ; & de-là vient qu’il n’est rien parvenu de certain à la postérité touchant leur religion & leurs magistrats.

Les Samothraces, continue Diodore, rapportent qu’ils ont eu chez eux une très-grande inondation, au sujet de laquelle ils firent des vœux aux dieux de la patrie ; & après avoir été sauvés du danger, ils marquerent dans leur île différentes bornes, & y éleverent des autels où ils faisoient encore des sacrifices du tems que Diodore écrivoit.

Les dieux cabires étoient adorés dans cette île, & ce culte tiroit son origine de Phénicie. Les dieux cabires étoient ceux que les Romains appelloient divos potes, les dieux puissans. Ces dieux étoient ; Axioros, c’est-à-dire, Céres ; Axiokersa, Proserpine ; Axiokerse, Pluton ; & Casmillus, Mercure, qui étoit comme leur ministre. On avoit une très-grande vénération pour les mysteres institués en l’honneur de ces dieux ; car on étoit persuadé que ceux qui y étoient initiés, devenoient plus justes & plus saints ; que les dieux cabires les assistoient dans tous les périls ; & que par leur secours, ils étoient surtout préservés du naufrage. C’est pourquoi les plus grands personnages étrangers étoient fort soigneux de se faire initier dans leur culte.

L’île de Samothrace conserva sa liberté sous les Romains. Pline, après avoir dit, que de l’île de Thasos au mont Athos il y a soixante-douze mille pas, ajoute : Il y en a autant à l’île de Samothrace, qui est libre devant l’Hébre, à trente-deux milles d’Imbros, à vingt-deux mille cinq cens de Lemnos, & à trente-huit milles de la côte de Thrace. Elle a trente-deux milles de tour. Elle a une montagne nommée Sarce, qui a dix mille pas d’hauteur. C’est de toutes les îles de ce canton celle qui a le moins de havres. Callimaque la nomme Dardanie, de son ancien nom. Son nom moderne est Samandrachi.

Aristarque, célebre grammairien d’Alexandrie, étoit originaire de Samothrace. Il fut précepteur du fils de Ptolomée-Philométor, roi d’Egypte. Cicéron & Élien rapportent que sa critique étoit si fine, si sûre & si judicieuse, qu’un vers ne passoit pas communément pour être d’Homere, si cet habile grammairien ne l’avoit pas reconnu pour tel. Il mourut dans l’île de Cypre d’une abstinence volontaire, à l’âge de soixante-douze ans, ne pouvant plus supporter les douleurs d’une hydropisie dont il étoit cruellement tourmenté. On donne encore aujourd’hui le nom d’Aristarque à tous les censeurs judicieux des ouvrages d’esprit.

L’édition qu’Aristarque fit des poésies d’Homere, quoique fort estimée par le plus grand nombre, ne laissa pas que de trouver des censeurs. Suidas nous

apprend que le grammairien Ptolomée-d’Ascalo publia un livre de Aristarchi correctione in Odysseâ, & que Zénodote d’Alexandrie fut mandé pour faire la révision de la critique d’Aristarque. Cependant la sagacité du grammairien de Samothrace continua de passer en proverbe.

On rapporte de lui un bon mot, qu’il ne faut pas obmettre ici : « Je ne puis pas, dit-il, écrire, ce que je voudrois, & je ne veux pas écrire ce que je pourrois ». Mais Aristarque n’est pas le premier ni le seul qui ait tenu ce discours. Nous lisons dans les recueils de Stobée, que Théocrite interrogé pourquoi il n’écrivoit pas, répondit : « parce que je ne pourrois le faire comme je voudrois, & que je ne veux pas le faire comme je pourrois ». Plutarque rapporte dans la vie d’Isocrate, que cet orateur étant à la table de Nicocréon, roi de Cypre, fut prié de discourir, & qu’il s’en excusa en disant : « Ce que je sai n’est pas de saison ; & ce qui seroit de saison, je ne le sai pas ». Combien de gens de lettres sont dans le cas d’Isocrate ! (D. J.)

SAMOTHRACES, (Géog. anc.) habitans de l’île de Samothrace. Il y avoit aussi des Samothraces dans le continent de la Thrace, au nord de l’île, au couchant de l’embouchure de l’Hébre, au bord de la mer ; & Hérodote, l. VII, n°. 108, nomme murs de Samothrace un lieu de la Thrace même. (D. J.)

SAMOUR, s. m. (terme de relation.) On nomme ainsi à Constantinople, & dans les autres échelles du Levant, l’animal dont la fourrure s’appelle en France marte-zibeline. Voyez ce mot. (D. J.)

SAMOYÈDES, les, ou SAMOIEDES, (Géog. mod.) peuples de l’empire russien, dans sa partie septentrionale, entre la Tartarie asiatique & Archangel, étendus le long de la mer jusqu’en Sibérie.

Quoique ces peuples paroissent semblables aux Lapons, ils ne sont point de la même race. Ils ignorent, comme eux, l’usage du pain ; ils ont, comme eux, le secours des rugiferes ou rennes qu’ils attelent à leurs traîneaux. Ils vivent dans des cavernes, dans des huttes au milieu des neiges : mais d’ailleurs la nature a mis entre cette espece d’hommes & celle des Lapons des différences très-marquées. Leur mâchoire supérieure plus avancée, est au niveau de leur nez ; & leurs oreilles sont plus rehaussées. Les hommes & les femmes n’ont de poil que sur la tête ; le mamelon est d’un noir d’ébeine. Les Lapons & les Laponnes ne sont marqués à aucuns de ces signes.

Les races des Samoyèdes & des Hottentots paroissent les deux extrèmes de notre continent. Et si l’on fait attention aux mamelles noires de femmes samoyèdes, & au tablier que la nature a donné aux Hottentots, & qui descend à la moitié de leurs cuisses, on aura quelqu’idée des variétés de notre espece animale ; variétés ignorées dans nos villes, où presque tout est inconnu, hors ce qui nous environne.

Les Samoyèdes ont dans leur Morale, des singularités aussi grandes qu’en Physique. Ils ne rendent aucun culte à l’Être suprème ; ils approchent du Manichéïsme, ou plutôt de l’ancienne religion des Mages, en ce seul point, qu’ils reconnoissent un bon & un mauvais principe. Le climat horrible qu’ils habitent, semble en quelque maniere excuser cette créance si ancienne chez tant de peuples, & si naturelle aux ignorans & aux infortunés.

On n’entend parler chez eux, ni de larcins, ni de meurtres ; étant presque sans passions, ils sont sans injustice. Il n’y a aucun terme dans leur langue, pour exprimer le vice & la vertu. Leur extrème simplicité ne leur a pas encore permis de former des notions abstraites ; le sentiment seul les dirige ; & c’est peut-être une preuve incontestable, que les hommes aiment la justice par instinct, quand leurs passions funestes ne les aveuglent pas.