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Sapin, (Botan. Agricult.) cet arbre porte sa tête altiere jusqu’à la premiere région de l’air, æthereas ad auras vertice tendit : c’est sur les plus hautes montagnes, & sur-tout dans les forêts du nord, que la terre rassemble

Ces chênes, ces sapins qui s’élevent ensemble ;
Un suc toujours égal est préparé pour eux ;
Leur pié touche aux enfers, leur cime est dans les cieux ;
Leur tronc inébranlable & leur pompeuse tête
Résiste en se touchant aux coups de la tempête ;
Ils vivent l’un par l’autre, & triomphent du tems.

Tournefort compte quatre especes de sapin ; la principale est le sapin à feuilles d’if, dont le fruit taillé en cône se tourne en-haut, abies taxi folio, fructu sursùm spectante ; en anglois, the yewfir-tree with the fruit pointing upwards ; en françois le vrai sapin. C’est un grand & bel arbre, fort haut, fort droit, toujours verd : son bois est blanc, couvert d’une écorce lisse, blanchâtre & résineuse ; ses branches sont garnies de feuilles oblongues, étroites, dures, naissant seules le long de leurs côtes. Elles portent des chatons à plusieurs bourses membraneuses qui s’ouvrent transversalement en deux parties, & se divisent dans leur longueur en deux loges remplies d’une poussiere menue. Ces chatons ne laissent rien après eux ; les fruits naissent sur le même pié de sapin formé en plusieurs écailles en cône ou pomme de pin tournés en-haut ; les Latins les nomment strobili : on trouve ordinairement sous chacune de leurs écailles deux semences, &c.

Le sapin ou sapinette du Canada, abies minor pectinatis foliis, virginiana, conis parvis subrotundis, Pluk. Phytogr. tab. 121. fig. 1. est assez semblable à la pesse par son port ; ses feuilles sont cependant plus menues, plus courtes, & rangées en maniere de dents de peigne. Cet arbre est originaire du Canada, où l’on en tire une térébenthine qui est d’une odeur & d’un gout plus agréable que la terébenthine ordinaire ; & comme on donne de beaux noms à toutes les drogues, on appelle communément cette térébenthine, baume de Canada.

Le sapin est d’un grand usage pour la mâture des vaisseaux ; on l’éleve de graines, & on en fait des forêts entieres dans les pays septentrionaux. Les Anglois en élevent plusieurs especes, & particulierement le sapin d’Ecosse, le sapin argenté, le sapin de Norwege, & le sapin à poix ; mais nous ne connoissons en France que le sapin décrit ci-dessus, & la pesse, encore les confond-on d’ordinaire.

Sapin, (Mat. méd.) cet arbre appartient à la matiere médicale comme lui fournissant une espece de térébenthine, connue dans les boutiques sous le nom de térébenthine de Strasbourg, ou de térébenthine de sapin, & plusieurs autres matieres résineuses, soit naturelles, soit altérées par l’art, dont il a été fait mention à l’article Pin, & dont on parlera à l’article Térébenthine. Voyez ces articles. (b)

SAPINES, s. f. plur. (Charpent.) solives de bois de sapin, qu’on scelle de niveau sur des tasseaux quand on veut tendre des corbeaux pour ouvrir les terres & dresser les murs. On fait des planchers de longues sapines, & on s’en sert aussi dans les échaffaudages. (D. J.)

SAPINETTES, s. f. (Marine.) petits coquillages qui s’attachent à la carene du vaisseau.

Sapinette, (Commerce.) c’est une espece de liqueur ou de biere en usage dans le Canada, la Virginie, & les autres parties septentrionales de l’Amérique. On la fait avec une espece de sapin que les François nomment épinette blanche, & les Anglois spruce : les Botanistes nomment ce sapin abies foliis brevibus, conis minimis. Cet arbre est très-commun

en Canada ; il est assez rare dans les colonies angloises, où le climat est moins froid, & on ne le trouve plus vers le midi, à-moins que ce ne soit sur les hautes montagnes qui sont presque toujours couvertes de neige.

Voici la maniere de faire la sapinette : on fait bouillir de l’eau dans une chaudiere que l’on n’emplit qu’aux trois quarts ; lorsque cette eau commence à bouillir, on y met un paquet de branches de sapin ou d’épinette blanche rompues. On continue la cuisson jusqu’à ce que l’écorce se détache avec facilité des branches, ce qui demande environ une heure. Pendant ce tems on fait griller dans une poële ou du froment, ou de l’avoine, ou de l’orge, ou du maïz, de la même maniere que l’on brûle le caffé, & l’on jette l’un de ces grains grillés dans la chaudiere où cuisent les branches de l’épinette ; on y met aussi quelques tranches de pain grillé ; ce qui se fait pour donner de la couleur à la liqueur. Alors on retire du feu la chaudiere ; on enleve les branches & les feuilles qui ont été cuites ; on passe la liqueur au-travers d’un linge ; l’on y mêle de la melasse ou du syrop de sucre grossier ; on met le tout dans un tonneau ; on y joint une petite quantité de levûre de biere que l’on bat dans la liqueur pour l’y incorporer ; après quoi on laisse fermenter ce mélange dans le tonneau dont le bondon reste ouvert, & que l’on a soin de remplir à mesure que la liqueur diminue : la fermentation fait qu’il s’en dégage beaucoup de saletés. Si l’on veut que cette liqueur ait un goût piquant, on n’aura qu’à la tirer en bouteilles avant que la fermentation soit achevée ; si on la veut plus douce, on attendra que la fermentation soit entierement achevée.

Cette liqueur est brune ou jaunâtre comme de la biere ; elle est fort agréable pour ceux qui y sont accoutumés, au point que quelques particuliers qui avoient vécu en Canada, en ont fait venir en Europe. Elle passe pour rafraîchissante, pour un très bon remede dans les affections scorbutiques, & est très-diurétique. Cette liqueur est la boisson la plus ordinaire dans le Canada, dans la nouvelle York, & dans l’Albanie. Il paroît qu’on pourroit l’imiter dans nos pays où elle pourroit être d’une grande ressource dans les tems où la disette des grains rend la biere ordinaire trop chere pour les pauvres gens. Ce détail est dû à M. Pierre Kalm, qui l’a inséré dans les Mémoires de l’académie de Suede, année 1751. Il est aussi parlé de cette liqueur & de la maniere de la faire dans le Traité des arbres & arbustes de M. Duhamel du Monceau, tome I. page 17. (—)

SAPINIA TRIBUS, (Géog. anc.) peuple d’Italie, dans l’Ombrie ; Tite-Live en fait mention, l. XXXII. c. ij. Ce peuple tiroit son nom du Sapis, (le Savio) riviere auprès de laquelle il habitoit. (D. J.)

SAPINIERE, s. f. terme de Batelier, bateau construit de sapin dont on se sert sur la riviere de Loire pour le transport des marchandises. La sapiniere est moins longue, mais plus large qu’un chalant. (D. J.)

SAPINOS, s. m. (Hist. nat. Litholog.) les anciens donnoient ce nom à une améthyste très-claire, & fort peu chargée de couleur.

SAPIS, (Géog. anc.) riviere d’Italie dans le Picenum, auprès de la ville d’Isaurum. Son nom moderne est le Savio ; & comme cette riviere passe à Césena, on la nomme aussi rio-di-Cesena. (D. J.)

SAPONAIRE, s. f. (Botan.) cette plante est l’espece de lychnis que Tournefort & Ray nomment lychnis sauvage, lychnis sylvestris. I. R. H. 336. Ray, Hist. plant.

Sa racine est longue, rougeâtre, noueuse, rampante, fibrée ; vivace ; elle pousse plusieurs tiges hautes d’un pié & demi ou de deux piés, rondes, sans poils pour l’ordinaire, noueuses, rougeâtres,