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leur vieillesse. Vitruve, lib. IV. c. viij. parle de ce palais qu’il appelle Gerusia.

Le conseil gerusia étoit établi dans plusieurs villes de l’Asie, suivant les inscriptions & les médailles. Le premier magistrat de Sardes étoit nommé archonte, & quelquefois στρατηγὸς, préteur ; on sait que le nom d’archonte a pris naissance à Athènes. Les colonies grecques le porterent en Asie, d’où il s’étendit à plusieurs villes de ce continent. L’archontat étoit une magistrature annuelle ; mais l’archonte étoit quelquefois continué ou choisi, deux, trois, ou quatre fois, comme il est constant par les médailles, ΑΡΧ. πρῶτος, étoit éponyme. Son nom inscrit sur les actes publics, marquoit la date des années ; car plusieurs villes marquoient la date des années par les archontes. Dans le grand nombre des médailles de Sardes, il n’y en a que deux frappées sous Tibere, & une sous Trajan, qui portent le nom du proconsul ; mais on y trouve les archontes sous presque tous les regnes, depuis Auguste jusqu’à Valerien le jeune. Ils sont désignés ordinairement par les lettres ΑΡ. ΑΡΧ. Sardes avoit aussi un premier magistrat, στρατηγὸς, strategus ou préteur, qu’on trouve sur quelques-unes de ses médailles, & un γραμματεὺς, greffier en chef de la ville ; place de confiance, qui demandoit une exacte probité dans celui qui la remplissoit.

IV. Les monumens nous instruisent non-seulement du gouvernement de la ville de Sardes, ils nous ont transmis les différens traités d’union & d’association qu’elle conclut avec d’autres villes, comme avec celle de Pergame, d’Ephèse, de Laodicée & d’Hiérapolis de Phrygie. Ces traités sont désignés sur les médailles par le nom d’ὁμόνοια, que les Latins ont rendu par celui de concordia. Les villes d’Ephèse & de Sardes firent entre elles un traité d’union sous les Antonins, pour s’associer réciproquement au culte de leurs divinités. En conséquence de cette association, le culte de Diane éphésienne fut établi à Sardes : cette déesse y paroit sur une de ses médailles frappée sous le regne de Caracalla. Par une médaille d’Hiérapolis de Phrygie, qui a d’un côté la tête de Philippe le jeune, on voit que cette ville associa Sardes à la célébration des jeux sacrés ; au revers sont représentées deux urnes, avec des branches de palmier, on lit autour : ἱεροπολείτων καὶ σαρδιανῶν ὁμόνοια.

V. Quoique les Grecs, & les autres peuples du Paganisme, reconnussent la pluralité des dieux, cependant chaque pays, & même les villes, adoroient des divinités particulieres. Tels étoient l’Apollon de Milet, l’Esculape d’Epidaure, la Minerve d’Athènes, la Diane d’Ephèse, la Vénus de Paphos, & une infinité d’autres divinités. La ville de Sardes honoroit aussi des divinités tutélaires, auxquelles elle rendoit un culte particulier. Dans les premiers tems elle honoroit Cybèle, dont le temple fut brûlé par les Ioniens sous la conduite d’Aristagoras. Soit que son culte eût été aboli ou négligé, les monumens de Sardes ne la représentent plus que sur une médaille de Salonine femme de Gallien. Les habitans de la ville rendirent un culte particulier à Diane. Elle avoit un temple célebre sur les bords du lac de Gygès ou de Coloé, à 40 stades de la ville, d’où elle étoit nommée Κολοηνὴ Ἄρτεμις. Ce lieu sacré étoit infiniment respecté ; il avoit même un droit d’asyle, que les Sardiens prétendoient avoir obtenu d’Alexandre le grand. Comme ces privileges étoient l’occasion de plusieurs abus dans les villes de l’Asie, le sénat les restraignit sous l’empire de Tibere : ainsi le culte de la déesse ne fut plus aussi célebre. M. Askew a copié dans son voyage, une inscription qui fait mention d’une prêtresse de Diane de Sardes.

Proserpine tint le premier rang entre les divinités de Sardes ; elle est représentée sur les médailles de Trajan, de Marc Aurele, de Lucius Verus, de Com-

mode, de Septime Sévère, du Julia Domna, de Caracalla, de Tranquilline, de Gallien & de Salonine ;

& quelquefois avec son temple. Comme cette déesse étoit la divinité tutélaire de Sardes, cette ville célébroit des jeux en son honneur.

La Vénus de Paphos étoit aussi adorée à Sardes. Elle y avoit un temple qui est représenté sur les médailles d’Hadrien, de Sévere Alexandre, de Maximin & de Gordien Pie, avec l’inscription παφίη σαρδιανῶν : ce culte devoit être ancien à Sardes. Hérodote nous apprend à quel point les mœurs de cette ville opulente étoient dissolues dès les premiers tems. Il n’est donc pas étonnant que les Sardiens aient adopté une divinité de l’île de Cypre. Nous avons observé plus d’une fois dans cet Ouvrage, que des pays encore plus éloignés l’un de l’autre, se sont communiqués réciproquement leur culte & leurs cérémonies religieuses. On voit la tête de Vénus sans légende, sur une médaille du cabinet de M. Pellerin ; & au revers une massue dans une couronne de laurier, avec le nom Σαρδιανῶν, & un monogramme.

Le dieu Lunus, appellé Μὴν par les Grecs, paroit sur plusieurs médailles de Sardes. Il est représenté avec un bonnet phrygien sur la tête, & une pomme de pin à la main ; il porte quelquefois un croissant sur les épaules. Sur deux médailles décrites par Haym, on voit d’un côté la tête du dieu Lunus, avec le bonnet phrygien & le croissant : on lit autour μὴν ἄσκηνος ; de l’autre côté, un fleuve couché & appuyé sur son urne, tient de la droite un roseau, & de la gauche une corne d’abondance, avec la légende σαρδιανῶν Β. νεωκόρων ; & à l’exergue ερμος. L’autre médaille a la même tête avec la même légende, & au revers un gouvernail & une corne d’abondance, posés l’un sur l’autre en sautoir, avec la légende σαρδιανῶν Β. νεωκόρων. Ces deux médailles ont été frappées sous le regne de Septime Sévere, à cause du titre de néocores pour la seconde fois, que prennent les habitans de Sardes sur ces monnoies. Le nom d’Ἄσκηνος est une épithete du dieu Lunus, à qui les peuples de l’Asie donnoient différens surnoms, comme de φάρακος dans le Pont, de καρὸς en Carie, de καμαρείτης à Nisa en Carie, d’ἀρχαῖος en Pisidie, & suivant les médailles citées, d’ἄσκηνος en Lydie.

Nous avons déjà observé que le territoire de Sardes étoit très-fertile en blés, & qu’il produisoit des vins excellens : les Sardiens honoroient spécialement Cérès & Bacchus, & les ont souvent représentés sur leurs monumens. Le cabinet de M. Pellerin conserve un beau médaillon d’argent qui a été frappé à Sardes. C’est une de ces anciennes monnoies qu’on appelloit cistophores, parce qu’elles portoient d’un côté la ciste sacrée, ou la corbeille qui renfermoit les mysteres de Bacchus.

Jupiter est souvent représenté sur les médailles de Sardes, & même sur une de ses médailles on y a gravé la tête & le nom de Jupiter ; il avoit dans cette ville un temple avec des prêtres, & les Sardiens célébroient en son honneur des jeux publics.

Le culte d’Hercule étoit aussi établi à Sardes. Les anciennes traditions du pays avoient conservé la mémoire des amours de ce héros & d’Omphale reine de Lydie. Les Lydiens se glorifioient d’avoir été gouvernés par Hercule & par ses descendans. Ils le consacrerent au nombre de leurs principales divinités ; la ville de Sardes l’a représenté sur plusieurs de ses médailles. On voit sur une médaille du cabinet du roi d’un côté la tête d’Hercule sans légende ; de l’autre, Omphale de bout, porte sur l’épaule droite la massue, sur le bras gauche une peau de lion, avec le nom Σαρδιανῶν : sur une autre médaille du même cabinet, Omphale est représentée ayant la tête couverte d’une peau de lion. Sur deux médailles de ce cabinet, on voit d’un côté la tête de Proserpine, &