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contre Cyrus, roi de Perse, la célebre bataille de Thymbrée, fut pris, chargé de chaînes, & condamné à mourir sur un bucher. Il reconnut pour la premiere fois la vérité de ces belles paroles de Solon : « qu’on ne pouvoit appeller un homme heureux qu’après sa mort ». Et il invoqua tout haut en présence de son vainqueur le nom du grand homme dont il les tenoit. Cyrus faisant alors réflexion sur l’inconstance de la fortune, & sur les dangers qu’il avoit couru de son côté un moment avant la victoire, accorda généreusement la vie à Crœsus, le gratifia d’Ecbatane, & le traita depuis avec beaucoup de bonté & de distinction. Tout ceci se passa vers l’an 210 de Rome, du tems de Tarquin le Superbe.

Je ne dois pas oublier de couronner l’article de Sardes, en remarquant que les lettres y ont fleuri, & qu’on les cultivoit encore dans cette ville au v. siecle de l’ere chrétienne. Elle a été la patrie de Poliænus, qui vivoit sous Jules-César, & qui outre des plaidoyers, publia trois livres du triomphe partique, c’est-à-dire, de celui de Ventidius. Elle a produit dans le iv. siecle le rhéteur Eunape, auteur d’une histoire des sophistes, que nous avons, & d’une histoire des empereurs depuis Claude le Gothique, jusqu’à la mort d’Eudoxie, femme d’Arcadius, dont il ne reste que des fragmens, mais qui sont curieux. Strabon dit que Sardes donna la naissance aux deux Diodores, orateurs célebres ; mais elle doit sur-tout se glorifier de celle d’Alcman.

Je sai que Pausanias, Suidas, & Clément d’Alexandrie, le font naître à Sparte, cependant il étoit né véritablement à Sardes, mais il fut formé & élevé à Lacédemone, & y fleurissoit vers la vingt-septieme olympiade. Esclave d’un spartiate, nommé Agésidas, il fit paroître du génie & des talens qui lui procurerent la liberté, & le mirent au rang des célebres poëtes-musiciens. Il voyagea, & fut partout bien accueilli, mais il vécut principalement chez les Lacédémoniens, & il y mourut ; c’est leur goût pour la poésie qui leur a fait élever un esclave au rang de citoyen, malgré leur usage de n’accorder ce privilege qu’avec beaucoup de réserve.

Alcman fut excellent joueur de cithare, & chantoit ses vers au son de cet instrument. Il fut le chef des poésies galantes & amoureuses ; & puisqu’il ne paroît point que la sévere Lacédémone en ait été scandalisée, on peut juger que le poëte y avoit respecté la pudeur ; ce n’est pas qu’il ne fût un homme de plaisir, il aimoit la table & les femmes ; il convient lui-même quelque part qu’il étoit un grand mangeur, & selon Athenée, il avoit une maîtresse appellée Mégalastrata, distinguée par le talent de la poésie.

Clément d’Alexandrie fait Alcman auteur de la musique destinée aux danses des chœurs. Si l’on en croit Suidas, il fut le premier qui donna l’exclusion au vers hexametre par rapport aux poésies lyriques ou chantantes. On le fait encore auteur d’une sorte de vers nommé alcmanien, & composé de trois dactyles suivis d’une syllabe ; mais ce qui prouve l’excellence des vers & de la musique d’Alcman, c’est que sa poésie n’avoit rien perdu de sa douceur ni de ses graces, dit Pausanias, pour avoir été écrite dans un dialecte d’une prononciation aussi rude que le dialecte dorique.

Pausanias ajoute, qu’on voyoit de son tems à Lacédémone le tombeau de ce poëte. Si les conjectures de M. Antoine Astori, vénitien, exposées dans un petit commentaire imprimé en 1697, in-folio, eussent été bien fondées, on posséderoit à Venise un ancien monument de marbre venu de Grece, & consacré à la mémoire d’Alcman ; mais M. Frid. Rostgaard, savant danois, ayant examiné ce monument, n’y a pas trouvé un seul mot qui concernât le poëte

Alcman. Il ne nous reste même que quelques fragmens de ses poésies. Le tems nous a ravi ses six livres de chansons pour les jeunes filles, & son poëme intitulé les nageuses, ou les plongeuses. (Le Chevalier de Jaucourt.)

SARDESUS, (Géog. anc.) ville de l’Asie mineure, dans la Lycie. Etienne le géographe la place près de Lyrnessus. Il est fait mention des habitans de cette ville, sur une médaille de l’empereur Vespasien, où on lit ce mot Σαρδησσέων. (D. J.)

SARDICA ou SERDICA, (Géog. anc.) ancienne ville, la capitale & la métropole de l’Illyrie orientale, & que l’itinéraire d’Antonin, qui écrit Serdica, marque sur la route du Mont d’Or à Byzance, entre Meldia & Burburaca, à 24 milles du premier de ces lieux, & à 18 milles du second. Les Grecs comme les Latins varient sur l’ortographe du nom de cette ville. (D. J.)

SARDINE, SARDE, s. f. (Hist. nat. Ichthiologie.) poisson de mer fort ressemblant à l’aphye, mais il est un peu plus grand & plus épais. Il ne differe de l’alose qu’en ce qu’il est plus étroit ; au reste il lui ressemble, par la bouche, par les ouies, par les yeux, par les écailles, par la forme de la queue, & par le nombre & la position des nageoires. Voyez Aphye & Alose. La sardine a les écailles grandes, la tête d’un jaune doré, & le ventre blanc ; le dos est en partie verd & en partie bleu ; ces deux couleurs sont très brillantes lorsqu’on tire ce poisson vivant hors de l’eau ; & dès qu’il est mort, le verd disparoit entierement, & le bleu perd beaucoup de son éclat. La sardine n’a point de vésicule de fiel ; elle est plus grasse au printems qu’en toute autre saison. Rondelet, hist. nat. des poissons, prem. part. liv. VII. ch. x. Voyez Poisson.

Sardine, (Pêche.) voici la description de leur pêche, & la maniere de les apprêter. Cette pêche se pratique particulierement sur les côtes de Bretagne, dans les canaux de Belle-Isle. Sur les côtes du nord de cette île, depuis la pointe de Sud, ou du canon de Locmaria, en tirant au nord jusqu’à celle des Doulains, au-dessous d’Auborch. Cette étendue se nomme la bonne Rade ; elle est à couvert des vents de sud-sud-ouest par la terre de Belle-Isle, & de ceux de nord-nord-est par la grande terre qui est au large de l’île qui lui est opposée, & qui baigne la mer sauvage où les sardines ne terrissent point, parce que la lame y est toujours fort haute & très-élevée : la pêche commence ordinairement en Juin, & finit avec le mois de Septembre, ou au plus tard les premiers jours d’Octobre, outre les chaloupes, ceux de Saugon de ladite île, de Port Louis, de S. Cado, Vauray & de Groa viennent au même lieu ; les chaloupes sont du port de huit, dix à douze barriques au plus, faites en forme d’yolles ou de biscayennes, avec mâts, voiles, quille, & gouvernail ; elles sont aussi garnies d’avirons. Les marchands-propriétaires les fournissent de toutes choses, & prêtes à faire la pêche ; ils leur donnent aussi dix à douze pieces de filets de différens calibres, pour s’en servir durant qu’ils sont sur le lieu de leur pêche, suivant la grosseur des lits, bouillons ou nouées de sardines qui se trouvent souvent durant une même marée de quatre à cinq sortes différentes ; mais les mailles les plus petites sont toujours beaucoup au-dessus du moule de quatre lignes en quarré, fixé par l’ordonnance de la marine de 1684. Pour faire la pêche des sardines les pieces des rets à sardines non-montées ont ordinairement 22 brasses de long ; & lorsqu’elles sont garnies de lignes & de flottes par la tête, & de plomb par bas pour les faire caler, elles se trouvent réduites seulement à 18 brasses de longueur, afin de donner au filet du jeu, & que le ret reste un peu volage, libre & non-tendu, pour donner lieu aux sardines de s’y mailler plus aisément.